Chapitre 11-BONUS (Bran)

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FAUVE – Azulejos (Version live)

Le réveille sonne, je décolle une paupière, je la referme. Sept heures. Bordel. Je me lève, traîne ma carcasse jusqu'à l'évier sale, où j'observe mon visage translucide dans le miroir, à la lampe nue et blanche. Mes dents brillent lorsque je m'entraîne à esquisser un sourire factice.

Comme tous les matins je n'ai pas faim. Je m'enfile un grand verre d'eau puis je me brosse les dents. Je me débarrasse de mon pyjama et me glisse sous le jet puissant de la douche, essayant de décimer les idées noires qui collent à ma peau et engluent mes gestes comme dans du mazout. Ça ne marche jamais. Toujours quand je sors de la cabine, elles me rattrapent et me drapent de noir.

J'enfile une tenue sobre, un jean et un tee-shirt Sea Shepherd. Je prends ma voiture jusqu'au Sexy Center où je bosse depuis quelques temps maintenant. Il n'est qu'à quelques kilomètres de chez moi et ma gueule d'ange m'a permis de décrocher facilement le job de vendeur. Ça fait bien, comme vitrine.

Je me colle derrière mon comptoir, accroche mon badge à mon tee-shirt et mes clefs à ma ceinture. Plusieurs personnes défilent, toutes plus ou moins barrées. C'est ce que j'aime dans ce travail, je croise tellement de gens bizarres. Il y a aussi des personnes tout à fait normales, mais les clients de sexshops sont rarement monsieur et madame tout-le-monde.

Tiens d'ailleurs, au bout de la file, il y a une sexagénaire à lunettes rondes qui me dévisage en se dandinant. Elle semble un peu perdue. Je finis de servir le jeune homme qui vient de me demander un conseil, redirige une femme vers mon collègue du rayon des préservatifs, propose à une autre un modèle de piercing, et je m'occupe enfin de ma grand-mère, adorable dans ses souliers en cuir lisse et ciré, sa jupe en liberty et son caraco cintré. Je lui demande :

« Que puis-je pour vous ?

-Bonjour, je cherche le rayon des couches.

-Pardon ?

-Bah c'est que vous voyez, le Raymond, il a plus toute sa tête. Alors il a besoin de couches.

-Des couches ? Attendez... De quoi parlez-vous ?

-Mais du Raymond, sacrénom ! C'est qu'il se fait dessus pauv' vieux ! Et pis comme il peut pas v'nir et que sa guimbarde est toute usée, vous savez, un peu comme lui, bah il a b'soin que j'vienne pour lui.

-Vous cherchez donc des couches troisième âge ?

-C'est c'la. Comprenez, le Raymond, l'a plus d'famille, alors comme que j'gagne plus qu'lui il m'a demandé l'aut' soir si j'pouvais pas lui rend' un p'tit service en souv'nir du bon temps.

-Madame, les couches troisième âge, c'est pas ici. C'est dans le magasin à-côté.

-De quoi ? »

J'allais répéter plus fort quand j'ai remarqué qu'une toute jeune femme s'était placée derrière ma cliente, dans la file d'attente. Elle n'était pas laide, elle avait de longs cheveux bruns qui descendaient sur ses épaules, des lunettes rondes comme celles de la femme âgée qui me faisait face, mais avec des verres teintés en rose. Avec sa robe moulante et son regard de travers, j'ai tout de suite compris ce qu'elle fichait là. Encore un pari stupide de copines.

« Madame, vous n'êtes pas dans le bon magasin ! On ne fait pas de couches, ici.

-Ah, c'est très embêtant ! Mais où est-ce que je pourrais en trouver ?

-Je pense que vous en trouverez chez Auchan, vous sauriez aller jusque-là ?

-Jusqu'où ?

-Bon, je vais vous faire un plan, tenez. Vous êtes là... »

Please, make me dream ♪Version éditée papier♫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant