Chapitre 14-BONUS (Franck)

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LINDSEY STIRLING - Phantom of the Opera

Je jette dans le micro-onde ma boîte de pâtes au beurre de la veille. Qu'y a-t-il de pire que de bonnes vieilles pâtes au beurre ? Des pâtes au beurre réchauffées au micro-onde. Lorsque je les sors fumantes et que je les renverse dans une assiette, lorsque je m'attable enfin avec fourchette et couteau, je n'ai plus faim. Cette masse informe de spaghettis me donne autant envie chaude qu'elle me donnait envie froide. En plus maintenant le beurre n'est plus figé : il dégouline le long des courbes et des méandres que forment mes pâtes. Sans grande conviction, je fais abstraction et plante ma fourchette, avant d'enfourner une grande bouchée et de la mâcher sans plaisir.

Soudain, mon téléphone sonne. Je suis en arrêt un instant. J'ai la bouche remplie à ras-bord, et l'étrange impression que je dois décrocher à tout prix. Ni une, ni deux, je prends le téléphone, cours vers l'évier où je crache sans aucune classe tout le contenu de ma bouche, puis je décroche précipitamment :

« Allô ? »

J'écoute une femme me débiter d'un coup sa proposition, elle a vu mon profil sur Adopte un mec et me propose un rendez-vous. Ce midi. Dans une heure. Au restaurant. Mon Dieu !

Je dois emmener mon violon, elle veut me proposer quelque chose. Elle s'assure que je ne sois pas timide et je ne sais pas pourquoi, je réponds que non. Elle me demande mon nom, ma couleur de cheveux.

« Heu... Franck, et je suis brun. »

Elle dit que c'est super, elle me dit à tout à l'heure, elle raccroche. Je me retrouve là, comme un idiot, vidé de toute énergie. Nom de Dieu, il s'est passé quoi ?

Je trouve juste la force de jeter mon repas à la poubelle –non sans un vif soulagement. Je programme mon réveil et décide de m'accorder une demi-heure de sieste. Je n'ai jamais eu de rendez-vous avec une femme. Dans quelle poisse je me suis fourré ?

Je mets longtemps à m'endormir, tournant et retournant dans mes draps, fixant le plafond. Finalement, je décide d'imaginer une scène agréable et automatiquement, un corps masculin parfait se dessine sous mes yeux. Je le chasse, énervé.

*

Quand je me réveille, j'ai mal à la tête. Je prends une douche puis me prépare rapidement. J'accorde mon violon, je souffle et tourne en rond pendant dix minutes. Le restaurant qu'elle m'a indiqué est juste au bas de chez moi, j'ai l'habitude d'y aller, mais jamais avec des femmes. Cette ronde dans mon 20m² me met en rogne, je me sens en cage, énervé. Finalement, je descends de chez moi et arpente la rue avec mon instrument à bout de bras. Je rentre dans le restaurant. Jean, un des serveurs que j'adore, vient me dire bonjour avec effusion. Je sens mon cœur tambouriner dans ma poitrine et j'ai du mal à respirer. Il fait chaud, d'un coup !

« Alors comme ça, tu as rendez-vous ?

-Pardon ?

-Il y a une superbe jeune femme qui t'attend à l'étage...

-Ou... Oui, je sais. »

En fait, je l'avais complètement oubliée. Qu'est-ce que j'ai chaud ! Je dois être rouge comme une pivoine.

« Table douze. Amuse-toi bien, mon tourtereau... »

Il s'éclipse non sans laisser une tape dans mon dos, qui me rend pantois. Je monte les marches sans grande conviction. Assise à la table douze, une jeune femme aux cheveux blonds en bataille patiente en lorgnant la salle du bas. Je lui souhaite le bonjour avec un petit sourire gêné :

"On m'a indiqué votre table...

- Asseyez-vous ! fait-elle en souriant. Je régale, tenez, installez-vous, prenez la carte, voilà. Commandez ce qui vous plaira. Je m'appelle Andra.

Please, make me dream ♪Version éditée papier♫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant