Je suis enfin sorti de l'amphithéâtre. Deux heures d'exposés sur la liberté. Heureusement que c'est fini, j'aurais pu mourir d'ennui. Le prof m'a dit que j'aurais une bonne note et qu'il était impressionné par mon exposé. Faut croire que je peux aussi faire de bonnes choses dans la vie.
C'est mon père, je pense, qui va être le plus surpris. À part les retenues que j'arrive facilement à obtenir, le reste, c'est un plus compliqué. De nombreuses personnes viennent me féliciter. Ce n'est pas comme si j'avais gagné un oscar non plus. Mais je n'en ai rien à foutre.
Quelque chose d'autre retient mon attention. La brune. Quand j'y repense, je me dis qu'elle n'a pas fait d'exposé, bizarre. Remarque, ce n'est pas plus mal, je n'aurais pas supporté dix minutes de plus. Et quand j'y repense, elle n'a jamais prononcé un seul de mot devant moi. Tout le monde devait passer pourtant. Elle est à seulement quelques mètres de moi.
Cigarette en bouche. Elle tire une latte et la recrache en me regardant d'un regard indescriptible. Le soleil la reflète, enfin surtout ses yeux. Et je dois avouer qu'ils sont vraiment magnifiques, deux belles prunelles grises.
-Math...Math ? MATHÉO !
Je me retourne. Je n'ai même pas entendu Vincent m'appeler. Je grogne.
- Quoi encore ?
Je me retourne vers la brune. Disparue. Plus aucune trace d'elle. Seulement son mégot de cigarette qui est exactement là où elle était il y a quelques secondes. Je me passe la main dans mes boucles. Pourquoi cette fille me perturbe autant ?
-Math, tu vas à la fête des frères Will?
-Tu sais bien que ces trucs-là, ce n'est pas pour moi.
-Justement, change-toi les idées, t'en a vraiment besoin.
-Je te tiens au courant.
La fête. Une fête que les frères Will organisent. Moment à redouter. C'est demain soir. Je ne compte pas y aller. De plus, je ne sais même pas danser.
Ça me frustre de savoir que ma partenaire repartira avec des ecchymoses au pied. Je tire sur les deux pans de mon manteau, pour me protéger du vent glacial du mois de novembre. Il faut que j'aille au garage.
Je me dirige vers ma caisse à outils, il me faut cette clé à molette. Où l'ai-je posé ? J'ouvre la caisse. Mes yeux louches sur un petit bout de papier vert minutieusement plié. Un hoquet de surprise m'échappe. Je l'attrape et l'ouvre.
« Viens à la fête pour moi, s'il te plaît. »
Ça fait dix minutes que je suis planté ici. Devant ma penderie. Avec le bout de papier en main. Je ne sais pas pourquoi, mais je vais y aller à cette putain de fête. Peut-être parce que je veux savoir qui se cache derrière ces bouts de papier verts.
Ou bien parce que j'ai changé d'avis. Je songe plutôt à la première idée, parce que pour me faire changer d'avis moi, il faut se lever de bonnes heures. J'attrape ma chemise blanche et mon jean noir et je cours me préparer dans la salle de bain.
Ça doit faire un an qu'ils n'ont pas servi. Je sors rapidement de la douche. J'essore minutieusement mes bouclettes. Puis j'enfile ma chemise et mon jean. J'attrape le nœud papillon et le noue à la perfection autour de mon cou. Je passe rapidement mes doigts dans mes boucles pour les positionner correctement.
Je me regarde dans le miroir, tout en faisant des grimaces plus ridicules les unes que les autres. Franchement, si j'étais une fille, je sortirais avec moi sans hésiter. Je suis beau, il ne faut pas se le cacher. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas pomponné. À vrai dire, j'aime bien ça.
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Different
General Fiction"C'est vrai que le bonheur m'aurait aidé à exister, j'ai choisi la douleur. J'ai cru bien faire, je me suis plantée." -Rachel En quête d'un regard qui la reconstruirait. J'étais ce regard. J'allais la reconstruire. J'étais assez fort pour deux. On r...