31. Bataille silencieuse.

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HEESEUNG



À la troisième sonnerie, elle prend l'appel.

Je l'entends marmonner à l'autre bout du combiné, me faisant une idée de ce qu'elle devait faire avant que je ne la joigne. Un massage ? Journée cocktail en main sur une terrasse ? Ou alors un massage sur la terrasse avec comme supplément, les masseurs.

Allô ? Dit-elle d'une voix nonchalante.

Sheevan.

Une seconde, cette voix me dit quelque chose.

Le pire est sans doute le fait qu'elle ne m'a réellement pas reconnu, tant elle est ailleurs dans son petit monde, avec une faible capacité de mémoire. Je dois patienter des minutes entières dans cet avion qui surplombe les édifices enluminés.

Heeseung ? Dit-elle d'une voix hésitante.

Je dois être inquiet, sachant que tu as enregistré mon numéro il y a des années ?

Par le combiné, je l'entends étouffer un petit cri de bonheur et marmonner des instructions qui s'apparentent à un renvoi, je suppose.

Ce n'est pas ce que tu crois !

— Et que dois-je croire ? Que je ne suis plus privilégié ?

— Arrête de me faire culpabiliser. Je venais de me réveiller, vois-tu. C'est plutôt toi qui est en tord. Des mois sans appel, jeune homme.

J'avoue avoir abusé.

— J'espère que tu as de quoi te faire pardonner.

Un léger sourire peint mes lèvres. J'imagine d'ici, sa moue délicate et son air affligé, un poil arrogant.

— Je serai à Oslo d'ici quelques heures.

Une nouvelle qui, je sais d'avance, la rendra ivre de joie. Des secondes s'écoulent avant qu'elle ne réagisse, comme si elle prenait le temps d'assimiler la nouvelle.

No way !

— Rejoins-moi demain soir.

Je raccroche sans plus attendre, conscient qu'elle me le fera payer une fois de retour au bercail. En attendant, c'est le cadet de mes soucis. Je me braque un moment devant l'icône du compte de Sunoo, il y a sa photo dessus. Je n'ai quitté l'Amérique que quelques heures, et le manque se creuse déjà.

Sa présence, absente, m'est difficile à gérer. Je garde un vêtement à lui à proximité. Ne pas sentir son odeur me fait perdre mes repères. C'est un trompe nez qui me permet de mieux me concentrer sans avoir l'impression qu'il a disparue.

Et j'ai besoin de faire ce voyage si je veux réussir à coincer celui que je cherche. Il s'agit de l'une des personnes les plus insaisissables sur cette planète. Fuyant ses responsabilités depuis tout jeune, il vit dans un monde imaginaire au milieu de ses livres.

Je range le téléphone, la mine durcis devant ce que Jay a réussi à dégoter dans l'ombre de sa mère. Ce papier, raison pour laquelle je traverse le globe pour plus d'explications.

Il s'agit du rapport original du drame d'halloween.

***

— J'espère que vous avez fait bon voyage monsieur. Soyez le bienvenu.

Je tente de dissimuler la légère crispation de mon visage. Mais je me demande si ce n'est pas peine perdu.

— Leï, j'avais demandé une entrée discrète, dis-je, les dents serrées.

𝐇𝐘𝐁𝐑𝐈𝐃𝐄𝐒 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant