Le château respirait profondément, animé par les âmes qui hantaient ses sombres couloirs. Aucune ne connaîtrait le repos. Le Roi devait tellement apprécier la compagnie fantomatique de ceux qu'il avait torturés qu'il ne leur autoriserait pas l'éternel repos tant qu'il ne l'aurait pas lui-même.
La présence de Jedrek vadrouillant dans les couloirs suffit à distraire les gardes qui ne me virent pas me faufiler dans les ombres, toute habillée de noir, un sac à la main. Bande d'idiots.
Le hall était vide si ce n'était pour les deux gardes adossés au mur autour des immenses portes d'entrée. Ils ne jetèrent qu'un bref coup d'œil à leur Capitaine, les yeux à demi-ouverts. Je me glissai vers les sous-sols, longeant étroitement les flaques de nuit profonde laissées par les torches.
Les escaliers étaient plongés dans le noir, humides et glissants. Jedrek saisit une torche pour nous guider, par rattrapant le coude lorsque je dérapai.
- Merci, soufflai-je.
Il ne dit rien, se contentant de continuer à descendre. Je le suivis dans l'interminable escalier en colimaçon qui descendait toujours plus profond dans le cœur de la terre. L'air était moite, lourd, sentait le moisi. Je fronçai le nez, dégoûtée.
Plus nous avançâmes, plus l'odeur devint forte. J'en eu la nausée. La moisissure se mêlait à la mort, au sang, à la rouille. Je n'avais jamais rien senti de pire. Rien que respirer un air aussi vicié devait être une torture pour les prisonniers.
- C'ptaine ! lança un garde, levant son verre. Qu'est-ce que vous venez faire ici ? La pute du Prince dort déjà
Je serrai les dents. La pute du Prince ? C'était ainsi que j'étais vue ? Tout le monde pensait-il que j'étais aussi facile ? Que j'étais une prostituée ?
Le garde en question ne dut son salut qu'à Jedrek qui me poussa discrètement d'un coup de coude. J'émis un sifflement agacé qui fut étouffé par sa réponse. Je ne m'en préoccupai pas, préférant sauter de tache noire en tache noire, avançant vers les différentes cellules.
Jedrek m'avait dit dans quelle cage le Roi avait fait enfermer son fils. La plus éloignée, à l'écart des autres. Il ne m'avait pas dit plus que cela. Il n'était probablement pas au courant.
Une fois les premières allées passées, les gardes ne furent plus un problème. Les prisonniers, par contre, c'était une autre histoire. Il émanait d'eux une odeur de putréfaction et de vomi tout à fait écœurante mais ça ne les empêcha nullement de crier, de supplier.
- Fermez-la, bande d'animaux ! beugla un garde. Vous êtes pas près de sortir d'ici !
Je profitai de l'agitation pour courir jusqu'aux dernières cages. L'odeur était tout simplement atroce. Je plaquai une main sur ma bouche pour ne pas vomir.
Un mouchoir apparut soudain devant mon nez. Jedrek en avait déjà un noué à l'arrière de sa tête qui lui couvrait le nez et la bouche. Je fis de même, le laissant porter mon sac quelques secondes. Il me le rendit dès que le mouchoir fut noué.
Le fin tissu ne parvint à filtrer totalement l'air mais ce fut légèrement plus supportable.
La dernière cellule apparut, plongée dans le noir. La torche de Jedrek fit gémir la personne recroquevillée sur le lit. Je vis un étalage de peau écorchée et sale, un pantalon souillé et déchiré. Le Prince était dans un très sale état.
Jedrek récupéra les clés qui pendaient à sa ceinture. Il en prit une qui ouvrit la porte dans un cliquetis qui résonna dans le couloir vide. J'entrai dans la cellule. Il glissa la torche dans une encoche dans le mur, illuminant le corps ravagé par les coups de fouets du Prince. Je posai mon sac et m'agenouillai près de lui, posant une main sur son épaule.
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L'Assassin du Roi (Le Grand Royaume #1)
FantasiaDepuis son enfance, Sixtine attend ce jour. Elle entre enfin à la Cour du Grand Royaume comme gouvernante de la Princesse Addy. Elle se rapproche du but de sa vie : tuer le Roi pour venger l'assassinat de sa famille. Mais assassiner un Roi n'est pas...