Chapitre 11

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Jeudi 3 décembre. 07:19 AM.

J'attendais assis sur ce banc, le vent encore plus froid que d'habitude se faufilant sous ma veste. J'étais partagé entre ma mauvaise humeur, mon côté grognon qui me demandait qu'est-ce que je foutais ici, à l'attendre. Cette fille sans importance. Et cette autre partie, un peu plus optimiste, heureuse à l'idée de revoir son doux visage. Cette fille qui a toujours essayé de m'aider, avant même de savoir mon prénom.

_ Bonjour, Rose. Dis-je en insistant sur mes mots, dès lorsqu'elle arrive à ma hauteur.

Elle relève la tête vers moi, et son expression surprise se transforme petit à petit en réjouissance, un immense sourire fendant son visage. Je commençais à m'habituer à tout ça.

_ Qu'est-ce que tu fais là ? Me demande-t-elle, sans parvenir à cacher sa joie.
_ Je viens te demander pourquoi tu as comparé ma séparation avec un deuil.
Je savais que sous cette intonation un peu désagréable et sans ambages, elle n'avait prêté attention qu'au fait que j'étais venu pour la voir.
_ Parce que, tu es passé par les mêmes étapes.

Aujourd'hui, elle portait une robe. Elle était jolie, elle était rose. Je me demandais pourquoi elle tenait tant à cette couleur, si ça venait de son prénom. Est-ce que si elle s'était appelée Bleue elle aurait toujours été habillée en bleu ? Ou si elle s'était appelée Souris elle aurait collectionné les figurines d'animaux ?
Je m'égarais du sujet, et de la conversation. La vérité, c'est qu'elle était vraiment jolie, avec sa peau lisse et blanche, ses lèvres roses, son sourire extraordinaire, ses prunelles presque noires et ses oreilles minuscules. Enfin, tout était incroyablement minuscule chez elle, de sa taille d'enfant à ses chaussures guère plus grandes que du 36. Et avec ses longs et fins cheveux bruns lui retombant presque à la taille, elle était incontestablement l'une des plus belles filles de ce monde.

_ Tu l'as perdu, mine de rien. Elle n'est pas morte mais elle est partie quand même, et sur certains points, c'est encore plus douloureux. Parce qu'au moins, on se dit qu'on a une chance de se rattraper, de lui dire « Je t'aime » et de le lui prouver. Mais elle est là, et elle ne t'écoute pas, t'ignore. Et rien ne blesse plus l'ignorance, surtout quand elle vient d'une personne chère. Alors tu as eu une longue période de déni, un peu mélangée à ta colère. Puis une grande tristesse, quand tu t'es rendu compte que c'était perdu. Encore plus grande que ce qu'elle n'était déjà. Jusqu'à la résignation, l'abandon. Et l'acceptation du fait qu'elle ne reviendra plus dans ta vie, expliqua-t-elle comme si elle connaissait ma vie par cœur.
_ Rose ?
_ Ethan ?
_ Comment est-ce que tu peux dire ça ? Et pourquoi est-ce que tu essaies de m'aider ?
_ Parce que je m'y connais un peu, c'est tout. Et que je n'aime pas voir les gens souffrir. Et être malheureux alors que le monde est beau, quand on le regarde différemment.
_ Et qu'on le regarde comment ?
_ Je sais pas moi. La tête à l'envers ? Avec des lunettes de soleil ? D'un autre angle ? Ou... Ah non, je sais. En prenant de la hauteur. Quand on s'éloigne, qu'on va très très haut, on prend de la distance avec tout et on prend conscience des choses. Et on se dit qu'à la fin tout finira forcément bien. Que si aujourd'hui tout ne va pas bien, alors c'est que ce n'est pas la fin. Et on se rend compte de la chance qu'on a, et du bonheur qu'on pourrait avoir.
_ T'es pas trop chiante comme fille, toi.

En fait, c'était un remerciement camouflé. Même caché sous terre, invisible. Le souci, c'était qu'aujourd'hui en le regardant dans les yeux, ce n'était pas ce qu'elle ressentait elle qui me rebutait. C'était ce que j'avais ressenti moi qui m'avait renfermé. Je sortis une cigarette et m'éloigna, la laissant.

PWYy

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