Chapitre

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Mardi 1er décembre. 07:25 AM.

Elle avait ouvert sa porte. Après des semaines, elle avait enfin ouvert sa porte.

J'étais en train de glisser ma lettre du jour dans la fente de sa boîte aux lettres, quand je sentis un regard sur moi. Je détournai la tête et restai bouche bée devant le corps de Laura, appuyé contre le chambranle de la porte, me regardant sans un mot. Je laissais le rabat en fer gris se refermer bruyamment, seul bruit perturbant le silence qui c'était abattu. Nous sommes sûrement restés cinq minutes à ne pas se détacher du regard, comme si le temps c'était figé. Elle battait quelques fois de ses longs cils, son regard ne quittant pas le mien. J'avais l'impression de jouer à celui qui tiendrait le plus longtemps et je sais à quel point elle est forte pour ça. Seulement moi cette fois, je n'avais pas l'intention de perdre, comme si elle s'enfuirait dès le premier clignement de ma part, dès la moindre demi-seconde où je la perdrais du regard.
Et je me suis promis de ne plus jamais la perdre.

_ Il faut que tu arrêtes, dit-elle finalement sans pour autant lâcher mon regard.

Et quelque chose s'est brisé en moi au même instant. Quelque chose dont je n'avais pas conscience, quelque chose que je n'avais jamais senti en moi. Mais elle me l'avait enlevé, encore quelque chose qu'elle me prenait. Petit à petit, elle prenait chaque partie de moi, elle finirait par me tuer c'était certain. Et cela me fit penser aux paroles de Rose. Elle n'avait pas dit quelque chose du genre « Plus elle te blesse, plus quelque chose meurt en toi »... « ...Et plus cette chose est blessée plus il est dur de la guérir » ? Oui, quelque chose comme ça.

_ Je ne sais pas quoi faire pour que tu comprennes... Je-
_ Non. Je ne sais pas quoi faire pour que tu comprennes. Je ne sais pas comment faire pour te prouver que je t'aime plus que n'importe qui ne pourra t'aimer sur cette Terre. Je ne sais pas comment te faire comprendre que peu importe ce que tu me demandes de faire, je le ferais pour te récupérer. Je pourrais me jeter sous une voiture pour te sauver, t'aider ou juste te plaire. Tu ne peux pas me rejeter, du jour au lendemain, pour quelqu'un d'autre que tu as trouvé. Tu ne peux pas m'ignorer, tu ne peux pas balayer tout ce qu'on a vécu.
_ Mais Ethan ! Toi, tu ne comprends pas que tu ne me récupéreras pas ! Je suis heureuse aujourd'hui, avec mon nouveau petit-ami et même si... Même si tes lettres étaient les plus belles du monde et ton amour le plus fort que tu n'aies jamais éprouvé, moi... Moi j'avais besoin d'autre chose, et j'ai l'impression de le trouver aujourd'hui...

D'un coup, sans prévenir, une larme dévala sa joue. Une autre la suivit mais elle s'en débarrassa aussi sec. J'avais envie de m'avancer, de la serrer dans mes bras et de la rassurer. J'en crevais d'envie, mais je savais qu'elle n'en voulait pas. Elle ne semblait pas triste. Elle avait cet air que les filles à bout ont, les filles qui en ont marre de retenir trop de choses en elles. Et je ne pouvais plus la rassurer sur ses doutes, ses angoisses. Ce n'était plus mon rôle. A cet instant, j'étais même celui qui la faisait pleurer. Et elle pleurait, non pas à cause de moi, mais pour moi.

_ S'il te plaît, tourne la page. Elle renifla. Tu verras, tu y gagneras tant de choses... Tu en retrouveras, une fille capable de t'aimer mieux que moi, qui t'aimeras plus fort que ce que je ne t'ai jamais aimé, celle qui tombera amoureuse de toi dès la première fois qu'elle te verra. Quand elle arrivera, ne la laisse pas passer pour moi, je t'en prie. Je n'en vaux pas la peine. Ne fais pas tous ces efforts pour moi, je ne saurais pas les récompenser, ne m'aime pas, je ne te le rendrais jamais, arrêtes. Je suis désolée, mais j'y suis pour rien. J'aurais aimé que ça se passe autrement, je suis pas une garce tu sais ? Bien sûr que je savais. Mais... C'était pas ma faute Ethan.

Et elle referma la porte.

_ Je t'aime Laura.

La dernière image que j'aurais d'elle, ce sera son visage rempli de larmes que je ne pouvais pas effacer.
La dernière phrase qu'elle aura prononcé pour moi, ce sera des excuses, confirmant mes plus grandes peurs.
La dernière fois que l'aurais vu, ça aura été un premier décembre.

Et contrairement à ce qu'elle me demandait, je ne cesserais jamais de l'aimer, comme je n'aimerais jamais personne d'autre un millième comme je l'aime.

Avant de retourner chez moi, je sortis la chaînette dorée de la poche de ma veste en cuir, récupérée il y a quelques jours. Il était temps de lui rendre, alors ce fut la dernière chose que je glissai dans sa boîte aux lettres. 

Street HelloOù les histoires vivent. Découvrez maintenant