Rose avait comparé ma séparation avec Laura comme un deuil, avec les sept étapes à passer. Aujourd'hui, les psychologues pourraient estimer que j'ai franchi ces sept étapes et que j'en ressors, pas tout à fait indemne mais plus fort. Ils diraient que ma manière de tourner la page, c'était de revenir dans le passé. Comme si elle n'avait jamais existée, reprendre ma vie là où elle s'était arrêtée, c'est-à-dire avant que je ne rencontre Rose. Je m'étais remis avec mon ex-petite-amie, celle avec qui j'étais avant que Rose n'arrive.
Et pourtant, je sais que malgré toutes leurs argumentations, que malgré tous leurs termes spécifiques et scientifiques, certifiant que ma santé mentale en ressortait totalement guérie, ils négligeraient une très grande partie. Quand bien même ils admettraient qu'il m'en reste quelques séquelles, ils ne se rendraient pas compte de la gravité de celles-ci.
Jamais je n'aurais cru m'attacher à quelqu'un plus qu'à Laura. Jamais je n'aurais pensé souffrir plus. Et pourtant, après deux ans je ressens toujours le même vide, cette fêlure causée par son décès. Le même manque, les même souvenirs chaque jours. Des larmes que je cache encore et enfoui dans mon oreiller quand je suis seul, et que j'aurais besoin qu'elle me dise que tout ira bien. Le mal que j'ai à aller de l'avant, à marcher dans ses rues quand je sais qu'elle n'y est plus. Et même si l'idée que cette ville puisse continuer d'être ce qu'elle est sans Rose, je n'ai jamais accepté de déménager malgré le nombre de fois où Laura me l'a proposé.
Et j'ai toujours refusé de me séparer de quoi que ce soit qui me retenais encore à elle.
La chose la plus importante de mon monde désormais, c'était ma mémoire. C'était la chose que j'essayais de garder, parce que c'était la seule trace que j'avais de Rose. Ma seule preuve qu'elle avait existé, avec une boîte à chaussures où j'ai rangé les quelques choses matérielles qui nous ont liés – pour faire dans l'originalité. J'avais gardé le mot qu'elle m'avait écrit.« Etape 6 : L'acceptation. Validé.
Etape 7 : La reconstruction. En cours.
Tout ce qui doit arriver arrivera. »Et elle ne s'imaginait pas qu'aujourd'hui ces mots signifieraient tant de choses, plus que ce qu'ils étaient censés signifier lorsqu'elle les a écrit.
Je me donnais le courage de vivre en repensant à elle, en pensant à ce qu'elle me dirait si elle était là. Je pense constamment aux phrases qu'elle inventerait pour me redonner le sourire, et j'avais son écriture dans la tête qui disait « Tout ce qui doit arriver arrivera. ». J'avais ces paroles dans ma mémoire que je me passais en boucle tous les soirs pour ne jamais les oublier. Ces quelques instants gagnés, volés au temps que je garde pour moi dans les moments où le manque devient trop présent. Ce que les psychologues ne prévoient pas, dans les sept étapes du deuil, c'est que certaines personnes ne parviennent jamais à se relever, et ne parviennent jamais à la septième et dernière étape. Alors ils commencent à entrer dans une spirale, un cercle vicieux qui recommence depuis le début. Quand l'idée que Rose ne fait plus partie de ce monde arrive à mon cerveau, quand je crois enfin m'en rendre compte et l'accepter, quand les mots « Rose est morte » résonnent dans ma tête, je subis le même choc que la fois où je suis arrivé devant chez elle, le jour de son accident. Alors je recommence, avec le déni. Je retourne à l'arrêt de bus et j'attends des heures, comme si c'était possible qu'elle débarque d'un coup, un grand sourire en me demandant seulement « Je t'ai manqué ? » comme dans un film où on finirait ensemble et mariés. Puis je me mets en colère contre moi, parce que je n'ai pas voulu profiter de ce qu'on me donnait. J'ai tout gâché. Et je me sens coupable et triste. Alors Laura intervient, et m'aide à me résigner.
Mais ça ne finit jamais, parce que je n'accepte jamais.
Je pourrais refaire ma vie avec Laura, qui a été celle que j'ai toujours voulue. La fille de mes rêves comme des mes cauchemars, qui hantait mon esprit constamment et pour qui j'aurais déplacé des montagnes. Mais je savais que j'avais tout donné à Laura, en étant persuadé que jamais je ne pourrais vivre un plus fort amour. C'est en perdant Rose, que j'ai compris que j'avais été ridicule de persister à lui refuser tout ce qu'elle méritait pour le mettre de côté pour une autre. Laura ne m'aime pas comme Rose m'aimait. Et je n'aime pas Laura comme j'aimais Rose.
Mais ensemble, on se complète. Peut-être que je n'avais pas tort sur toute la ligne, on était faits pour finir ensemble.
Certaines histoires n'ont pas de fin heureuse. Pas même un début ou un milieu heureux. Certaines histoires sont tristes, du début à la fin. Et d'autres comme celles-ci, ne sont ni tristes ni heureuses. Elles sont réelles.
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Street Hello
RomanceEt le problème, avec ces garçons renfermés c'était que quand ils laissaient leurs barrières tomber, ils ne le faisaient qu'une fois. Et cette fois, Ethan l'avait déjà donnée.