Suicide

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Parfois dans mon bain, lorsque la tristesse m'envahit en un long chagrin, j'imagine ma vie, si dans l'instant je me noyais.

Ce serait si facile.

Je tournerais ma tête dans l'eau et j'aspirerais par mes poumons. Jusqu'à perdre conscience par manque d'oxygène.

J'ai calculé qu'avec la musique classique que j'écoute, il s'écoulerait sûrement une heure avant que quelqu'un ne remarque quelque chose, une heure trente, voir deux heures avant que l'on ouvre enfin la porte.

J'imagine alors la suite.

Je verrai sûrement mes proches pleurer, crier, ou peut être pas. Peut être qu'il n'y a rien après la mort, peut être que tout s'envole quand le coeur s'éteint.

J'imagine pourtant ma vie après la mort, si je reste en suspension, si j'ai le droit divin d'observer les humains.

Je verrais d'abord la vie de mes proches chamboulée, leur quotidien arrêté. Je serais attristé moi aussi, pour les avoir quittes.

Puis j'assisterais sûrement au moment où ils reprendront courage et recommenceront à sourire, rire, vivre. Si j'en ai la capacité, j'essaierais de leur envoyer des messages, indices pour qu'ils pensent à moi. Par exemple, une réduction sur mon gâteau préféré, une photo qui revient, une chanson sur laquelle je dansais, un endroit que j'aimais...

Je verrais probablement l'instant où je disparaîtrai de leur vie quotidienne. Lorsque je ne serais plus qu'un vague souvenir dans les recoins de leur âme, une personne du passé. L'homme qui comblait ma vie, comblera la sienne, aura des enfants, qui ne seront pas les miens. Peut être serais-je en colère de les voir épanouis sans penser à moi, peut être serais-je heureuse. Ressentons nous quelque chose après la mort ?

Enfin dans quelques années je ne serais plus qu'un nom sur une tombe, deux dates laissant imaginer la vie d'une jeune fille écourtée.

J'imagine cette vie éternelle après la mort, sans savoir si elle est réelle. Sans même oser bouger un cil, laissant aller l'eau sur mon corps.

Mais je me relève, je me relève faiblement parce que la vérité est toujours lourde à porter, la vérité qui dit que ma vie n'est pas si terrible, que je suis même l'une des filles les plus chanceuse de la planète.

Je me relève parce que la vérité est toujours plus légère que le mensonge.

Je ne peux pas me suicider parce que ce n'est pas moi, que je veux mieux que ça, je ne veux pas que ma vie s'arrête maintenant, dans mon bain, ni demain.

Je me relève, je laisse fuir l'eau et tous les problèmes qui me hantaient.

Je laisse partir ce mal qui me défigurait.

RéflexionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant