Chapitre 18

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Deux ans plus tard.

Deux ans, ça passe vraiment très vite. Je n'ai pas vu le temps passé. J'ai fini la fac, j'ai complètement changé d'idée. Je suis à présent chanteur. J'ai arrêté de bosser au garage. Je manquais de temps en fait. Je vois toujours Vincent, même si c'est beaucoup plus rare. Il me manque, bordel ce que nos soirées me manquent, ce que la fac me manque ; mes meilleures années. Mon père est à la retraite, et ma mère toujours aussi chiante. La bonne nouvelle c'est que je sais tricoter maintenant. J'ai été forcé d'apprendre contre mon gré.

Que le temps passe vite. Aujourd'hui, je déménage. Je pars habiter à New-York. Qui l'aurait cru ? Mathéo Smith, à New-York. Mon manager m'a trouvé un appartement dans le centre. Qui sait, peut-être que je rencontrerais le grand amour. Le vrai. Je ferme un dernier carton et soupire. Ma chambre est complètement vide, des cartons dans tous les coins. Je me sens affreusement seul. Il ne manque plus qu'une seule boîte dans la pièce. Une petite boîte noire, toute simple. Je m'approche d'elle et l'ouvre.

Des photos, des lettres, des souvenirs. Je renverse la boîte par terre. Je retrouve tous les petits bouts de papier de Rachel. J'attrape le paquet de photos. Celle sur le dessus me fait verser une larme. Ma photo préférée. Rachel et moi. Je la tenais sur mes épaules, elle était en train de perdre l'équilibre, on était dans la piscine de mes parents. Elle était heureuse, et moi je rigolais en regardant l'objectif. La photo a été prise pile au moment où Rachel tombait. Je me rappelle de ce jour comme si c'était hier.

-Attends ne bouge pas, je vais mettre le retardateur !

Je sors de la piscine et cours rapidement vers l'appareil photo, je le positionne sur un transat et regarde dans l'objectif pour bien le fixer. Je la vois. Je souris. Rachel est rayonnante aujourd'hui. Ça me rend tellement heureux. J'appuis sur le bouton de l'appareil photo, et saute en bombe dans la piscine. Je prends Rachel sur mes épaules. Elle lève les bras en l'air et rigole comme une enfant. Elle me rend tellement heureux. J'adresse mon plus beau sourire à l'appareil photo, alors qu'elle, je la sens se déséquilibrer. Le flash de l'appareil m'éblouit, et je ne sens plus rien sur mes épaules. Merde. Je me retourne et vois une Rachel boire la tasse. J'explose de rire, nos rires se mélangent.

Cet après midi a été génial.

C'était bien, c'était beau, c'était parfait, magique, fantastique, c'était unique. C'était l'amour, la complicité, c'était tout un monde. C'était la colère, la joie, les larmes. C'était Mathéo et Rachel, c'était elle et moi, moi et elle, c'était avant.

Je ne suis plus avec Rachel depuis un an. Bordel, un an, que le temps passe vite. Tous les dimanches pendant un an, nous faisions un jogging. Je me souviens lui avoir offert une photo de moi dédicacée, avec en petit mot « Quand je serais riche, beau et célèbre, tu te feras un tas d'argent avec cet autographe, ne me remercie pas, c'est normal. »

Je ne pensais pas que j'allais devenir riche, si ça se trouve, la photo, elle l'a peut-être vendu ? Elle avait explosé de rire. De son rire si cristallin. On passait des nuits, allongés dans l'herbe à contempler les étoiles les soirs de pleine lune.

Des trucs tellement clichés, même si je déteste ça. Elle m'a même appris à jouer du piano, d'ailleurs, elle a gagné le concours de piano, j'avais chanté avec elle ce soir là. C'est comme ça que je me suis fait découvrir par un professionnel, mon manager. Elle aussi a eu de la chance ce soir là. Un grand pianiste l'a découvert, il a craqué sur sa sensibilité de jouer. J'étais tellement heureux pour elle ce jour là.

On a fait la fête toute la nuit, ou presque. Je sais. J'avais promis que jamais je ne la laisserais tomber. Mais, comme on dit, ne jamais dire jamais. Je l'avais aussi inscrite chez un orthophoniste, elle savait prononcer l'alphabet. Sa voix était magique. Magnifique. Elle commençait à formuler des mots. Des flashs lui revenait de son passé. Puis un beau jour, tout à déraillé, on s'embrouillait chaque matin, ce n'était plus possible, elle m'a quitté. La magie du premier amour, c'est d'ignorer qu'un jour il prendra fin.

Je me suis défoncé le cœur à l'aimer, j'ai passé des soirées à attendre près de mon téléphone dans l'espoir qu'elle m'appellerait, des journées à me demander où elle était, ce qu'elle faisait. J'avais beau rigoler, mon âme se brisait un peu plus chaque minute passée. L'entente de son prénom me donnait envie de tout casser, les photos de nous sur mon mur je n'avais qu'une envie : les cacher, pour ne plus jamais les regarder. Effacer le passé, voilà mon vœu le plus cher. L'oublier, mon rêve le plus sincère. Rachel a été mon premier amour. Jamais je ne l'oublierais.

Aujourd'hui, c'est sa dernière séance chez l'orthophoniste. Bien sûr que j'ai calculé, il y a deux ans, j'étais tellement pressé que ce jour arrive que je l'avais écrit en petit sur ma table de nuit. Je ne saurais jamais si elle sait parler. Jamais. Je décide de ne pas regarder plus de photos. J'ai trop mal au cœur.

Je voix un papier blanc. Je l'attrape et l'ouvre. Mon cœur explose en mille morceaux quand je relis la chanson que je lui avais écrite. Cette putain de belle chanson. Je referme la boîte rapidement, je ne veux pas enfoncer le couteau dans ma plaie, qui au bout d'un an n'a toujours pas cicatrisé. Je vais la laisser là, cette boîte. Dans un coin de la pièce. Je ne veux pas l'emmener, je ne veux pas de ces foutus souvenirs qui m'ont tant fait souffrir. Je prends les cartons qu'ils restent, et descends dans ma voiture.

Point de vue externe.

Rachel vient de sortir de chez son orthophoniste, le sourire aux lèvres. Au bout de deux ans passés avec lui, elle avait réussi à retrouver quelques mots, et former quelques phrases. Même beaucoup. Enfin, suffisamment pour avoir de la conversation avec ceux qui l'entourent. Même si, les seules personnes qui l'entourent sont sa gouvernante, M. Colin ainsi que son orthophoniste.

Son sourire disparaît quand elle repense à ses yeux. Mathéo. Son Mathéo. Bordel, qu'est ce qu'il lui manque. C'était son pilier. Il a vraiment tout fait pour l'aider, et elle, elle l'a envoyé bouler. La seule raison qui lui venait à l'idée, c'était qu'elle ne voulait pas qu'il se traîne un fardeau toute sa vie. Elle le savait, elle était handicapée, mais maintenant, ça c'est beaucoup arrangé. Qu'elle se sent conne. Et seule. Conne et seule. Terriblement seule. Toute cette année, elle l'a passé seule, ou presque.

Son orthophoniste était et sera sûrement toujours là pour elle. Mathéo a vraiment été un pilier dans la vie de Rachel. Sans lui, elle se serait effondrée. Comme Rachel l'a été dans la vie de Mathéo. Sans lui, elle n'aurait jamais eu la volonté d'essayer de reparler. Ni de quoique ce soit d'ailleurs. Elle ne serait peut-être plus là. Une folle envie lui traverse l'esprit. Est-il toujours ici ?


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