Broken I

Chapitre 18

Oui. Il s'agit bien d'elle, c'est Emma. Emma Lemens. La femme qui retient mon esprit prisonnier, celle dont je penses être éperdument amoureux. Je pensais que Lias était parvenue à me la faire oublier mais il est évident que mes sentiments pour elle subsistent. D'ailleurs, je suis toujours incapable de pouvoir donner une explication à cette obsession soudaine, moi qui en avais toujours eus rien à faire d'elle.
Vêtue d'une robe à col roulé mi longue rouge et des talons aiguilles dorés qui rajoutent au moins cinq centimètres à son mètre soixante-huit, elle se tient là, à même pas trois mètres de moi, sortant des toilettes féminines. Elle a perdu au moins 10 kilos. Ses longs cheveux blonds toujours en bataille cachent ses joues creuses. Hormis sa perte de poids, rien ne semble avoir changé sur son visage, elle a toujours ces lèvres imposantes et ce petit nez droit que j'adorais pincer pendant nos années lycée. Elle paraît toute aussi bouleversée et émue que moi, tandis que je la lorgne, elle, me reluque. Je pourrais la dévisager pendant le reste de ma vie, mais hélas elle décroche son regard du mien en baissant la tête. Elle s'avance vers Marilyn après avoir déglutit et frétillé ses cheveux qui semblaient la gêner. Je garde mes yeux rivés sur elle pendant son petit trajet et ça a l'air de l'empêtrer: elle a viré au rouge. Je me souviens que la dernière fois que je l'ai vu ainsi, c'est le jour où je lui ai demandé sa main.
Désormais à quelques centimètres de moi, je peux sentir son parfum, ou plutôt, le parfum que j'avais l'habitude de lui acheter. Sans oser m'adresser un seul regard, elle incite Marilyn avec qui elle est étrangement toujours amie, à partir. Étrangement parce que l'homme avec qui elle m'a trompé n'est tout autre que le petit ami de Marilyn. Est-elle au courant qu'elle a été victime d'une double trahison comme moi ? J'en doute fort.

-Soit polie Em', dis bonjour , lui ordonne gentiment Marilyn en me désignant d'un geste de la tête.

- Salut, souffle-t-elle en regardant tout excepté moi.

- Bonsoir Emma, articulé-je difficilement en la zieutant.

- Regardez-vous, vous êtes toujours fous l'un de l'autre, je ne comprends même pas pourquoi vous avez rompu  , s'exclame Marilyn après avoir délicatement poussé Emma vers moi.

- On a divorcé parce qu'Emma l'a demandé, je ne me rappelle pas exactement pourquoi , lancé-je en fusillant presque Emma du regard ayant compris qu'elle n'a pas révélé à notre amie sa lourde trahison.

- Divorcé ? Je ne crois pas, Em' n'a jamais signé...

- Boucle-la! s'écrie Emma en donnant un léger coup de coude à Marilyn qui se trouve derrière elle.

Une explosion d'émotions traverse mon corps me faisant ainsi frissonner. Est-ce moi qui ai mal compris ou bien Marilyn vient tout juste d'insinuer qu'Emma n'a jamais signé les papiers du divorce ? Est-elle toujours Emma Muller ? Est-elle toujours ma compagne ? Il est vrai que je n'ai jamais prêté attention à cette paperasse. J'étais bouleversé, triste et en colère victime de cette idylle tragique. Alors tout ce que j'avais fais, c'était signer là où je le devais sans même lire ou prêter attention à quoi que ce soit d'autre. Ébouriffé par ce sous entendu qui peut instantanément changer ma vie, je scrute le visage d'Emma qui est à présent écarlate. Voyant que cette situation délicate nécessite une conversation seul à seul, Marilyn se faufile rapidement dans les toilettes en prétendant avoir besoin de se pomponner le visage. Je me retourne mollement vers ma droite pour m'assurer que Lias est toujours près de moi, ou du moins, en train de se faire draguer par son barman pervers puisque à présent, j'ai le sentiment d'en avoir plus rien à cirer. Comme je m'y attendais, elle n'est pas là, certainement irritée ou jalouse. Dans les deux cas, je m'en fiche. Je suis seul avec Emma, celle dont je suis épris et rien d'autre n'a d'importance. Je rêve de cet instant depuis le mois de mai. Si je m'obstine à chercher Amber en balayant minutieusement la pièce des yeux, c'est uniquement parce qu'elle est sous ma responsabilité et étant morbide je crains qu'elle manigance une sottise pour m'embêter.