Lundi 30 novembre. 07:19
_ J'ai loupé mon bus.
Elle était debout, appuyée contre un panneau. J'aurais pu croire qu'elle se parlait toute seule (cette fille est tellement bizarre) mais sans qu'elle ne prononce mon nom ni me regarde, je savais pertinemment que c'était à moi qu'elle parlait.
_ Et alors ? Tu crois quand même pas que je vais l'attendre avec toi ?
_ Non.
_ Bon bah qu'est-ce que tu me veux encore ?
_ Ca avance avec elle ?
_ Non.
_ Tu continues d'essayer ?
_ Tu continues de me croiser tous les matins non ?
_ T'as jamais pensé à tourner la page ?
_ Non. J'ai pas envie.
_ Pourtant plus elle te fait du mal et moins tu pourras le rattraper.J'étais tenté de répondre un « De quoi tu te mêles ? » mais j'étais intrigué parce qu'elle voulait dire.
_ Comment ça ?
_ Plus elle te blesse et plus elle tue quelque chose en toi. Son silence ou son ignorance, ce sont des coups. Et plus elle t'ignore ou se tait, plus ça affaibli cette partie de toi. Et plus cette partie est blessée, plus c'est dur de la guérir.Je me tais un instant.
_ Tu sais pas de quoi tu parles, répondis-je parce que je préférerais mourir que d'avouer à cette fille qu'elle avait raison et d'avouer tout court que Laura me rendais faible. Du haut de tes quinze ans, tu penses connaître quoi de tout ça ? J'en ai vingt, alors tes leçons de vie tu ferais mieux de les faire à quelqu'un d'autre.
_ J'en ai dix-huit. Sa voix était toujours la même : calme et douce, même quand mes paroles étaient acerbes et que j'étais le plus abject que je le pouvais. Et je te dis ça comme ça moi, tu fais ce que tu veux. Elle se tut un court instant avant de reprendre : Mais j'ai fini par apprendre ça, parce que j'ai dû vivre plus de choses que tu ne veux bien l'imaginer.A vrai dire, j'étais choqué. Pas parce qu'elle a l'air d'avoir eu un passé difficile alors que maintenant elle passe sa vie à sourire... Non, juste parce que j'étais persuadé qu'elle ne pouvait pas avoir plus de seize ans. Déjà dix-sept elle ne les faisait pas. Alors la majorité ? Du haut de son mètre soixante et de son visage d'enfant ?
Comprenant ce qui me tracassait elle soupira. Puis elle fouilla dans son sac et en sorti un portefeuille rose, de la même couleur que son sac et de son écharpe. Une enfant je vous dis. Puis elle en sortit sa carte d'identité.« ILYSIA Rose
Née le 03/12/97 »_ Ah ouais.
Elle rangea sa carte et replaça son sac sur ses genoux. Moi, plus que sa date de naissance, j'avais retenu son prénom. « Rose ». Je crois qu'aucun autre prénom au monde n'aurait pu mieux lui aller. Son allure de petite fille minuscule et fragile, sa façon d'être, tout douce et calme, ses paroles censées. Et la couleur de son sac et de l'écharpe qu'elle ne quitte jamais. Rose pâle.
_ Enfin, pas tout à fait. Souriais-je pour la taquiner, parce que j'aimais bien avoir raison.
Ca la fit sourire aussi, et à cet instant je me retrouvais presque attendri.
_ OK, j'avoue moi aussi j'ai pas encore vingt ans. Mais je les aurais bientôt quoi.
_ Tu les auras quand ?
_ Vingt-deux janvier.
_ Mais t'as encore plus triché que moi !Je ne sais pas pourquoi, elle me faisait sourire. Peut-être parce que le sien était contagieux. Puis à cet instant, son bus arriva et elle tourna la tête vers moi.
_ Finalement, t'auras attendu avec moi... Merci Ethan.
Depuis Laura, plus personne n'avait prononcé mon prénom comme ça.
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Street Hello
RomanceEt le problème, avec ces garçons renfermés c'était que quand ils laissaient leurs barrières tomber, ils ne le faisaient qu'une fois. Et cette fois, Ethan l'avait déjà donnée.