Je suis dans ma voiture. Le camion est parti devant. Je n'ai pas envie de partir d'ici. Avec tous les merveilleux souvenirs que j'ai vécu. Non, impossible. Mais il le faut pourtant. Si seulement je pouvais arrêter le temps, que tout redevienne comme avant. Si seulement. Je mets en route le moteur de ma voiture et appuie sur l'accélérateur.
Adieu Nouvelle-Orléans. Adieux souvenirs d'enfance. Adieu mon chez moi, et adieu Rachel. Bordel Rachel. Surtout elle. Qu'est ce qu'elle me manque. Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas oublier tous ces souvenirs là. Impossible. Ce n'est juste pas possible. Je ne peux pas laisser les photos à l'intérieur. Je ne peux pas les oublier. Je ne peux pas.
Je fais demi-tour, et me gare à ma place habituelle. Je cours jusqu'à mon ancien logement. Je ne peux pas oublier les photos. Non, non ! Nos photos. Nos souvenirs. Je trottine jusqu'à la porte. Et monte à toute allure les marches. Quand je franchis la porte, je suis étonné qu'elle soit entrouverte.
Je ne l'avais pas fermé, j'en suis certain. La femme de ménage devait passer, mais pas déjà, si ? Je fais quelques pas, et là, à l'instant où mes yeux cherchent les photos, mon cœur fait une chute libre jusque dans mes talons. Plus bas s'il avait pu, mais ce n'est pas le cas. Rachel. Ma Rachel. Elle est là. J'aurais reconnu sa chevelure entre mille. Accroupis. De dos à moi, avec quelque chose dans les mains. Je m'avance doucement.
-Rach' ?
Elle se retourne, les yeux rougis par les larmes qui s'échappent de ses yeux. Même malgré ça, je suis toujours aussi dingue de sa beauté. Elle n'a pas changé. Même pas un petit peu.
Je ferme les yeux puis les ré-ouvrent pour m'assurer que c'est bien la réalité. Mes yeux se posent sur ce qu'elle tient. La photo de nous deux. Je me mords la lèvre un peu plus fort pour ne pas pleurer à mon tour. Je m'approche lentement d'elle. La scrutant. Je lui tends la main, elle hésite un petit peu et l'attrape. Son contact m'électrise. Ses mains sont chaudes. Bordel, ses mains sont chaudes. C'est la première fois qu'elles sont chaudes. Elle se relève, et se jette dans mes bras sans que je ne m'y attende.
Elle explose en larmes. Ça me déchire le cœur. Vraiment. Je lui caresse les cheveux doucement et cale sa tête dans mon cou. On reste plusieurs minutes dans cette position. Elle commence à se calmer, puis arrête totalement de pleurer.
-Chut, je suis là maintenant, d'accord ?
Elle se détache de moi délicatement. Elle me regarde dans les yeux, elle est tellement belle. Avec elle, j'ai appris à traiter les femmes correctement.
Qu'est ce qu'elle m'a manqué. Même si elle ne sait pas parler. Même si l'orthophoniste n'a pas fait du bon boulot. Je crois, que je ne pourrais jamais me passer d'elle. Un an, mais qu'est ce qu'on est cons. Une bande de cons. Elle me caresse le visage du bout de son petit index. Elle se penche vers mon oreille. Je baisse mes yeux vers elle.
-Je... Je t'aime... Mathéo.
Mais comme on dit, ne jamais dire jamais.
« Je ne voulais pas créer une femme nouvelle, je voulais juste qu'elle redevienne sûre d'elle. Qu'elle retrouve la petite fille qui voyait tout, qui n'était pas dupe, qui avait compris, trop tôt, comment la vie marchait. Toute cette violence, cette clairvoyance, cette audace incroyable qu'on lui avait enlevées comme on déshabille une poupée. Je voulais lui faire oublier son foutu passé, ses rejets qu'elle camouflait sous un masque de petit soldat armé. Je la sentais parfois si fragile, si chancelante, sans point d'encrage, jouant des rôles dans lesquels elle se perdait. Petite fille tremblante ou adolescente apeurée, méfiante ou encore névrosé. Je ne voulais pas la changer, je voulais qu'elle se reconnaisse, qu'elle abandonne ses masques et ses faiblesses. C'est cela que j'ai ressenti dès notre première rencontre : une petite fille prisonnière de son passé. » -Mathéo
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General Fiction"C'est vrai que le bonheur m'aurait aidé à exister, j'ai choisi la douleur. J'ai cru bien faire, je me suis plantée." -Rachel En quête d'un regard qui la reconstruirait. J'étais ce regard. J'allais la reconstruire. J'étais assez fort pour deux. On r...