Chapitre 6-Il existe un remède (Andra)

63 5 0
                                    


CONGFEI WEI – Blueston halley

Les médicaments faisaient enfin effet et je me sentais beaucoup mieux, même si j'étais consciente de leur caractère éphémère. Le soleil perfora soudain mes yeux de sa bienfaitrice lumière. Je voulus fuir mais il me poursuivit jusque sous la couette. Je finis par me rendre et ouvris mes petites mirettes de fouine. Un plateau se présenta sur mes genoux : une cuillère tintait dans une tasse remplie d'une tisane à la menthe dont les effluves attisaient ma soif, le tout accompagné d'une barre de céréales au chocolat.

Zaza remonta ses lunettes roses sur son nez, je remarquai aussitôt qu'elle avait lavé et peigné ses cheveux qui étaient en bataille avant mon somme. Elle avait changé de vêtements aussi. Elle me sourit, contente de sa surprise, et un peu gênée.

« Je sais pas si tu as envie de manger, mais c'est l'intention qui compte. »

Je fus surprise par cette déclaration. Zaza sondait mon regard, un peu perdue. Elle méritait des explications.

Lentement, et pour réfléchir à ce que j'allais lui dire, je détaillai le contenu du plateau et portai la tisane à mes lèvres pour en saisir le goût. Que devais-je lui dire pour qu'elle me fasse confiance, sans lui faire peur. Il me fallait du temps pour réfléchir. Je déclarai : « J'ai faim. » et lui souris malicieusement. Elle s'accrocha à ce sourire, s'assit sur le bord du lit et me le rendit. Je réfléchis encore, et plus je le faisais, plus je la sentais lointaine.

« Parfois, je veux vivre, et parfois je veux mourir. Tu es le nouveau but de ma vie, Zaza. Je vais te rendre l'érotique des mots. »

C'était sorti comme ça, je le pensais sincèrement. Elle ne releva pas, perturbée. Je n'avais pas eu le temps de réfléchir.

"Je suis vraiment contente que tu ailles mieux. Tu m'as un peu effrayée... »

Son rapide changement de sujet m'indiqua qu'elle ne savait pas vraiment quoi répondre à ma déclaration. Je répondis piteusement :

« C'est éphémère. Si je prends correctement mes médicaments, ça passera d'ici trois ou quatre jours... Zaza, je suis désolée de t'avoir fait peur. »

Nos regards se croisèrent à nouveau dans un silence un peu trop long. Elle semblait un peu perdue dans ses pensées. Soudain, elle me demanda :

« Où as-tu étudié ?

- En Belgique. J'ai fait des études d'actrice.

- Ah ? Quelle formation ?

- C'est super compliqué. Je crois que j'y comprends pas grand-chose non plus...

- Donc tu es actrice ?

- En théorie, oui. En pratique, je ne travaille plus depuis que je suis malade. La mort de ma mère a eu cet avantage : j'ai hérité de la puante et pourrissante fortune que mon père lui avait laissé.

- Ah. Je vois un peu de quoi tu parles. Pour toi... Ça tombait bien du coup.

- Oui, j'ai calculé la somme exacte qu'il me fallait pour vivre normalement pendant un an, et j'ai donné tout le reste à des assos caritatives.

- Un an ?

- C'est le temps qu'il me reste à vivre, selon les spécialistes.

- Je sais. Ce que je veux dire, c'est... Comment le prends-tu ? Comment vis-tu avec ça ?"

Zaza sembla manquer un temps. Elle n'avait pas voulu dire si rapidement le fond de sa pensée, mais je savais depuis longtemps que cette question rôdait en elle. Elle sembla absolument confuse.
« On s'y fait. J'ai appris à vivre grâce à cette horloge intégrée en moi. »

Zaza sourit tristement, je crois qu'elle aussi savait que je pensais à "Time out".

" Alors ta maladie est... incurable, reprit-elle.

- Exactement ! Et inconnue des médecins. Agir sur les nerfs c'est comme essayer de calmer une meute de loups affamés dans un enclos à moutons. C'est peine perdue.

- Ta métaphore est horrible. »

Elle marqua un temps, sembla retenir ses larmes. Est-ce que Zaza Binchard était quelqu'un de sensible ? Elle lâcha finalement comme pour s'excuser :

« Je ne sais pas quoi dire. »

Elle qui était assise sur le bord du lit s'allongea lassement, les jambes pendant dans le vide. Elle regarda le plafond, envahie d'une profonde gêne que je distinguais très bien. Je souris à sa silhouette.

" Il n'y a rien à dire, tu es gentille. Maintenant, il faut vivre..."

Je ne me sentais pas malade. Même si j'avais mal dans mon corps, mon esprit était éveillé et battant. Je me relevai, et achevai cette partie de la discussion :

"Tiens, tu voudrais bien me rendre un service, Zaza ? J'aimerais prendre une douche... mais j'ai peur de tomber dans la cabine. Tu veux bien rester près de la porte au cas où ?

- Évidemment."

Elle se leva à son tour et m'aida à me rendre dans la salle de bain. Je m'accrochai aux murs, réussis à me relever sans trop de soucis. Je fermai la porte et l'entendis s'asseoir contre le bois du battant. Je fis couler l'eau du robinet du lavabo pour prendre à nouveau des pilules roses, puis chauffai l'eau de la douche et me déshabillai lentement, en prenant soin de chacun de mes mouvements. Soudain, par-dessus le bruit de l'eau et à travers la porte, je demandai à mon infirmière personnelle :

"Au fait... tu as un amoureux ?"

J'attendis sa réponse avant de me glisser dans la cabine. Elle eut un petit rire ironique mais heureux.

"Non. Ça fait longtemps que ma dernière relation est terminée... Mais je vis très bien seule, dans ma petite maison paumée, face à l'école et l'église. Je passe mes journées dans l'avant cours à écrire."

Je fis couler l'eau chaude sur mon cou, tandis que je réfléchissais à ses paroles. Lorsque le jet détrempa ma chevelure blonde indomptable, je ressentis cette sensation de boîte fermée, grâce à l'eau qui bouchait mes oreilles, et je continuai de penser. Je me détendis très vite. Je me sentais beaucoup mieux. Cette douche était encore meilleure que je ne l'aurais espéré. Je stoppai le jet pour me savonner. Entre les bruits de mousse, je lui lançai :

"Et tu écris vite ?

- Pas vraiment, non, répondit-elle. Je me sens constamment sous pression, c'est insupportable.

- Ah... la pression..."

Je souris sous la douche. J'avais connu ça, très longtemps. C'était désagréable. Alors j'avais décidé d'arrêter. Mais ça n'était pas si évident pour tout un chacun. C'était encore une fois mon compte à rebours qui m'avait menée sur la voie de la paix et du temps. Triste ironie, arrêter de courir après le temps, quand le nôtre est compté.

Je finis de me savonner et me rinçai rapidement. Je passai à mes cheveux, que je massai avec lenteur et habitude. Je les fis mousser avec un shampooing, un après-shampooing et un soin démêlant, puis je sortis de la douche, entourée de ma serviette rose. J'appliquai cette fois un baume de ma fabrication et entrepris de me brosser les dents pendant qu'il reposait.

"Tu chais, fis-je avec un accent de brosse à dents, je connais une rechette miracle pour ne pas chtrecher. Un ingrédient michtère mais chuper efficache.

- S'il existe, je veux bien le connaître ! me répondit-elle curieuse depuis la porte fermée.

- Il exichte !! Mais pour cha, il faut acchepter de vivre, de vivre pour de vrai."​

Please, make me dream ♪Version éditée papier♫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant