Après plusieurs de tentatives de persuasions, elle accepte enfin. Je suis certain que si je lui choisis une bonne chanson, elle le gagnera ce fichu concours de piano. Elle fouille dans son sac et en sort son carnet et son stylo. Elle gribouille des mots dessus et me tend le carnet. « Et si on se moque de moi ? » Je relève ma tête, et plante mes yeux dans les siens.
-Ecoute Rach', t'en a rien à foutre des autres d'accord ? Fais ce que tu veux, sois comme tu veux être, ne laisse personne te dicter ce que tu dois faire. Que ce que tu fasses soit bien ou mal y'aura toujours des gens pour critiquer. Il faut passer au dessus, te dire que tu es la meilleure, et que rien ne peut t'atteindre. Sois-toi même.
Elle me regarde, et secoue la tête en souriant, puis me saute dans les bras. Je ne m'y attendais pas. Je perds l'équilibre mais me rattrape à la dernière minute. Je rigole, pour la première fois avec elle. Elle rigole, pour la première fois avec moi. Je la repose, elle reprend son carnet. Elle relit ce qu'elle a écrit et me le tend. « Je veux changer. Je vais vraiment essayer d'enterrer mon passé. Grâce à toi. » Je la regarde, incrédule.
-Changer, comment ça changer ?
Elle se retourne, et s'avance jusqu'à l'atelier. Vincent, qui est en train de réparer le moteur, me regarde en haussant les épaules, et tourne son regard vers Rachel. Elle attrape une paire de ciseaux, et reviens vers moi. Elle me donne les ciseaux, je les prends en l'interrogeant du regard. Elle attrape mon poignet et me tire dehors. Elle fouille dans son sac, et en sort un peigne fin. Qu'est-ce qu'elle veut faire ?
-Rachel, il pleut beaucoup dehors, ce n'est pas une bonne idée, même si je ne sais pas ce que tu veux faire.
Elle me tire plus fort. On est dehors, mes habits sont déjà trempés, les siens également. Mais elle a l'air d'en avoir rien à foutre. Elle s'assoit sur un petit muret, de dos à moi. Elle se retourne et me tend les ciseaux et le peigne. Et là, je comprends ce qu'elle veut faire.
-Tu veux que je te coupe les cheveux ?
Elle hoche la tête, sans me regarder, toujours de dos. Je souffle. Je ne veux pas faire ça. J'aime ses cheveux. Elle souffle, et se tourne vers moi. Elle commence à me prendre le peigne des mains et les ciseaux. Je l'en empêche.
-Lâche, c'est bon, je vais le faire.
A vrai dire, je n'ai jamais fait ça. Je ne sais pas du tout comment m'y prendre. Alors je commence à lui démêler les cheveux, qu'est-ce qu'ils sont longs. Mais je l'imagine quand même bien les cheveux courts. J'ai toujours fantasmé sur des cheveux courts. C'est parti. Je commence à tout couper, jusqu'aux épaules. Passer de cheveux arrivant aux fesses, aux épaules, ça change vraiment. Je repasse un coup de peigne, et égalise les petites mèches rebelles. Je les secoue légèrement. Ses cheveux bouclent beaucoup. Je me place devant elle. Et lui coupe un petit bout de sa frange trop longue. Ses cheveux sont devenus supers fins. Elle est magnifique, magnifique. Elle relève les yeux vers moi. Je lui tends ma main, et je la relève.
-Tu es magnifique comme ça, encore plus qu'avant.
Elle esquisse un sourire. Elle baisse les yeux. Je lui remonte la tête doucement. Elle plante ses yeux dans les miens. Je me mords légèrement la lèvre. Si je ne le fais pas là, je ne le ferais jamais. Je colle mon bassin au sien, et à l'aide de mes mains, j'attrape sa tête. Je passe mon pouce sur sa lèvre inférieure, puis me penche légèrement, doucement. Je frôle ses lèvres. Je les sens complètement mouillé à cause de la pluie. La pluie tombe de plus en plus d'ailleurs. On est complètement trempé. Mais on n'en a rien à foutre. Je colle mes lèvres contre les siennes doucement. Elle ne réagit pas, et se laisse faire. Elle finit par passer ses mains autour de mon cou. Une sensation encore inconnue se propage dans mon estomac. Je crois que je perds totalement le contrôle. J'attrape ses jambes et les entourent autour de ma taille. Le baiser devient plus agressif. Je me retourne et la plaque contre l'arbre derrière moi. J'approfondis le baiser, je passe ma langue sur sa lèvre inférieure, et à ma grande surprise, elle accepte. Si on m'avait dit, deux mois plus tôt, que j'embrasserais Rachel, j'aurais ri. Mais là, je crois que je suis en train de tomber amoureux d'elle. C'est quand même un bon gros cliché de faire son premier baiser avec une fille sous la pluie.
Qu'est-ce qu'il t'arrive Smith ?
Je n'ai jamais aimé quelqu'un, jamais. Je mets fin au baiser, je n'ai plus d'air. Je me mords la lèvre, encore. Elle m'adresse un petit sourire. Un de ces sourires rares, source d'éternel réconfort, comme on n'en rencontre que quatre ou cinq fois dans sa vie. Un sourire qui défie, ou qui semble défier, brièvement le monde entier, puis se focalise sur moi comme si elle m'accorde un préjugé irrésistiblement favorable. Qui croit en moi comme je veux croire en moi-même. Je deviens fou, elle me rend fou. On n'a rien de fantastique, on n'est pas magnifique. Mais il y a comme une sorte de fusion entre nous, qui se dégage de notre relation, une sensation inexplicable que n'importe qui pourrait envier.
En quête d'un regard qui la reconstruirait.
J'étais ce regard. J'allais la reconstruire.
J'étais assez fort pour deux.
Nous sommes dimanche matin. J'enfile un jogging, et un haut de sport ainsi qu'un bonnet et mes baskets, pour aller courir. Il faut que j'emmène Rachel courir. Mais je me suis dit que si je courais avec elle, elle serait plus motivée qu'autre chose. Il faut qu'elle fasse du sport, pour qu'elle apprenne à respirer correctement, qu'elle nettoie ces poumons. Je prends le paquet de vitamines avec moi, ainsi que deux bouteilles d'eau et je cours vers ma voiture. Je lui ai envoyé un message comme quoi je serais chez elle d'ici quinze minutes.
Arrivé chez elle. Je la vois qui m'attend sur le muret en face. Je fais quoi ? Je l'embrasse, ou l'ignore ? Elle me regarde avec un sourire trop craquant. Donc, je l'embrasse. Je m'approche d'elle, et lui fait également un joli sourire. Je la prends par la taille, et dépose mes lèvres sur les siennes. Je ne sais pas si on est ensemble. Mais pour l'instant ça me convient comme ça. On monte tous les deux dans ma voiture. Direction City Park ; le plus grand parc de la ville.
VOUS LISEZ
Different
General Fiction"C'est vrai que le bonheur m'aurait aidé à exister, j'ai choisi la douleur. J'ai cru bien faire, je me suis plantée." -Rachel En quête d'un regard qui la reconstruirait. J'étais ce regard. J'allais la reconstruire. J'étais assez fort pour deux. On r...