Il ne restait plus que nous deux dans cette salle; ma tête posée sur ses genoux, sa main sur ma joue, et cet étrange silence, qui du moins n'était pas désagréable.
Tout en la regardant, je repensais à tout les évènements qui venaient de se passer à une telle vitesse. Le fait que Erza soit revenue m'avait rassuré, mais je n'étais pas totalement tranquille, elle aurait pu s'en sortir, mais elle a fait le choix de revenir.
Nous ne parlions toujours pas, même si j'avais envie qu'elle m'explique tout ce qu'il s'est passé à Brekville. Cela fait au moins dix bonnes minutes que nous nous fixions.
Une femme en combinaison bleu, fît éruption dans la pièce. Elle semblait hésiter, puis finalement s'approcha et saisit Erza par le bras puis commença à l'emmener vers la sortie. Je criai son nom.
- Nous allons seulement lui faire quelque tests, répondit la femme. Elle revient de Brekville; nous devons nous assurer de sa santé.
Erza me lança un dernier regard, puis la lourde porte de fer se referma.
Je me laissai m'écrouler sur le carrelage froid; ma tête heurta le sol, puis un bruit sourd raisonna.
La faible lumière du néon accroché au plafond grésillait et rendait l'atmosphère lugubre.
Je réalisai alors ce que l'on venait de me faire subir; je venais de ressentir ce que c'était d'avoir l'Orpha. Je venais de ressentir ce que c'était d'être un contaminé.
Perte totale de contrôle, le vide complet, et surtout cette haine qui s'emparait de tout mon corps.
Je plaçai mes deux mains sur mon torse, et regardai mon ventre se soulever à un rythme régulier. Je repensais à tout, à ma vie d'avant.
Tout avait basculé si vite. Cette journée où ces hommes étaient venu nous faire des tests, et m'avaient emmenés ici, tout cela semblait remonter à des mois.
Je n'avais même plus la notion du temps, je ne savais même plus depuis combien de temps j'ai été emmené ici, au camp.
Tout ces gens qui se trouvent ici, sont jugés différents car ils sont immunisés.
Je ne sais pas ce que Mark et ses hommes cherchent, ni quel est leur but.
Et maintenant, que va t-il se passer ?
Je m'appuyai sur mes coudes, et me relevai à moitié;
Je repensais à notre fuite vers Brekville, pourrions nous vraiment recommencer ?
Je n'ai même pas eu le temps d'écouter les explications de Erza à propos de Dereck.
Le silence durait toujours, c'en était presque inquiétant. Je me levai, et m'approcha de la table où j'étais attaché quelques heures auparavant.
Je passai lentement mes doigts sur les sangles de cuirs tachées de sang.
Ce sont des monstres, encore plus fous que ces contaminés.
Je me dirigeai ensuite vers la grande armoire de fer située dans un coin de la pièce. J'hésitai quelques secondes, puis l'ouvrit d'un coup sec.
Sur chaque étagère se trouvait des petits échantillons rougeâtres étiquetés.
Des prénoms.
Seulement quelque uns comportaient une croix. Qu'est ce que cela signifiait ?
J'en saisit un.
Erik, une croix. Je le retournai, un numéro y était inscrit.
Mon coude heurta un autre flacon que je rattrapai au vol.
"Sym".
Je rapprochai le tube de verre pour l'observer de plus près.
Pas de croix.
Je fit tanguer le flacon vers la gauche pour regarder le liquide rougeâtre couler.
Un frisson me parcourra le dos. Pris de panique, je commençai à fouiller partout pour trouver un échantillon à mon nom.
Malencontreusement, j'en fit tomber un. Le flacon se brisa, et le liquide gicla sur ma chaussure.
Je m'accroupis et passa mon doigt dessus : du sang.
Un bruit sourd raisonna, puis des éclats de voix; cela venait de dehors.
Abasourdie, je me remis sur pieds maladroitement, et glissa un flacon dans ma poche.
Je m'approchai de la porte, et la poussa doucement. Cependant, j'hésitais à la franchir.
Le calvaire que je venais de vivre, je n'avais aucune envie de le recommencer.
Mais le nouveau cri qui éclata, me décida enfin à passer de l'autre côté de cette porte.
Je marchais dans la couloir, mes pieds traînaient par terre, j'étais à bout de force. Je suivais les hurlements.
Cette voix, je l'aurai reconnu entre milles; il s'agissait de celle de Mark.
J'accélérais alors mes pas, me retrouvant ainsi face à une baie vitrée.
Mark se trouvait là, giflant un homme à plusieurs reprises.
Celui-ci se releva et je reconnu aussitôt les yeux clairs de Kaleb.
Je me baissai et regardais furtivement la scène qui se déroulait sous mes yeux.
Mark hurlait de plus en plus fort; des frissons parcouraient mon corps quand Kaleb s'en prenait une.
Mark s'approcha à ras de son visage, rougis par les coups.
- Je n'ai pas dissimulé la véritable identité de mon putain de fils pour qu'il se comporte ainsi !
Deuxième gifle.
- Tu te rends comptes de ce que je risque en te cachant ?!
Troisième.
Kaleb restait de marbre, le nez en sang.
Il se contentait de fixer le mur en face de lui, le regard perdu dans le vide.
Mark s'agenouilla à terre, le regarda longuement, puis mit sa tête entre ses mains.
- Pourquoi ? Pourquoi il a fallu que tu naisses immunisé ?
À ce moment précis, je reculai et manqua de tomber.
Kaleb se retourna comme un automate, nos regards se croisèrent durant une fraction de secondes.
Mark se releva lentement et vit Kaleb me fixer.
J'étais tétanisé. Il savait que je venais d'entendre toute la conversation.
Mon seul réflexe fut de partir au plus vite.
Avec le peu d'énergie qu'il me restait, je me mis à courir aussi vite que je le pouvais.
La voix de Mark raisonnait dans le couloir, mais semblait être à des kilomètres.
Et merde.
Je suis décidément toujours aux endroits où il ne faudrait pas que je sois.
Toute les portes que je tentais d'ouvrir pour m'y réfugier étaient fermées; il fallait une carte magnétique.
Je courais comme un fou, mon cœur allait exploser.
Je m'arrêtais une énième fois pour tenter d'ouvrir une porte, mais une main agrippa la manche de mon tee-shirt et me projeta dans la salle.
Le noir total.
Puis soudain une lumière.
Je poussa un cri, puis aperçu le visage de Kaleb éclairé par la faible lueur d'une lampe torche. Cela le rendait terrifiant.
Il plaça sa main sur ma bouche, et esquissa un vague sourire.
- Toi, tu en sais beaucoup trop.
