J'entrai, heureuse qu'il ne m'ait pas repoussée. Il me regarde, je vois qu'il attend que je lui explique, je soupire. Je hoche la tête négativement, il hausse les épaules, va en cuisine. J'entends le son de la bouilloire, ce sifflement régulier ayant bercé mon enfance, lorsque j'allais encore chez ma grand-mère. Je regarde mon téléphone, Ambre a essayé de m'appeler. Je ne veux en aucun cas l'inquiéter, je lui écris, lui expliquant que ce soir je ne rentrerai pas. Puis, je me mets en boule sur le canapé, repliant mes jambes sous mon corps. Cette robe me sert. Je pars dans la chambre de David, prend un T-Shirt, l'enfile. Je trottine jusqu'au canapé, me recouche, adoptant la forme de celui-ci pour maximiser le confort. Une fois la télévision allumée, je cesse de penser à la soirée. David revient avec une tisane et une bouteille de vin. Je viens pour me saisir de la bouteille, mais il me regarde d'un air amusé et se contente de me dire:
- Tu m'as l'air assez bourrée comme ça. Laisse tomber, tu n'auras le droit qu'à une tisane!
Je le foudroie du regard, mais prends quand même la tasse brûlante. Il s'assied à mes côtés.
- C'est fou comme les gens peuvent bien se cacher derrière une carapace, hein?! Je ne t'aurais jamais crue aussi fragile. Tu as toujours été la femme fatale sans émotion.
Je ne sais quoi dire, c'est vrai, j'ai été cette femme. Je l'ai été jusqu'au moment où j'ai réalisé de la manière la plus brutale qu'il soit que les hommes pouvaient tout autant se servir de moi que je me servais d'eux.
Le silence s'installe entre nous. C'est un silence bruyant. La télévision crie toujours mais je ne l'entends plus. J'entends ma propre voix crier en moi, j'ai l'impression que je saigne, une hémorragie interne, je me noie, je me débats, je n'arrive plus à respirer, mes poignets sont douloureux là où il me les a serrés, ma gorge est serrée, les battements de mon coeur s'affolent.
POINT DE VUE DE DAVID:
Une larme roule sur ses joues roses. Elle pleure?! Je vois bien que quelque chose ne va pas, j'ai de la peine pour elle. La première fois que je l'ai vue, je me suis juré ne jamais m'attacher à cette fille. Elle voulait juste coucher, elle était belle, je n'aurais refusé pour rien au monde. Mais bon. Là, la voyant pleurer, je réalise que je tiens désormais à elle, quelles que soient les conséquences. Je ne veux pas me risquer à dire une parole déplacée, qui risquerait de la faire pleurer encore plus. Mais en même temps, elle a besoin de réconfort, ça se voit. Le souci, c'est que je n'ai jamais eu besoin de consoler qui que ce soit, je ne sais comment m'y prendre. Je repars en cuisine, lui chercher quelque chose à manger. Je vais lui faire des pâtes. En tant qu'étudiant en droit, c'est tout ce que je peux faire. Je n'ai pas le temps d'apprendre à cuisiner, je peine déjà à suivre mes cours et à aller au fitness. D'un air distrait, je fredonne une mélodie que j'ai due entendre à la radio. Le nom m'échappe. Je l'entends parler dans la pièce d'à-côté, je pense qu'elle me parle, je vais en direction du salon. Puis, je la vois de dos, au téléphone. J'ai encore le temps, les pâtes sont loin d'être cuites. Je la regarde. Ses omoplates se voient en dessous de mon T-Shirt. Ses longs cheveux bouclés tombent en cascade sur son dos, elle est belle, même dans mes vêtements. Puis, je ne sais pourquoi, je me mets à l'écouter parler.
Non, je ne suis pas une salope avec lui... Non mais c'est normal! C'est un connard! ... Je m'en fous qu'il ait été gentil durant le trajet... Oui, totalement, rien à foutre, c'est un connard! J'ai passé une mauvaise soirée à cause de lui... Non, il ne m'a pas insultée! Enfin, pas verbalement. Ouais, Joanne était là, j'étais bourrée, on s'est un peu enjaillé... Ouais, mais non, pas sûre que ce soit pareil en cours, ce qui s'est passé à la fête reste à la fete... Tu veux vraiment savoir? ... Okay, bah figure-toi qu'il m'a violé... non je ne l'ai dit qu'à Joanne jusque là. Ouais mais je m'en foutais qu'elle ne me connaisse pas, elle était sympa, j'ai essayé de te chercher, mais tu n'étais pas là... Mais approche-toi pas de Théo, je sais qu'il est beau, qu'il est fort en sport et tout et tout mais évite de finir collée à un mur avec lui contre toi...
Je n'entends plus. Mon poing se crispe. Je comprends désormais pourquoi elle paraissait chamboulée. Je m'en veux, j'aurais dû lui demander. Ce fils de pute va prendre cher. Elle finit son appel, je n'ai pas envie qu'elle sache que j'ai écouté sa conversation, je retourne en cuisine. Je passe les pâtes à l'égouttoir, elles sont un peu trop cuites, mais bon tant pis. Quand je reviens dans le salon, assiette en main, je la retrouve endormie sur le canapé. Merde! Ma bouteille de vin est vide, couchée sur la table basse. Quel con je fais! En attendant, elle dort, et elle dort bien. Je dépose l'assiette devant elle, puis décide de fouiller dans son téléphone. Je sais que c'est moche, mais je ne peux faire autrement. Je déverrouille son écran, et écris un message à Lucie.
De: Gaëlle
À: Lucie
T'aurais l'adresse de Théo par hasard stp?
De: Lucie
À: Gaëlle
Ouais, bien sûr, tiens:
*****
C'est réglé. Ce bouffon est fini. Je prends ma veste, sort de mon appart, puis rentre à nouveau, dépose une couverture sur Gaëlle, lui donne un baiser sur le front. Cette fois-ci, je pars vraiment. Je prends ma moto, roule jusqu'à chez Théo. Il doit être seul chez lui, il n'y a aucune voiture parquée sur les places devant sa demeure. Ses parents doivent rouler sur l'or, sa maison est majestueuse. Décidant de ne point négliger la politesse, je prends bien soin de sonner.
POINT DE VUE DE GAËLLE:
Je me réveille, je dormais profondément. Le vin m'avait un peu aidée. Je susurre le nom de mon hôte, il ne me répond pas. Cette fois-ci, je crie. Pas de réponse. Ca ne ressemble pas à David de me laisser comme ça, seule. Mais bon. Il est chou, il a pris soin de me couvrir. J'essaie de me lever. Le mal de tête me rattrape, le monde tourne. C'est à quatre pattes que je rejoins le lit de David. Son parfum est présent dans ses draps, ça me rassure. Je replonge dans le monde des rêves.
POINT DE VUE DE DAVID:
Il est par terre, inconscient. Qu'ai-je fait? Je l'ai sacrément amoché. Pourtant, je suis toujours autant en colère contre lui. Je frappe dans le mur, plein de rage. Puis, je referme soigneusement la porte de chez lui, repart en moto. Je n'ai pas mis de casque, je sais que pourtant je devrais. Je vais vite. Très vite. Trop vite. Je me remémore le visage de Gaëlle, je ralentis. Elle m'apaise, cette fille. Le vent dans mes cheveux me rappelle que tout celà est réel, que je suis bien sur une route cantonale, à deux heures du matin. Mes jambes montent les marches quatre par quatre, j'entre dans mon appartement. Elle n'est plus sur le canapé, j'ai un coup de stress. J'espère qu'elle n'a pas essayé de rentrer seule, dans l'état où elle était. Je cours jusque dans ma chambre, elle est là, tel un ange. Enfin, un ange qui squatte mon lit. Je me change, puis essaie de me glisser dans le lit à ses côtés. Elle prend beaucoup de place, je ne sais comment me mettre pour avoir de l'espace sans devoir la réveiller. Mais dès qu'elle sent le matelas grincer, elle se pousse comme instinctivement, me laissant un petit coin. Au moment où je me couche, je réalise qu'elle s'est collée à moi, et qu'elle sourit. Elle fera au moins de beaux rêves. Je ferme mes yeux, mon poing me fait mal. Mes yeux se ferment, je sombre dans un profond sommeil.
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Le jour où j'ai réalisé
Roman d'amourGaëlle a un caractère fort. Gaëlle ne tombe jamais amoureuse. Gaëlle est convoitée, admirée, accostée par beaucoup d'hommes. Gaëlle mène un double jeu pour que personne ne s'en doute. Comme je l'ai dit, Gaëlle a une sacré personnalité. Mai...