Chapitre 16

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Je replis la lettre. Emu. Touché. Dévasté. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Je ne peux empêcher mes larmes de couler. Je suis un sensible en fait. Cette fille qui se tient à côté de moi, a traversé plus de choses dans sa vie que ma grand-mère qui à plus de 80 ans. C'est tellement horrible les personnes qui rabaissent les autres.

Dégueulasse. Ça me dégoute. La vie est tellement injuste et mal distribuée. C'est comme aux jeux de cartes. Certains ont du jeu, mais d'autres n'en n'ont pas. La vie est exactement comme ça. Des larmes s'échappent de ses yeux. Je la prends rapidement dans mes bras. Je n'ai plus jamais envie de la lâcher.

-Pleure pas bébé, je suis là maintenant, jamais je ne te lâcherais, je te le promets.

On ressemble à de gros gamins, pleurant chacun dans les bras de l'autre. Les passants doivent sûrement nous prendre pour des cinglés, mais au pire, on s'en fout, non ? Je la regarde dans les yeux. Et lui attrape le visage.

-Ecoute, je vais te faire oublier tout ça, d'accord ? Je sais que tu y penserais quand même, car je ne suis pas magicien, mais on peut quand même essayer de faire quelque chose. On va tout faire pour que t'essayes de prononcer au moins un petit mot, je te promets je vais tout faire pour.

Elle hoche la tête vivement tout en souriant. Sans que je m'y attende, elle m'entoure de ses bras. Ses petits bras.

Je suis installé à mon bureau, je recherche des moyeux de guérir une aphasie, c'est comme ça qu'ils appellent la maladie de Rachel. Je ne savais même pas que ça existait, c'est en gros une difficulté à parler, à s'exprimer dû à des chocs, à des AVC et pleins de trucs dont j'ai oublié le nom. Je tombe sur un site plutôt intéressant. Je fais défiler les questions barbantes et tombe sur les réponses.

«Les neurones touchés ne sont jamais renouvelés. En d'autres termes, la guérison de l'aphasie n'est possible que si de nouvelles connexions se font, ou si les voies nerveuses ne sont que partiellement touchées. Dans ces cas, une rééducation orthophonique est nécessaire pour espérer retrouver un langage proche de la normale. Le traitement dure généralement deux ans.»

Je vais devoir l'emmené chez un orthophoniste et on va devoir attendre deux ans. Si ça se trouve, sa voix en vrai est horrible. Si ça se trouve l'orthophoniste ne pourra jamais rien guérir. Si ça se trouve elle restera muette toute sa vie.

On pourrait refaire le monde avec des « si ».

-A vos marques... Prêt... Partez !

Et un coup de feu retentit, j'appuie fortement sur l'accélérateur. Baroudeur est derrière moi, je suis en train de le semer. Rachel est avec Vincent, sûrement à l'arrivée. J'ai dû assurer cette course, parce que monsieur-je-lance-des-défis-à-tout-le-monde n'a pas eu envie d'assumer son défi. Et comme je sais bien conduire, je dois disputer cette course qui m'emmerde plus qu'autre chose. Je sens une secousse.

Ce connard m'a percuté, il prend la tête. Je passe la septième de ma magnifique voiture de course. Je sens qu'elle ne va pas rester magnifique longtemps. Je reprends l'avance que j'ai perdue. Il klaxonne au moins trois fois en me faisant un doigt d'honneur.

J'explose de rire, et appuie encore un peu plus sur l'accélérateur. Un gros trou orne la route. Je ne l'avais pas vu. Bordel. Je me le prends et explose mon pare brise. Baroudeur me repasse devant en se marrant, à mon tour je lui fais un doigt d'honneur.

Du déjà vu, quel cercle vicieux. L'arrivée est juste à quelques mètres. J'accélère autant que je peux et lui rentre dedans. Il perd le contrôle de son véhicule et j'en profite pour repasser devant et atteindre l'arrivée. Plusieurs personnes applaudissent, surtout mon équipe. Je coupe le contact et sort rapidement de la voiture. Je cours vers Rachel et la prends dans mes bras. Puis je l'embrasse dans le cou.

-J'ai gagné ! Je l'ai ridiculisé, anéanti, détruit. Bref, je lui ai foutu une bonne raclée.

Rachel me sourit et m'embrasse la joue. D'un baiser tendre et mouillé. Baroudeur est tellement dégouté. Je suis tellement fier d'être un bon conducteur. Je pousse Rachel contre un mur et écrase mes lèvres contre les siennes.

J'en ai besoin, vraiment besoin. C'est devenu vital à présent. J'enroule mes mains autour de sa taille. Elle glisse ses mains dans mon cou et rapproche encore plus nos têtes. Je mets fin à se baiser, car je manque d'air. Je pose ma tête dans son cou, et lui suce doucement la peau, elle gémit. Je lèche, et je souffle doucement dessus.

Une belle grosse marque violette se dessine. Je suis fier de moi. Je crois bien que je l'aime, mais je veux dire, vraiment. Comme un enfant aime sa sucette. Comme une souris aime le fromage. Comme Mathéo aime Rachel. Vraiment.

-Je ne voudrais pas vous déranger les amoureux, mais je ne pense pas que vous voulez rester ici, dans cet endroit bien glauque.

Je me retourne vers lui et lui lance un regard qui traduis « tu ne vois pas que je suis occupé mon pote ? ». Toujours présent pour gâcher les mauvais moments. Ce n'est pas possible ça. 


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