Chapitre 27

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Je marche encore et toujours, épaulée de mes précieux compagnons. Le désert s'étend face à nous à perte de vue. Le vent souffle faisant voler les grains de sables de dune en dune. Chaque monticule me paraît identique, pourtant, ils sont tous différents. Mon village est si loin... Et sûrement si proche. D'ici, je suis incapable d'évaluer la distance. Ce que je sais, c'est qu'en me transformant, je pourrai facilement parcourir plusieurs lieux en seulement quelques nuits. C'est une proposition plutôt alléchante mais je suis la seul à bénéficier d'un tel pouvoir. Bien sur, Guhji pourrait se transformer en loup et prendre les deux autres sur son dos mais il serait fatigué trop rapidement et Kami, à qui j'ai déjà proposé la solution, refuse de monter sur la même monture qu'un elfe. J'hésite à faire encore quelques pas. Ici, je suis si bien à l'ombre des arbres alors qu'à quelques mètres de moi, le soleil brûle d'un feu ardent. Je pense pouvoir supporter la chaleur foudroyante des rayons mais mes camarades ne sont pas habituer à un milieu aussi hostile et cette aventure sous ce soleil de plomb pourrait leur être fatale.

A la nuit tombée, nous nous décidons enfin à entrer dans le désert. Je ne fais pas part de mes tourments intérieurs à mes compagnons mais l'inquiétude me ronge bien plus que le froid mordant. Chaque habitant du désert sait qu'il ne vaut mieux pas traîner de nuit dans le désert. Les tempêtes de sables y sont fréquentes, le vent est fort et le froid est terrifiant. Nous allons avoir besoin d'aide ou bien d'une grande détermination pour tenir jusqu'à l'aube.
Je marche, tenant ma veste improvisée à deux mains pour ne pas qu'elle s'envole. En prévision du froid, moi et mes camarades, pas complètement suicidaires, avons fabriqués des vestes avec nos couverture. L'épaisseur supplémentaire ne m'empêche pas pour autant de ne pas greloter et mes dents s'entrechoquent. Je ne peux voir mon visage mais je suis prête à parier que mes lèvres ont pris une légère teinte violette. Je ferme les yeux. Je dois tenir. J'ai affronté tant d'épreuve, ce n'est pas pour faiblir maintenant.

Nous marchons encore un peu dans cette température hivernale avant de nous rendre compte de notre erreur. Je suis la première à apercevoir les minis tourbillons de sable qui se forment déjà ici et là. La panique s'empare instantanément de moi tandis que je pointe du doigt les tourbillons. Mes compagnons ne comprennent d'abord pas puis se figent d'horreur lorsque je leur explique. J'hurle à tous de courir et de rester groupé. Guhji se changent en loup et prend Kami et Esplendir sur son dos sans leur demander leur avis. Je me change moi même en chauve souris et en un battement d'aile, les rattrapent. Je les suis, faisant face au vent de plus en plus violent. Les bourrasques me ralentissent considérablement et semblent décidées à m'arracher les ailes. Les fines membranes de mon nouveau corps menace de lâcher quand je décide de planer au ras du sol. Le vent se fait moins violent mais menacent encore la petite créature que je suis. De mes deux petites pattes noires et griffues, je m'accroche à la fourrure du loup. Je me repose tandis que la bête continue à courir. Ma position plutôt inconfortable me permet de ressentir chaque muscle, chaque battement de cœur du coyote.

La course contre le temps continu encore jusqu'à ce que, comme un mirage dans le désert, une lueur vacillante illumine faiblement la nuit. Je n'en crois pas mes yeux. Est-ce donc un mirage comme ceux que voient les perdus du désert avant la mort? Mais Kami qui pointe le doigt vers la lumière semble voir la même chose que moi. Ce n'est pas une illusion. Nous sommes sauvés. Je regarde derrière nous. La tempête commence à s'élever haut dans le ciel. Cette maison, si s'en ait une, doit être habituer à ce climat et au tempête. J'espère au plus profond de moi que nous pourrons nous y réfugier. Mon cœur bat plus vite, comme s'il renaissait après cette mort quasi certaine. Le loup ralentit, fatigué et en surcharge alors que la chaumière se découpe nettement dans l'obscurité. Une dernière accélération nous permet de nous propulser jusqu'au seuil de la porte. Je l'ouvre sans même frapper et me réfugie à l'intérieur. J'aide ensuite les autres à entrer en portant presque Guhji, pantelant sous l'effort qu'il vient de fournir.

Nous nous serrons les uns contre les autres pour nous porter chaud quand une silhouette se découpe dans l'encadrement des escaliers. Un grand homme nous toise, ses yeux bruns nous fixe un à un avant de s'attarder sur moi. Il me regarde et se rapproche, comme s'il souffrait d'un trouble visuel. Il me détaille des pieds à la tête provoquant un profond malaise. Il finit par se détourner et sortir. Nous nous serrons plus fort encore, attendant le retour de l'homme pour savoir ce qu'il ferait de nous. Mon cœur bat fort. Plus qu'il ne le devrait. Comme si... Je ne sais pas. Le teint blafard et les yeux d'un orange presque rouge de l'homme me trouble. Il revient finalement, accompagné d'une silhouette plus petite et menue. C'est une femme aux grand yeux noisettes qui entre, des bols à le main. Elle nous distribue un récipient chacun et lorsque vient mon tour, je m'imprégne de sa bonne odeur de lavande. Cette odeur me trouble plus encore que l'homme, comme si certains souvenirs voulaient refaire surface. La femme repart et j'admire ses cheveux roses tombant en épaisses boucles sur ses épaules. Elle redescend dans l'escalier qui mène au sous-sol et revient quelques minutes plus tard, une marmite dans les mains. Elle nous fait signe d'approcher et Esplendir, hésitant, s'approche la coupelle à la main. Elle lui prend et lui sert une louche pleine d'un liquide fumant. A l'odeur, je comprend que c'est de la soupe. Guhji et Kami y vont tandis que j'attend patiemment mon tour.

Je m'approche et lorsque la paysanne prend mon bol en effleurant furtivement ma main, une sensation de chaleur, plus vive encore que celle que me procure Étienne, se propage en moi. Je fixe la femme alors qu'elle me rend mon récipient plein et pose vraiment les yeux sur moi. C'est comme si elle venait à peine de me voir, ses yeux restent accrochés aux miens tandis que je ne peux pas me détacher de son visage rondouillet.

Je retourne m'assoir sous le regard soudain insistant de la jeune femme. Je mange en silence, perturbé par ce couple étrange. Mes yeux fixent une chaise de bois sans vraiment la voir. Qu'est-ce qui cloche chez moi?
- Bonjour. Je suis Bartolomeo, se présente l'homme
Mon cœur s'affole à l'entente de ce nom sans que je sache à qui il appartient. Par politesse, j'enchaîne:
- Je m'appelle Alys, la petite barbue est Kami, l'elfe s'appelle Espendir tandis que le garçon qui n'a pas encore finit sa soupe se nomme Guhji.
- Enchanté, je suis Keleana, se nomme à son tour la femme
C'est là que je fais le lien. Keleana. Bartolomeo. Mon père. Ma mère. Les souvenirs de Miliana, ma tante me reviennent en souvenir ainsi que le jour ou j'ai appris le nom de mon père. Mon cœur bat plus vite que jamais. Ma voix tremble lorsque je prend la parole:
- A-Avez vous, u-une fi-fille?
Le couple s'échange un drôle de regard avant de me regarder bizarrement. Méfiant, Bartolomeo me demande:
- Pourquoi?
- Oui, c'est vrai, pourquoi cette question? renchérissent mes amis au courant de rien
Je prend une grande inspiration puis ouvre la bouche pour parler mais aucun son n'en sort. Je m'y reprend a trois fois avant de réussir à articuler ma phrase.
- Je crois... Je crois que je suis votre fille.
Les deux adultes me regardent avec des yeux ronds et, tandis que l'homme semble paralysé, la femme demande:
- Tu... Tu es Alys, notre Alys? Tu as grandi au côté de Milliana?
- O-Oui.
La dame court et me prend dans ses bras sous les yeux éberlués de mes amis. Je la serre contre moi pour m'imprégner de sa chaleur tandis que des perles roulent sur mes joues crasseuses. Un sourire illumine mon visage tandis que le goût salées des larmes me montent à la gorge. Mon père sort enfin de sa torpeur et vient à son tour me serrer fort contre lui. Sa chaleur m'enveloppe et je souhaite du plus profond de moi que cet instant soit éternel. Malheureusement, ce n'est pas le cas et Kami interrompt nos retrouvailles d'un raclement de gorge puissant. Je me tourne vers elle.
- C'est pas tout ça mais on a des trucs de prévus.
Si la voix de Kami est absolument imperméable, ses yeux sont larmoyant montrant qu'elle se réjouie pour moi. Je souris et doucement, me détache de mes parents.
- Je... En fait, j'ai une quête à accomplir.
- Nous t'écoutons, murmurent mes parents d'une seule voix
- Je dois réunir un représentant de chaque race pour réorganiser le conseil des six. J'aimerais arrêter la guerre.
- C'est une noble quête. Je suis fière de toi, ma fille, dis mon père en posant sa main sur mon épaule. Et je crois que nous pouvons t'aider.
- C'est vrai.
- Oui. Je ne sais pas si tu le sais mais je suis un prince. Déchu peut-être mais un prince quand même. Je peux certainement représenter la race des vampires.
- Oh merci! je m'écris reconnaissante
Mon père me répond par un sourire sincère en caressant mes cheveux. Son contact est rassurant, chaleureux et puisant à la fois. Si cela ne tenais qu'à moi, je  resterai ici, dans cette maison isolée de tous, jusqu'à la fin des temps. Mais je n'ai pas vraiment le choix. Mes désirs passent après. Ma mère vient à son tour m'apporter son aide.
- Moi, je ne suis qu'une simple femme et n'est aucun pouvoir mais je connais quelqu'un, qui pourrai représenter mon peuple. Je m'occupe de tout. Tu peux te reposer. Désormais, tu es à la maison.

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Voilà, nous sommes au 27 chapitres! (Ça fait beaucoup...) Mais ne vous en faites pas, normalement, le prochain chapitre sera le dernier!

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