Chapitre 21

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J'entre dans la cour du haras, coupe le moteur et sors de mon 4x4. Je suis content d'être ici pour le week-end, l'air de la campagne me fait le plus grand bien. La semaine a été longue, Caroline m'a manquée, et j'ai hâte d'entendre les rires du petit James raisonner dans la maison. Peut-être que je devrais finir ma semaine le jeudi soir pour rester un jour de plus...
Alors que je me dirige vers la maison, mon téléphone sonne. La cour est déserte, pas une lumière n'éclaire le ré-de-chaussé. Je suis parti plus tard que prévu du bureau car je voulais voir Franck, Caroline à du allé se coucher, fatiguée de sa semaine.

- Oui, Franck? Répondis-je en m'asseyant dans un fauteuil sur la terrasse.
- J'ai du nouveau qui risque de t'intéresser. J'ai fouillé dans les affaires non résolues des dix dernières années en Normandie, trois jeunes femmes ont disparu. Elles ont toutes le même physique, elles ressemblent étrangement à Caroline. On n'a jamais retrouvé leur corps, mais elles ont toutes un point commun, elles connaissaient de près ou de loin Antoine Prigent.

Je pousse un soupir à travers le téléphone.

- Qu'est-ce que tu comptes faire?
- J'en sais foutre rien. Mais une chose est sûre : je dois en parler à Caroline et il faudrait que dès lundi tu t'occupe d'installer un système de sécurité au haras et je veux qu'un homme reste sur place quand je ne suis pas présent.
- Ça ne prouve rien pour l'instant, Marc, mais ce sera fait. Je te rappelle quand j'ai du nouveau, promet Franck avant de raccrocher.

Tout en méditant les nouvelles informations de Franck j'entre dans la maison. Personne. Et la porte n'est même pas fermé à clé, il faut vraiment que je dise à Caroline d'être plus prudente.

- Caroline?

Seul le silence me répond. Aucun signe de Caroline. Je monte à l'étage, la chambre de Caroline est vide, le lit n'est pas défait.
Je sens un frisson me remonter l'échine. J'ouvre la porte de la chambre de James. Le petit garçon dort à poings fermé. Je retrouve mon calme. Caroline ne doit pas être bien loin, elle n'aurait pas laissé James seul longtemps, elle est peut-être juste descendue à l'écurie pour s'assurer que les chevaux aillent bien.
Je tente de rassembler mes idées, quand je suis arrivé les lumières de la cour étaient éteintes, il n'y avait pas non plus l'air d'avoir une présence dans l'écurie, je l'aurais remarqué.
Alors que j'allume la lumière dans la cuisine mon sang se fige, quelque chose ne tourne pas rond, la table est mise pour deux, il y a même une bouteille de vin de dé-bouchée sur le bar. Caroline m'attendait, mais où est-elle?
C'est alors que le message sur la table attire soudain mon attention : Caroline est bien allée à l'écurie. Je suis tout d'un coup certain qu'il se passe quelque chose. Les poils de ma nuque se hérissent.

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J'arrête ma jeep dans ma cour. Caroline se trouve dans le coffre. Le coeur battant d'excitation je me sens comme un gosse pendant la nuit de noël. Malgré mon impatience j'ai maintenu une vitesse raisonnable afin de ne pas trop malmener Caroline. Elle est assez amochée comme ça. Qu'elle fougue elle a, tout ce que j'espérais, une vraie tigresse.
Caroline porte un de ses habituels jeans usé qui flatte bien sa silhouette, une veste polaire et un t-shirt près du corps.
Je prends Caroline dans mes bras et l'emporte à l'intérieur. Contrairement aux trois autres, Caroline je ne la balancerait pas sur mon épaule comme un vulgaire sac de grains. Non Caroline, après tout le mal que je me suis donné pour l'avoir, aura droit à tous les égards.
Déplaçant le poids de ma promise sur mon autre bras, j'ouvre la porte d'entrée et descend droit à la cave. Mon espace de travail est méticuleusement bien rangé, cela fait un petit moment que je ne suis pas revenu ici. Même si l'autre con m'a forcé à accélérer les choses pour recevoir Caroline si tôt, je me suis néanmoins préparer.
Je pose Caroline sur la table en inox et prend un moment pour la regarder. Les ecchymoses et les plaies sur son visage n'ôte en rien sa beauté. Je lui tourne cependant le côté abîmé de son visage contre la table afin de pouvoir contempler son profil intact : adorable.
Le fait qu'elle soit costaud et intelligente augmente mon excitation. Caroline possède une force rare qui la distingue des autres. Elle a une fougue que je suis impatient de mettre à l'épreuve, bien que j'en ai eu un petit aperçu tout à l'heure dans l'écurie. Je trouve enfin un défi à la hauteur de mes années d'attente.
Noël est en avance cette année de quelques mois, et Caroline est comme un beau gros cadeau qui ne demande qu'à être déballé. Mais chaque chose en son temps. À quoi bon commencer avant qu'elle ait pleinement repris conscience.
Comme je n'avais pas beaucoup de route à faire je n'ai pas trop dosé le tranquillisant, une aubaine pour moi que l'autre jour Caroline au refusé le spasmolytique pour Victoire car c'était mon stock personnel en prévision de cette soirée.
Avec un soupir de satisfaction, je lui attache les chevilles et les poignets aux quatre coins de la table, à l'aide de lanières en cuir déjà en place.
Voilà, je n'ai plus qu'à prendre mon mal en patience en attendant qu'elle se réveille.
Je monte les marches au pas de course et file dans la cuisine chercher une bouteille d'eau et une barre de céréales. Mieux vaux ne pas traîner, elle ne va pas rester longtemps endormie.

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    J'ouvre les yeux et cligne plusieurs fois. Ma vision se brouille quelques secondes avant de s'éclaircir.  Ma tête me semble aussi lourde qu'une boule de bowling et ma bouche est aussi sèche qu'une balle de coton. J'essaie de porter une main à ma tête, mais quelque chose me retient. Je tente aussitôt de bouger mes membres mais une vive douleur me cisaille les bras tandis que les sangles autour de mes poignets s'enfoncent dans mes plaies.
    Une peur panique me serre les entrailles : je suis attachée en croix sur une table en inox. J'essaie de plier mon bras droit mais l'épais lien de cuir ne cède pas d'un centimètre. Les autres sangles sont tout aussi solides.
    Je sens la sueur perler sous mon t-shirt, j'entends mon coeur marteler à mes oreilles au rythme des battements dans mon crâne.
    Je lève la tête. Je suis prisonnière dans un sous-sol poussiéreux et humide. La seule lumière provient d'une ampoule nue. On a condamné les petits soupiraux pour empêcher la lumière d'entrer, et sans doute aussi pour éviter les regards indiscrets. À ma droite, je distingue un escalier en bois ; à ma gauche, sur un établi près du mur, la lumière fait briller la lame d'un couteau. Mon regard tombe sur le sol : de large tâches couleur rouille tapissent ici et là le ciment brut.
J'étais dans l'écurie pour soigner Victoire quand... Le souffle coupé, je prend pleinement conscience de la vérité. Antoine est un psychopathe.
Des bruits de pas raisonnent au rez-de-chaussé juste au-dessus de moi, faisant craquer le vieux plancher de notes sinistres. J'entends les charnières grincer comme la porte s'ouvre, et de la lumière vive descend par l'embrasure pour dessiner un losange jaune dans l'escalier.
Une silhouette inquiétante s'y découpe, l'ombre reste un long moment immobile à me regarder avant de se décider à descendre lentement l'escalier, tirant à chaque mouvement un gémissement sinistre des marches.

Je sens ma respiration s'accélérer à mesure qu'il se rapproche. Je sens l'odeur de la peur s'élever de ma peau, une effluve acre caractéristique entre sueur et hormones. La lumière derrière l'homme m'empêche de distinguer son visage, mais ça n'a pas d'importance : je sais de qui il s'agit.
Antoine descend la dernière marche et foule le sol en béton, puis prend tout son temps pour s'approcher de moi.

- Mon adorable Caroline, dit-il en promenant ses doigts le long de ma joue. ( je m'arc-boute de toutes mes forces contre la table tandis qu'il tend à nouveau sa main vers mon visage et l'effort décuple ma douleur. Un feu déchirant me parcourt l'avant-bras comme je tire sur mes sangles.) J'aimerais te dire qu'il est inutile de résister, mais je serais terriblement déçu si tu restais allongée sans te débattre.

Je cesse alors de bouger. Ma respiration s'accélère. Je sens un étourdissement me gagner tellement mon coeur cogne dans ma poitrine ; le sang afflue dans mes oreilles.
Antoine plonge son regard froid et sans vie dans le mien.

- Si tu joue à ça à quoi bon te garder en vie alors... Murmure-t-il.

Fredonnant à voix basse, il marche jusqu'à l'établi et ramasse le couteau, puis met en marche un iPod.

- J'ai créé une playlist tout spécialement pour toi, dit-il avant que Willie Nelson entonne Always on My Mind* ( multimédia).

Sans détacher son regard du mien, il s'approche du bord de la table.

- Maintenant je vais te retirer ces vêtements.

Soulevant ma veste d'une main, le couteau dans l'autre, il descend la fermeture éclair de mon polaire. En dépit de tous mes efforts pour garder le silence, et le priver du plaisir de m'entendre crier, un gémissement s'échappe de mes lèvres comme il tranche le tissus de mon t-shirt et la lame acérée m'entaille la poitrine.

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* Willie Nelson Always on My Mind : chanson de country dont le titre signifie : " Tu ne quitte jamais mes pensées."
En multimédia

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