Chapitre 9

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Mardi 1er décembre. 18:13 PM

_ Hey... Ca n'a vraiment pas l'air d'aller toi.
_ Qu'est-ce que tu fous ici ?
Râlais-je, d'une humeur des plus acariâtres.

C'était la première fois que je la croisais à une autre heure que sept heures dix-neuf.

_ Bah... Je rentre de cours là. Et toi, tu fais quoi ici ?

Mais on était toujours au même endroit. Elle s'assit à mes côtés, sur le banc de l'abri bus.

_ Ah ouais, tu finis tôt aujourd'hui.
_ Il est dix-huit heures Ethan...

Elle soupira, et je me demandais pourquoi les filles prononçaient toujours mon prénom lorsqu'elles me parlaient. Enfin, je crois qu'elles le font toutes. Laura et elle comptent pour tout le monde en fait.

_ Alors ça fait longtemps que j'suis ici à rien faire.

Enfin, rien faire c'était vite dit. Ca faisait surtout longtemps que je repensais à la conversation que j'avais eue il y a quelques heures avec Laura. La tristesse remplissant le bleu glacé de ses yeux, son visage légèrement bronzé encadré de grosses boucles blondes et son t-shirt « Whatever people say I am, that's what I'm not ».

_ Pourquoi ici ?
_ Franchement ? J'en sais vraiment rien.
_ Ca te dérange si je reste ?

J'haussai les épaules. J'avais envie d'être seul, mais d'un autre côté j'en avais marre de l'être. Alors qu'elle fasse ce qu'elle veut, ça reviendra au même pour moi.

_ Tu veux pas en parler ?
_ Il n'y a rien à dire.
_ Tu sais, parfois la plus dure des solutions est aussi la meilleure à prendre...
Commenta-t-elle en remontant ses jambes sur le banc, s'asseyant en tailleur.
_T'en as beaucoup des phrases comme ça ?
_ Ouais, mais c'est pas des citations. C'est juste ma manière de parler.
_ T'as jamais pensé à la carrière de nouvelle Shakespeare ?
_ Des fois, ce serait cool si t'étais plus affable.
_ Je sais pas l'être.
_ Menteur,
sourit-elle mais cette fois son sourire ne me fit pas sourire en écho.

Je ne répondis pas et déposa une cigarette entre mes lèvres pour tâter les poches de ma veste en cuir à la recherche d'un briquet.

_ Avant que tu ne me demandes du feu, non je n'en ai pas. Je serais plus tentée par la paire de ciseau, pour te la couper en deux et t'empêcher de fumer cette crotte.
_ C'est pas tes oignons.
La remballais-je, toujours aussi amène.
_ C'est vrai. Elle se tut un instant, avant de reprendre naturellement. Moi j'aimerais bien savoir quand même.
_ Savoir quoi ?
_ Pourquoi tu as l'air si triste aujourd'hui...
Elle jouait avec sa coque de téléphone rose, une petite moue malheureuse peinte sur son visage. C'était assez bizarre de la voir comme ça, ça lui correspondait mieux de sourire. Et pourtant, elle était mignonne quand même avec sa lèvres inférieure ressortie et les coins de sa bouche tirés vers le bas. Je sais que tu vas me dire que ça me regarde pas, soupira-t-elle en me demandant de ne pas me fatiguer à le lui répéter.

Mais en fait, j'avais envie de la garder un peu à mes côtés ce soir.

_ Pourquoi ça t'intéresse ?
_ Je sais pas... elle réfléchit. En fait, si. C'est la première fois que je vois un garçon s'investir autant pour une fille, l'aimer à ce point et essayer de lui prouver chaque jour comme ça... Quelqu'un d'aussi opiniâtre, bien décidé à la faire changer d'avis coûte que coûte... Et je t'ai vu chaque jour, trouver quelque chose de nouveau encore et encore, pour lui décrocher une deuxième chance... Et continuer sans jamais avoir de retour, alors oui. Ca m'intrigue, et franchement ça me fait un peu rêver.
_ Ca te fait rêver ?
Répétais-je, le sourire naissant sur mes lèvres.
_ Oui, enfin... Je me comprends.
_ Moi aussi je t'ai comprise.

Et quand elle me sourit à cet instant, en me regardant droit dans les yeux, c'est comme si les paroles de Laura quelques heures plutôt avaient pris tout son sens. 

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