Partie 33 : « Cœur prisonnier»

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Juge: Monsieur ********** Jasim vous êtes jugé coupable pour consommation de substances illicites et condamné à dix mois de prison dont deux avec sursis. La sentence est levée !

Quand j'ai entendu ça, mes yeux se sont fermés et ma tête s'est levée vers le ciel. Y'avais ma famille derrière moi, ma mère, ma sœur, même Haniya à qui j'avais pourtant interdit de venir ... J'ai entendu leurs cris, des cris stridents qui m'ont transpercé le cœur. Yemma, je te demande pardon ...

Quand j'ai enfin pu me retourner vers eux, au fond de la salle j'ai reconnu Zied, casquette sur la tête et sourire aux lèvres.

Haniya: JASIIIIIIM
Yemma: WEEEEH WOULDIIII [mon fils]
Warda: JASIM ON T'AIME !

J'ai pu leur dire au revoir vite fais, on m'a menotté et emmené dans le camion direction la prison de *****.

J'suis enchaîné comme un animal, y'a rien de plus rabaissant que ça. Les menottes serrent mes poignées, le chemin parait très long, je prie Dieu pendant ces quelques minutes, j'ai honte, c'est rare que je le fasse, beaucoup trop rare, c'est peut-être pour ça que je me retrouve ici.

Policier: Ça fait quoi de se retrouver à la case départ ?
Jasim: La routine

Il se contente de rire silencieusement. Il a un regard méprisant, presque de vainqueur, il se croit puissant parce qu'il porte un uniforme bleu, mais ça se trouve sa vie est dix fois plus merdique que la mienne. J'dis rien et continue de regarder part la fenêtre grillagée.

Quand on est arrivé, j'me suis retrouvé avec un groupe de mecs, on était tous différents mais au final on était tous dans la même merde. On nous a foutu en slip pour faire la petite visite médicale, j'ai encore une fois perdu le peu de cheveux que j'avais, on nous a donné les uniformes qu'on a tout de suite enfilés et on a été chacun répartie dans les secteurs et placés dans nos cellules. C'était l'heure de la promenade, j'vais donc devoir attendre pour connaitre mon coloc'.

L'alarme annonçant la fin de la promenade retenti, petit à petit les cellules se remplissent et mon codétenu rentre dans la cellule. Au début on échange pas un mot.

Coloc': C'est toi le nouveau ?
Jasim: Ouais
Coloc: T'es là pour quoi ?
Jasim: Stup' et toi ?
Coloc: Pareil. Conso ?
Jasim: Ouais
Coloc: T'as eu de la chance de pouvoir mytho
Jasim: Pas toi ? T'es là pour vente ?
Coloc': Ouais ... Trois ans
Jasim: Chaud ...
Coloc: Combien ?
Jasim: 8 mois
Coloc': Ça passe
Jasim: Ton blaze ?
Coloc': Mouchard. Toi ?
Jasim: Jasim

***

" Bonjour Jasim,

J'espère que tu vas bien malgré tout et que tu tiens le coup, mais je ne m'en fais pas pour cela. Ici la vie continue, mais sans toi elle se fait plus terne et plus dur. Ta mère a des cernes sous les yeux et dort peu, je pense qu'importe le nombre de fois, une mère ne peut pas s'y faire et n'acceptera jamais de voir son bébé enfermé. Je sais qu'elle est venue te voir il y'a quelques jours, elle est venue le raconter à la mère d'Ahlem et j'étais présente. Warda continue ses études même si en ce moment elle n'est pas à fond dedans, j'essaye de la convaincre de s'y remettre et de l'encourage avec l'aide d'Ahlem. Ton petit frère, Redouane, est toujours aussi fou et tu lui manque énormément. Et Amra continue de grandir, cette petite perle est toute mignonne et apprend chaque jour un peu plus.
Sinon, moi, je fais avec, j'essaye de poursuivre ma vie comme je le peux, plus les jours avancent, plus j'ai l'impression de m'engouffrer dans le noir, chaque jour sans toi me parait un supplice, un jour sans sens et sans but. Je sais que tu connais les sentiments qui m'abritent, je sais que tu sais ... Sache en plus, que je reste là, à tes côtés, je pense à venir te rendre visite, je vais demander une permission pour le parloir, j'ai envie de revoir ton visage, de te parler.
Mon amour pour toi est inconsidéré, je m'en rend compte chaque jour un peu plus, je t'aime et je ne m'en cache plus, j'ai décidé de tout dévoiler parce que je ne vois pas l'intérêt de continuer à le cacher, je pense que de toute façon que cela se voit comme le nez au milieu de la figure, je sais que tu l'a compris depuis longtemps, tu te contente juste de faire l'idiot. Jasim je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne, je ne sais pas si tout cela est réciproque et sincèrement je ne crois pas, mon amour est tellement fort que j'ai du mal à l'imaginer tel venant de toi. Je sais qu'on ne fait pas parti du même monde, je sais que c'est très compliqué, mais j'aimerai essayer, au-moins le tenter pour ne pas avoir des remords le restes de ma vie, comme on dit vaut mieux vivre de regrets que de remords. Je m'en voudrai toute ma vie de ne pas avoir pour le moins essayer.
En tout cas, je reste ici et je t'attend, j'en fais la promesse ...


Je t'aime !

Haniya ... "

J'écrase la lettre entre mes mains. Comment on peut dire des conneries pareils ?
Moi aimer ? Ou moi être aimé ? Pour moi l'amour comme elle dit, ça n'existe pas, ce sont des conneries inventé par l'homme pour vendre du rêve, pour douiller des meufs, c'est tout. Y'a pas d'amour, le seul "amour" c'est celui d'une mère à son enfant et d'un enfant à sa mère, point !

Pourtant, chaque nuit, avant de dormir, au milieu de ce froid, je lis cette lettre, plusieurs fois des fois et à chaque fois, je ressens la même chose. Je suis énervé, énervé contre elle. Elle n'a pas le droit de ressentir ça, pas pour moi en tout cas. Pourquoi elle se trouve pas un petit bourgeois clean tranquille ?

A cette lettre ? Je n'y ai jamais répondu ...

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«A leurs yeux tu n'es qu'une caille» - Chronique
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By: Isleym
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