Cet inconnu.

Cet inconnu - chapitre 30

Il baisse la tête, comme s'il était honteux. Il soupire longuement, pour décompresser, je suppose, puis il plante son regard dans le mien. Il attrape ma main et m'entraîne vers un banc, non loin de là. Il s'assoit et me place tout près de lui :

- Mon nom est Sacha Myers, murmure-t-il

- Bonjour Sacha, lâchais-je, avec un petit sourire

Il sourit brièvement avant de reprendre son air grave :

- Je m'appelle Sacha Myers. Je suis né le 5 avril 1998, à Paris.

- Tu vas me raconter toute ta vie depuis ta naissance ? demandais-je, timidement

- Non, fit-il avec un petit rire, on va passer directement à l'adolescence en disant que mon enfance était très joyeuse, pour quelqu'un comme moi.

Je le regarde, curieuse de connaître la suite. Que voulait-il dire par quelqu'un « comme lui » ? Il serre ma main dans la sienne et reprend :

- Un jour, quand j'avais treize ans, j'ai découvert des dossiers concernant mon frère Caleb et moi. Je les ai ouverts et ai découvert que lui et moi avions été adoptés. Cela n'a pas du tout dérangé mon frère, il a dit qu'il vivait très bien comme ça. Mais, ce n'était pas pareil pour moi. J'ai parlé de ma petite découverte à mes parents, adoptifs, et leur ai demandé qui étaient mes vrais parents. Je me souviendrais toujours de leur réaction : ils se sont regardés avant de balbutier qu'ils ne savaient pas. Ils mentaient.

Son ton avait radicalement changé. Il était froid, amère. Je serre sa main à mon tour pour l'encourager à continuer et pour lui signifier que je suis là pour lui.

- Deux ans plus tard, je les ai retrouvés. Mes parents biologiques. Ils avaient fondés une famille, dans laquelle Caleb et moi ne faisions pas partis. J'ai été les voir. Nous avons bien discutés. Ils nous proposaient de les rejoindre. Mais c'était trop tard pour.

- Pourquoi ? l'interrompais-je

- Car j'avais déjà une autre famille.

Il marque une pause. Il se passe une main dans les cheveux avant de se lever. Il avait besoin de bouger. Tout ce qu'il venait de m'apprendre était lourd de sens pour lui. Même si je ne suis sans doute pas la première personne à qui il l'apprend, mais je suis particulièrement touchée qu'il ait décidé de m'en parler. Je lui donne toute mon attention :

- Depuis le jour où j'ai appris que j'avais été ... adopté, je suis devenu différent. Je suis passé du gentil et serviable Sacha à l'invivable, arrogant, provocateur et connard d'adolescent que j'étais il y a un an, désormais. Chaque jour, je ridiculisais quelqu'un, chaque jour j'en frappais un, chaque jour, je brisais un coeur. Chaque jour, je brisais des vies. Il faut dire que mes soit-disant amis de l'époque ne me traînait pas dans le droit chemin, non plus. Des exclusions, heures de colles, convocations, j'en ai vu défilées. Crois-moi. La première année de carnage a été suivie d'un redoublement. Mais l'année d'après, j'ai continué. Jusqu'à ce que je rencontre Joana.

Je me raidis. Je savais qu'elle avait un lien avec lui mais elle était tellement omniprésente ces derniers temps que rien qu'à l'entente de son nom, je me raidis et serre les poings. C'est ainsi et je ne peux rien y faire.

- Continues, lâchais-je

- Tu es sûre ?

- Oui.

Il inspire un bon coup, grimace un peu et se lance à nouveau :

- Joana n'a pas toujours été une garce égocentrique. Quand je l'ai rencontrée, elle était innocente, naïve. Elle m'a aidé quand j'en avais besoin et pour ça, je lui en suis reconnaissant. Sauf qu'elle n'était pas toujours là. Au début, je continuais à collectionner les conquêtes. Jusqu'au jour où elle s'est énervée et m'a fait comprendre qu'elle m'abandonnerait si je continuais. J'avais besoin d'elle, alors j'ai arrêté les conquêtes. Un soir de vacances où elle n'était pas là, je suis sorti en douce avec mes « amis ». J'ai piqué la voiture de mes parents et ai conduit sans m'arrêter. Ivre comme jamais, j'ai causé du tord à une petite voiture de banlieue. Le propriétaire, un connard blindé de thune, m'a attaqué en justice. C'est pour ça le message de l'avocat. Bref, en sachant ça, Joana m'a quitté temporairement. Je me suis remis à être invivable et ça m'a valu le renvoi du lycée. Pendant ce « break », Joana est devenu ce qu'elle est aujourd'hui. Elle est revenue à moi mais ne m'a plus aidé, au contraire. J'ai déménagé et lorsque je suis arrivé dans ce lycée, je venais de revenir à la réalité. Je ne suis pas cette façade sombre, je suis Sacha. Je suis simple, et gentil. Ce nouveau lycée était pour moi un moyen de commencer une nouvelle vie. Puis, je t'ai rencontré. Et voilà où nous en sommes.