Chapitre 5

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« Qui sait d'où vient l'inspiration ? Elle émane peut-être du désespoir, des petits coups de pouce du destin, ou de la bienveillance des muses. » Amy Tan

Roy

Tous les jeudis, à l'heure juste avant de manger, les élèves pouvaient pratiquer diverses activités qui n'étaient pas considérées comme « scolaires ». Twin Hills offrait des cours de menuiserie, d'art plastique, de musique, de chant ainsi que des activités sportives comme le football américain, le basket ball, le cheerleading ainsi que lors de ces fins de matinée, d'handball et d'athlétisme. Cela faisait que tout le monde finissait par trouver une activité qui lui correspondait. Au pire, c'était facultatif. Bien sûr, pour ma part c'était football, le coach n'acceptait pas que l'on ne serait-ce envisage de faire une autre activité. Seulement ce premier jeudi de l'année était principalement pour les inscriptions. Pour ma part j'étais déjà dans l'équipe, je n'avais donc rien à faire pendant une heure. Sébastien avait tenu à assister aux inscriptions pour faire son lèche-cul auprès du coach pour devenir capitaine l'année prochaine, Damien était lui dans le gymnase avec Tammy, lui pour le basket et elle pour le cheerleading et Claire, quant à elle, ne s'inscrivait jamais mais avait été l'année dernière recrutée comme assistant de l'entraineur de basket. J'étais donc seul, errant dans les couloirs vide. Les autres joueurs en profitaient pour sortir plus tôt, mais pour ma part ça ne m'intéressait pas d'aller avec eux.

Alors que je comptais aller finalement retrouver Sébastien en passant par l'arrière du lycée pour rejoindre les gradins, je m'arrêtai en passant devant la porte entrouverte de la salle d'art plastique et de menuiserie. C'était une gigantesque pièce avec une porte donnant sur les couloirs et une autre, double, donnant sur le terrain de football ; j'étais à cette dernière. J'avais été retenu par une chevelure blonde au milieu des établis bancals, des pots de peintures renversés et des dessins hideux des lycéens des années précédentes. Evangeline était assise non loin de la porte, sur un tabouret, devant un chevalet sur lequel se trouvait un miroir plutôt grand. Tous les élèves d'art plastique étaient disposés en rond et écoutaient attentivement les dernières instructions de la professeure. Je m'appuyai contre le cadre de la porte, vérifiai que personne ne regardait dans ma direction, puis posai toute mon attention sur la sœur du meilleur-ami de mon frère. Elle versa un peu de gouache noire dans une assiette en plastique, prit un pinceau qu'elle trempa dans un verre d'eau avant de l'imbiber de peinture. Elle traça ensuite un sourire au milieu du miroir, qu'elle finit par transformer en deux lèvres, puis elle dessina le dessus de deux joues un peu plus haut. Elle utilisa également du blanc et du rouge afin de colorer le tout, puis elle sortit un carnet de son sac à dos noir, tandis que les autres élèves s'attelaient à des œuvres plus simples, sur une feuille, au crayon, au pinceau et parfois au feutre. Après avoir tourné quelques pages du petit carnet à spirale dont la couverture était couverte de petits triangles noirs, saumons et verts kaki de toutes tailles, elle finit par ranger l'objet et prit un feutre indélébile et épais en main. Elle s'appuya sur les surfaces propres du miroir pour y inscrire une note en haut à droite, de travers. La professeure, Madame Plum, s'avança vers elle. Cette femme m'avait toujours terrorisé et ce depuis le collège. Elle devait dépasser la cinquantaine et était connu pour son caractère explosif et sa couleur de cheveux assez comique, à savoir violet foncé tirant vers le rouge. Etant donné son nom de famille (nda : plum veut dire « prune » en anglais), on se demandait souvent si ce choix de coloration était intentionnel ou pas. La professeure s'arrêta derrière Evangeline et mit ses mains derrière son dos. D'où j'étais, je ne pouvais pas lire la note sur le miroir puisque la tête de « l'artiste » s'interposait entre l'œuvre et moi.

« Monsieur Robb m'avait prévenu que vous étiez un cas intéressant. »

Evangeline baissa légèrement la tête, mais pas assez pour que je puisse lire.

L'Équilibre d'EvangelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant