Chapitre 8-Grégoire (Andra)

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TELEPHONE – Le chat

Je la vois descendre lentement l'escalier en bois, s'accrochant à la balustrade, dans son pyjama poilu à l'effigie de Totoro. Elle se passe une main sur le visage, regarde autour d'elle et hume l'air ambiant, se demandant sûrement quel plat intrus dégage dans son appartement une si bonne odeur. Ses cheveux noirs et carrés sont ordonnés selon cette bataille de la nuit dont le champ au petit matin laisse gentiment à désirer ; en clair, elle a une mine relativement désastreuse. Pourtant, malgré sa tête de déterrée, elle sourit. Elle me remarque d'un coup et finit de descendre l'escalier : je peux presque entendre son ventre gargouiller d'ici. Le soleil qui entre par l'immense baie vitrée réchauffe la pièce de sa lumière de printemps.

J'ai préparé tout un petit déjeuner anglais, avec des œufs, du bacon, du chocolat, du thé, des gâteaux, des craquottes, du fromage, des muffins, de la confiture, de la salade, du saumon fumé, et même une grande casserole de soupe thaï. Elle s'assoit à table, dévorant déjà le tout des yeux. En vainqueur, je déclare :

"Un bon jour et un bon appétit !"

Elle me sourit respectueusement, émerveillée.

"Bah... fait-elle, où tu as trouvé tout ça ? Dans mes placards ?

- Ça, je ne risquais pas !! Je suis allée à la supérette. D'ailleurs je t'ai acheté de la Mort aux rats, tu en as partout. Il est déjà quinze heures, j'ai même eu le temps de faire cette petite soupe, un délice."

Elle fronce son petit nez fin en m'entendant parler des rats, je devine qu'elle les a en horreur et préfère les oublier plutôt que de chercher à exterminer la vermine. Finalement, elle décide d'honorer ma soupe en commençant son repas par un grand bol, et elle ne le regrette pas. Elle en redemande même.

" Merci, Andra. Pour hier soir, et pour ce matin... tu rends ma vie poétique ! "

Cette remarque me fait sourire. Elle attaque à pleines dents son sandwich de pain, saumon, bacon, beurre et œuf. Je me ressers de la soupe.

"Tu t'es levée à quelle heure ?

- Dix heures. Le soleil est entré par la fenêtre, et sa délicieuse lumière m'a jetée hors du lit. D'ailleurs, un chat affamé a apprécié que je me lève plus tôt que toi, glissai-je en riant.

- Grégoire !!"

Elle en tombe de sa chaise et se précipite vers le canapé, où l'énorme matou rayé de brun et roux ronfle, assommé par la quantité astronomique de croquettes qu'il a avalées. Elle se jette sur lui et le porte à ses bras, l'embrassant partout, demandant à la boule de bowling son pardon. Le matou lui lèche le nez et ronronne, et Zaza semble prête à pleurer de joie. Le chat obèse finit par s'échapper de son étreinte tendre et passionnée de jeune mère pour aller se vautrer au soleil, devant la baie vitrée. Ce chat est sa lèse-majesté sur son trône canapesque. Zaza, à ses pieds, n'est que l'humaine à ses petits soins qu'il faut châtier pour désobéissance. J'entame une tartine de chèvre au miel et demande :

"Pourquoi Grégoire ?

- Un amour de jeunesse.

- Attends... LE Grégoire ? Celui qui chante "Toi+Moi" ? »

Son mutisme répond à ma question, je pars d'un grand rire. Elle a osé appeler son chat comme ce chanteur à nénettes ? J'en ris de bon cœur. Elle finit par rire aussi et demande :

"Est-ce que ce pauvre matou part avec un handicap dans la vie, s'il s'appelle Grégoire ?

- Certainement ! Le pauvre, pauvre chaton..."

Justement, le chaton en question essaie de grimper sur mes genoux. Je l'aide à bouger ses kilos en trop et reprends, plus sérieuse :

"Mais je pense que le pire handicap de sa vie de chat, c'est sa boulimie.

- Ah ! Grands Dieux ! Tu parles comme le vétérinaire !"

Cette fois, on rit en même temps. Pourtant, je ne lâche pas l'affaire, m'adressant adroitement au chat :

"A partir de demain, c'est la diète sèche, espèce de boule de gras !

- Oh non, tu es cruelle !

- Je vais lui permettre de gambader dans cette magnifique campagne, de chasser des oiseaux et de vivre plus longtemps. Hein, Greg ?"

Le ronronnement dudit Greg fut au moins perceptible jusqu'à Castres.

Zaza continua d'engloutir son repas et je déclarai :

"Ton tourtereau d'hier soir a trouvé ton Facebook. Ton ordi a pas arrêté de sonner depuis que je suis levée. Ah ! Que je suis contente de ne pas avoir Facebook.

- Oh merde !! Je ne me souviens même pas de son nom.

- Kim. Tu as pas arrêté de m'en parler sur la route du retour...

- Et je t'ai dit comment s'est terminée notre soirée ? Parce que je ne m'en souviens pas non plus...

- Ahlala ! Vivement que tu tiennes mieux l'alcool, ma chère. Tu as refusé de lui donner ton numéro et tu es partie en courant dès que tu as été rhabillée. Tu as enfin daigné répondre à ton portable et tu as enfin compris que je t'attendais à la voiture. Et on est rentrées. Voilà !"

Je lui souris gentiment, elle semble vraiment avoir oublié.

"Zaza, fais-moi plaisir, la prochaine fois, bois un verre de moins."

Elle ne m'entend même pas, elle a le regard complètement vague. Je la secoue. Elle finit par revenir et me répond :

"Je reviens de suite, je vais voir ce qu'il me veut."

Elle quitte le salon, un peu hagarde.

Please, make me dream ♪Version éditée papier♫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant