Chapitre 5

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Je rentre dans l'amphithéâtre, avec la bonne idée de balancer le livre sur le bureau de mon prof, et de lui demander des explications intelligentes. Parce que là, j'ai beau chercher, je ne trouve pas pourquoi...Moi ? Je traverse tout l'amphithéâtre et arrive à hauteur de son bureau. Il est là. En train de feuilleter des copies d'élèves surement ratées vu la gueule qu'il fait. Je balance le livre sur son bureau. Il le fixe longuement et décide enfin de lever la tête vers moi.

-Ah, Mathéo. Je vois que tu l'as trouvé !

-Pourquoi ?

-Pourquoi quoi ?

-Pourquoi vous m'avez fait lire ça ?

Un silence. Il a l'air de réfléchir. Réfléchit bien mon pote, je repartirais qu'avec de bonne explication. Je souffle. Une fois, et une deuxième fois. J'allais le faire une troisième fois, mais il prend finalement la parole. Ce n'est pas trop tôt.

-Parce que c'est toi.

-C'est moi ? Mais de quoi bordel !

-Qu'elle a choisi.

Avec elle, ça m'arrive souvent d'être sur le cul. Mais à ce moment-là c'est plus fort que les autres fois. J'ouvre la bouche puis la referme.

-Je ne suis pas un jouet.

-Je ne te dirais rien de plus Mathéo.

C'est ça, connard. Comment veut-elle que je l'aide ? Je suis un mec comme tous les autres. Pourquoi elle m'a choisit moi ? En venant ici je pensais trouver des réponses, pas pour m'en poser un million de plus.

Je veux des réponses à mes questions. Je joue à ce moment là, la carte de la chance. Je me rends à l'endroit où je l'ai trouvé la première fois. La falaise. Ça se trouve, elle y sera. Je me gare à la même place que l'autre soir. Et me rend directement à la barrière. Il n'y a personne. J'aurais essayer.

La vue sur les étoiles est magnifique d'ici. Même si le vent souffle fort, ce n'est pas désagréable. C'est berçant. On à une vue panoramique sur toute la ville. J'arrive même à apercevoir mon université. Une main se pose sur mon épaule.

Je sursaute et me retourne d'un coup, me retrouvant face à deux prunelles grises, qui me regarde fixement. Je ne sais pas pourquoi, mais je jubile intérieurement qu'elle soit là. Et tellement je me sens heureux, pour je ne sais quelle raison d'ailleurs, je la prends dans mes bras et la serre de toutes mes forces.

Humant la délicieuse odeur de ses cheveux. Pomme. Mon fruit préféré. Elle ne sent même pas la clope, alors qu'elle fume tout le temps. Je la relâche. Ses yeux sont grands ouverts.

-Euh...Pardon.

On sourit tous pour quelque chose. Pour dire bonjour ou juste merci. On sourit quand ça va bien, mais quand ça va mal aussi. À ceux qu'on aime, à ceux qu'on ne connaît pas forcément. Aux amis, aux amours, aux connaissances. On sourit bêtement, à la "va-vite", quelques fois pour éviter d'éclater de rire. Parfois il est juste pour nous ; comme le matin, devant la glace, ou pour nous rassurer, nous dire que tout va bien. On sourit pour offrir un peu de soi, pour rester dans le cœur des gens encore un petit moment. Illuminer leurs vies peut-être un instant. On sourit à tout va. Au jour suivant. Aux souvenirs d'avant. Aux rayons du soleil levant. Tous, on sourit, pour quelque part donner un sens à notre vie.

Mais elle, je ne l'avais jamais vu sourire. Jamais. Même pas une fois. Et je crois que pour la première fois, elle m'offre un sourire radieux. Prends-toi ça dans le cul, Jake. Et là, je ne peux pas m'empêcher de lui offrir mon plus beau sourire, celui que personne n'a jamais reçu. Je suis tellement content qu'elle m'ait souri, c'est terriblement troublant, car même moi je ne sais pas pourquoi ça m'importe autant de voir son sourire. Je fouille mes poches. Me rappelant pourquoi je suis venue.

J'en sors le petit bout de papier vert, et lui tends. Elle l'examine quelques minutes, et s'en empare pour le regarder de plus près. Au bout de quelques secondes, elle relève la tête vers moi, et secoue la tête en baissant les yeux.

-Oh ne t'inquiète pas, je... Je sais tout. Je sais tout sauf ton prénom. C'est quoi d'ailleurs...ça pourrait être utile je pense. Enfin sauf si tu ne veux pas me le donner je comprendrais, vu ma tête on pourrait prétendre un psychopathe, mais pas du tout je t'assure je suis tout ce qu'il y a de plus banal mais...

Elle me plante un petit morceau de papier vert devant les yeux. Mon élan est coupé. Rachel. Elle s'appelle Rachel. Je n'avais même pas remarqué que pendant mon monologue, elle l'avait griffonné sur le papier. Je sais, je parle de trop, et pour rien en plus. Pourquoi ne m'a-t-elle pas répondue... Le con.

Je viens juste de comprendre. Je crois que s'il y avait un concours du « Qui est le plus con de l'université ? » Je serais élu à coup sûr. Elle est muette. Même un aveugle pourrait le deviner.

-Je suis trop con désolé J'aurais dû m'en rendre compte plus tôt.

Deuxième sourire en même pas dix minutes. On a battu un record. Elle me fait un léger, vraiment léger, bisous sur ma joue, et s'en va, encore une fois. Je souris comme un débile. Et touche ma joue. Mais qu'est-ce qui me prend ?

-Une crème fouettée n'est pas une crème fouettée tant qu'elle n'est pas fouettée avec un fouet, tout le monde sait ça.

-Il faut croire que moi je ne le sais pas, monsieur-qui-depuis-cinq-minutes-sait-fouetter-une-crème-fouettée.

Cela fait maintenant deux heures qu'avec Vincent on essaye de faire des cookies, mais ça fait aussi dix fois qu'on les recommence. Soit ils sont cramés, soit in-bouffable, ou avec des ingrédients manquants.

Mais entre deux, il y a eu une bataille de farine, de pâte à... "Cookies", et de pleins de choses qui se trouvaient dans les placards de ma mère, que Vincent et moi ne connaissions même pas l'existence de ces trucs dégueulasses jusqu'à aujourd'hui. Nous nous remettons au travail, avec un peu de farine et de substances différentes dans les cheveux. Je le connais depuis ma plus tendre enfance, et je pense que c'est avec lui que je redeviens vraiment le gamin que j'étais il y a dix ans.

-Un biscuit, ça n'a pas d'esprit, c'est juste un biscuit. Mais avant, c'était du lait, des œufs. Et dans les œufs, il y a la vie potentielle.

-Monsieur Smith et sa philosophie. Tu m'épates vraiment aujourd'hui mon pote.

Je rigole. Il me fait tellement rire ce crétin. On parle de tout et de rien, en mangeant nos cookies, qui, cette fois-ci, sont réussis. Ma mère passe de temps en temps en piquer un ou deux, je crois qu'elle ne les compte même plus, et nous non plus d'ailleurs. Ce que je sais, c'est que la boite se vide d'au moins 50g après son passage. Puis nous commençons à parler d'Eleanor ou je ne sais pas quoi, le soi-disant "plan cul" de Vincent.

-La plupart des gens disent qu'on a besoin d'amour pour vivre. En fait, on a surtout besoin d'oxygène.

Je rigole encore. Qu'est-ce que je rigole avec lui.

-Non mais c'est vrai quoi, elle m'emmerde, elle veut me traîner dans ses magasins préférés. Si à la limite, on pouvait baiser dans les cabines... Même pas !

-Je me rappelle de la fois, où tu te faisais tellement chier que pendant qu'elle essayait sa robe, tu tapais la discute avec le mannequin de l'entrée. Comme s'il allait te répondre.

Je rigole en me rappelant de ce souvenir. Il en fait de même. En fait, entre un con, et un attardé, on s'est plutôt bien trouvé. C'était l'heure pour Vincent de partir, moi, j'avais décidé de rester là, je ne sais pour quelle raison d'ailleurs. Il se lève et ouvre furieusement la porte, elle a tendance à être dure à ouvrir. On entend un bruit sourd, puis un

-Putain de merde !

Vincent ouvre la porte, et tombe sur ma sœur, étendue par terre de tout son long, la main sur son front, il explose littéralement de rire, et moi, je fais pareil que lui.

-À trop regarder par le trou de la serrure, on se prend la porte dans la figure.

S'exclame Vincent, plié de rire. Comme a son habitude, elle ronchonne. Elle a quelques années de plus que moi, mais elle aime tout savoir sur moi, ma deuxième mère. Déjà que la première est chiante, la deuxième je n'en parle même pas.

Quelle chance que j'ai. Je la relève, et l'amène sur mon lit. Puis je la laisse là, comme une merde, et me barre avec Vincent. Ça lui servira de leçon pour la prochaine fois.


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