-Que se passe-t-il Rachel ?
M. Colin, le professeur, l'encourage en lui tendant un calepin et un stylo. Elle les prend. Elle y gribouille quelques mots. Elle repasse le calepin à M. Colin.
« Que se passe t-il avec ce garçon ? Tous les garçons sont cons. Tous. »
M. Colin relève la tête vers elle, et lui sourit faiblement.
-Ecoute Rachel, Mathéo n'est pas comme tous les garçons, ça se voit non ? Il dégage quelque chose de pas commun.
Elle plante ses prunelles grises dans les yeux de M. Colin avec un regard interrogateur. Elle attrape le calepin que tient son professeur et écrit.
« Je ne veux pas y croire. J'aime personne, personne ne m'aime, c'est aussi bien comme ça. Je le déteste, lui et tout le monde d'ailleurs. La vie est trop injuste pour ça. »
M. Colin lui offre une brève étreinte.
-Je sais que c'est dur, mais je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi forte, je suis là si tu as besoin, ne l'oublie pas.
Nous vivons dans un monde si cruel. La moindre petite chose qui vous différencie de la normale vous catalogue comme : un cas social, un désespéré ou encore un raté. On vous colle des étiquettes partout, pour tout ce que vous faites :
Ce n'est pas parce que tu as des bonnes notes que tu dois être un "intello". Porter une mini-jupe ne fait pas de toi une prostituée. C'est bien d'avoir des formes, mais se faire traiter de grosse est exagéré. Ce n'est pas parce que tu es maigre que tu es anorexique. Quelqu'un qui a du mal à s'exprimer n'est pas un attardé.
Quelqu'un qui est muet, n'est pas différent.
Ce n'est pas le mot « muet » qui dérange en lui-même, c'est la méchanceté dans le regard de la personne qui vous le dit, qui est interpellante. Rachel est consciente que tout le monde lui a collé l'étiquette « muette » mais ce mot lui fait tellement mal. On met toute une vie, rien que pour accepter ces simples lettres. Puis on se demande pourquoi est-ce que le destin nous a réservé ça, y avait-il une raison ? Toutes ces questions, Rachel a arrêté de se les poser. Elle s'est faite une raison. Pour Rachel, ce n'est pas une maladie héréditaire. Quand les accidents doivent arriver, ils arrivent. C'est marqué, c'est tracé. C'est votre destin.
Je m'effondre dans mon lit comme une masse. Je remercie ma mère d'avoir tout fait pour que je sois seul dans ma chambre, je pense que je n'aurais pas supporté un colocataire. Pour peu que je tombe avec Jordy, qui prend des douches tous les 30 du mois. Non merci.
C'est à ce moment là que je réalise que je suis encore habillé, avec mes chaussures au pied. Je me relève. Que c'est dur. Je n'ai que vingt ans pourtant. Ca promet tout ça. Je retire mes chaussures et j'enlève mon pantalon. Je cherche mon portable, il est où lui encore ? Ah voila. Dans ma poche de blouson, fallait y penser remarque. J'entends ma conscience qui, une fois de plus, se fout de moi. Je grogne. Je sens un autre truc avec mon portable. Je le sors. Un petit bout de papier vert. Je souffle. Ce n'est pas possible.
« Suis moi je te fuis, fuis moi je te suis. Vive la philosophie. »
-Vous en pensez quoi monsieur ?
Je tendis le petit papier vert à M. Colin, mon professeur de philosophie. Peut être que lui pourrait m'aider sur la signification de ces deux phrases. Il semble perturbé. Ailleurs. Confus. Enfin tout sauf rassuré quoi. Je le vois hésiter à me répondre, mais à mon plus grand bonheur, il le fait quand même.
-Je connais l'envoyeur.
-Ah...ah bon, c'est qui ?
-Ce n'est pas à moi de te le dire Mathéo.
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Different
General Fiction"C'est vrai que le bonheur m'aurait aidé à exister, j'ai choisi la douleur. J'ai cru bien faire, je me suis plantée." -Rachel En quête d'un regard qui la reconstruirait. J'étais ce regard. J'allais la reconstruire. J'étais assez fort pour deux. On r...