L'encre d'un sentiment courant sous ma peau

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POINT DE VUE DE JOANNE:

- Ouvre cette putain de porte! Ouvre la ou je te jure que je la défonce!!!

Silence.

Je regarde la clef dans ma main, la clef dont Gaëlle a besoin pour sortir de cette chambre. Je ne sais pas qu'est-ce qui m'a pris. Je ne me reconnais plus. Je me laisse glisser contre la porte, les cris de Gaëlle ont cessé. Ma tête dans mes mains, je respire profondément.

POINT DE VUE DE CHRISTELLE:

Il m'allonge sur le lit, encore un inconnu, à combien j'en suis, déjà? Mon moi ironique se manifeste et me demande à l'oreille combien il reste d'hommes ne m'ayant pas encore baisé dans cette ville. Je repousse la petite voix, me concentre sur le bel homme de quarante ans essayant tant bien que mal de me satisfaire. Il me mordille gentiment le cou, et défait ma blouse, bouton par bouton. Il m'embrasse chaque parcelle de ma peau libérée du tissu, les yeux fermés,  savourant le goût de ma peau. Ses lèvres parcourent mon ventre musclé, il semble également apprécier. Je me cambre, il glisse une main sous le creux de mes hanches. Il ouvre les yeux, parcourt mon corps du regard, ses yeux s'arrêtent sur mes seins. Son expression change, et c'est d'un ton presque glacial qu'il me demande qui est le David qui méritait un tatouage sous mon sein gauche.

POINT DE VUE DE GAËLLE:

Elle pleure. Joanne pleure derrière la porte. Elle n'est pas méchante, elle est juste perdue. Je n'ai plus envie de défoncer cette porte. Je vais attendre calmement. Je viens pour ouvrir la bouche, question de lui éclairer le fond de ma pensée, quand une autre voix masculine rugit depuis le bas des escaliers.

- JOANNE RUTH ALBIRA! Qu'est-ce que tu fous???

Noël. Il ne manquait plus que ça. Je n'écoute plus, le bruit extérieur et la dispute sont devenus des bruits blancs. J'espère qu'il n'a pas vu Lucie fuir avec Lucas.. Et ce nom.. Je comprends mieux le tempérament chaud de Joanne, je n'avais pas réalisé qu'elle avait des souches espagnoles.. Mes pensées sont emmêlées et mon cerveau trop occupé pour réaliser que la porte s'est ouverte.

Nous restons là, à se regarder les trois. Lui, tenant Joanne par les épaules, elle, ayant l'air d'un raton laveur dû à son eyeliner s'étant étalé autour de ses yeux, et moi abasourdie, n'étant pas sûre d'avoir compris le déroulement des derniers événements.

- Je.. heu.. Je peux te parler?

Elle hoche la tête, Noël me fait comprendre par un petit geste qu'il resterait derrière la porte, au cas où.

- Je, je ne peux plus. Ca n'est pas mon genre. Je, je ne suis pas faite pour être en couple.

A ma grande surprise, il n'y a pas de réaction excessive. Pas de cris. Pas de violence.

- Je comprends. Je suis désolée de t'avoir brusquée. Je garderai mes distances avec toi désormais, ce sera à toi de venir vers moi si tu souhaites encore me voir. 

Elle avait un air spectral, comme si elle n'était plus qu'une projection de la personne qu'elle était auparavant. Que s'est-t-il passé..

Elle s'apprête à sortir de la chambre, à partir, sans doute pour de bons. Je ne peux plus lui en vouloir. Tout ce que je ressens en la voyant partir est une sensation de tristesse infinie et sans fond. Noël l'attrape par le bras, lui murmure quelque chose à l'oreille, elle hoche la tête, puis s'en va.

Il entre. Je l'interroge. Où va-t-elle? N'est-ce pas trop risqué de la laisser partir dans cet état? Réponds-moi s'il te plaît s'il lui arrivait quelque chose je ne me le pardonnerais pas.. Et tous ces motards en bas..

- Il n'y a aucun risque. Il n'y a aucun risque parce que c'est son père qui dirige ce bistro. J'y venais souvent quand on était petits, et on passait du temps à jouer dans cette chambre même.

Mes yeux s'écarquillent. Le fait que l'on ait, heu, fait des choses peu catholiques dans la même pièce où étant gosses ils jouaient probablement aux petites voitures me dérange légèrement..

- Je pense que tu dois savoir le contexte pour éviter de trop mal la juger. Elle m'a raconté le fait qu'elle t'ait défendu vis-à-vis de Théo, et je suis navrée de ce qui s'est passé. Je te promets que ça restera entre nous, elle était juste au bout du rouleau et avait besoin de me le raconter. Elle t'a sûrement raconté que son ex copine avait vécu la même situation que toi avec Théo, sauf que la différence entre sa copine et toi est qu'elle n'a pas pu l'aider, elle. Elle l'a appris par la suite et s'est sentie totalement coupable et impuissante. Peu de temps après, sa copine l'a laissée, elle disait qu'elle ne pouvait plus être en relation pour l'instant, et Ruth, enfin Joanne, l'a pris comme une conséquence du fait qu'elle n'ait pu la protéger. 

Je reste sans voix. C'est donc ça. Elle avait peur que je la laisse comme son ex, qui n'a pas supporté le poids des souvenirs. Ca ne l'excusait pas, mais la colère avait disparu, me laissant dans un flot de pensée cotonneux et abstrait. Puis, après m'être resaisie:

- Je comprends mieux. Merci d'avoir partagé ces faits avec moi.

Il s'apprêtait déjà à partir, à se lever, il n'avait pas l'air de trop bonne humeur non plus.

- Attends! Tu m'as pas dit comment tu es arrivé là..

- Son père a entendu votre dispute et ne voulait pas intervenir lui-même, mais avait besoin d'un médiateur et de quelqu'un qui puisse calmer Joanne. Par chance, je n'étais pas très loin..

Son regard s'est obscurci.

- Tu as vu Lucie et Lucas...

- POURQUOI EST-CE QUE TU NE M'AS PAS DIT QU'ELLE ME TROMPAIT?!

Sa colère me prend de cours et je suis déstabilisée pendant un cours instant. Puis, me reprenant.

- Parce que ça n'est pas le cas. Lucas est avec elle en philo, et elle s'est fait sortir du cours parce qu'elle voulait me chercher. Lucas avait sa moto, il a pu l'aider. Et au final elle a fini dans ses bras en sanglotant parce que Joanne l'a insultée et que j'étais trop sonnée et stupide pour prendre sa défense directement.

Silence. Il me regarde avec des yeux vides et pourtant remplis d'incompréhension. Puis, comme si l'information avait pu être analysée par son cerveau, ses pupilles s'agrandissent et il gueule un "NOM DE DIEU" avant de partir en courant...

J'ai comme l'impression que je ne suis pas la seule à avoir merdé avec Lucie..


Le jour où j'ai réaliséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant