Chapitre 11

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« Je suis épuisé de ce monde. » -Mr Robots-

Evangeline

J'ouvris ma trousse dans l'espoir d'y trouver une barrette de pâte à fixe, mais même après avoir retourné ma trousse, et ainsi saloper mon bureau, je n'en trouvais toujours pas. Dernier recours, je pris la minuscule boite à échantillon noire rescapée d'un magasin de cosmétiques et l'ouvris. Bingo ! Il y restait une boule de la fameuse pâte jaune. Je récupérai un post it avec pour mémo « acheter de la pâte à fixe » que je laissai coller sur mon bureau. Puis je montai sur celui-ci tout en étirant la boule entre mes doigts, puis récupérai l'image découpée d'un magazine sur laquelle je venais d'écrire au marqueur noir « All I want is nothing more than to hear you knoking at my door » dans des écritures divergentes. Le résultat me plaisait. Après avoir fait l'équilibriste en l'accrochant au-dessus de tous les autres dessins de ce genre ou pas que j'avais pu faire jusqu'ici, je redescendis et lâchai un soupire. Les week-ends en solitaire étaient à la fois longs et courts. Seule, dans ma chambre, j'avais vraiment l'impression de voir le temps passé, pourtant quand je voyais mon frère revenir en fin d'après-midi pour parfois ressortir faire la fête à peine une heure plus tard, je me sentais d'autant plus vide et seule. Mais après tout une semaine à tenter de socialiser, un vendredi soir au cours duquel j'avais « fait le mur » pour la première fois et un dimanche matin où j'avais même couru avec trois garçons et un chien, je considérais avoir fourni assez d'efforts pour la semaine et pouvoir restée seule tout mon dimanche après-midi. Je récupérai l'un de mes carnets de citations sur le sol, me laissai tomber sur le lit pour relire les dernières inscrites.

« Bienvenue dans le pire cauchemar de tous... La réalité ! »

« Tous ceux qui errent ne sont pas perdus. »

« On ne parle pas à quelqu'un pour qu'il tombe amoureux de toi. La personne tombe amoureuse de toi parce que tu es la personne que tu es. » -Faking It-

« Ce dont le monde a besoin c'est d'un câlin groupé. »

« J'ai l'air d'un cosmo-cat gay. » -Glee-

Une grande partie de ce carnet était constituée de citations provenant de séries. Je le refermai et posai mes mains sur mon ventre. C'était bizarre. J'éprouvai une sensation non-ressentie depuis longtemps. D'un côté je me sentais à ma place, j'avais l'impression d'avoir une certaine importance et pourtant j'étais toujours convaincue que les relations humaines étaient facultatives. Pourtant, à mon grand étonnement, elles semblaient m'apporter quelque chose aujourd'hui. Comme un plus. J'étais une solitaire depuis les évènements, on aurait presque pu dire que je vivais mentalement en ermite, et maintenant j'avais presque hâte d'être à lundi pour retrouver Tammy, Claire, Sébastien, Damien et Roy. J'étais pratiquement sûre que son trop plein d'émotion détachait sur moi ! Ce garçon me paraissait de plus en plus mystérieux, chaque jour il me donnait de nouvelles réponses et encore plus de questions ! Je ne comprenais pas comment il pouvait avoir cet effet sur moi ! Je ne le connaissais que depuis une semaine, nos frères étaient amis depuis l'enfance et pourtant nous ne nous étions jamais parlé auparavant, ou du moins je n'en avais aucun souvenir. Je l'avais certes vu à certains matchs ou peut-être sur certaines photos de Carter chez les Atkins. Je trouvais ça ridicule de n'avoir jamais fait sa rencontre alors que nous avions le même âge et que nos frères avaient pratiquement grandi ensemble. Est-ce que ça aurait changé quelque chose à ce qui c'était passé l'année précédente ? J'en doutais. Quoi que, il m'aurait peut-être resté une personne en dehors du lycée, un ami, une personne en bonne santé pour me rappeler que je n'étais pas seule, pour me rappeler de ne pas me laisser glisser vers le fond, et peut-être, alors, je ne serais pas en phase de réadaptions à la vie. Mais maintenant il était trop tard. Je n'avais jamais connu Roy avant cette rentrée, je ne lui avais jamais adressé la parole et c'était encore aujourd'hui un effort surhumain pour moi. Pourtant il me donnait vraiment envie de faire des efforts ! Enfin, pas seulement lui, tout le groupe, ma famille aussi. Je voulais faire des efforts pour eux. Pourquoi des efforts ? Pourquoi ne pouvais-je pas être normale et pourquoi était-ce un si grand problème pour moi de vouloir être humaine ? La réponse, je l'avais déjà. Les évènements. Je tournai la tête vers ma table de chevet, étendis doucement ma main jusqu'au tiroir que j'ouvris avant de plonger mes doigts dedans pour en ressortir des photos. J'avais pris la peine de les imprimer sur papier photo. La première représentait une photo de tout le monde, Milo, Charlie, Chloé et moi, le dernier jour du collège, au fond de la classe de mathématiques. On voyait un bout du bras de Léo. Je la mis au dos de la pile. La suivante laissait voir Charlie portant Chloé sur son épaule. Cette dernière criait et riait tout en tentant de garder sa robe devant sa culotte. Bien sûr, je n'avais pas pensé à l'aider et prenait les photos. Milo riait à côté en tapant dans ses mains. Sur celle d'après apparaissait Milo transformé en licorne après que Charlie lui ait collé son cornet de glace sur le front. Ce moment était vraiment tordant... Ensuite on avait Charlie trébuchant dans le sable poursuivi par Milo, couvert de crème glacée. Les photos de cette merveilleuse après-midi de juin remontant à il y a plus d'un an me rappelait des souvenirs aussi beaux que douloureux. J'arrivais enfin à la dernière photo. Il s'agissait de nous quatre, une photo prise à bout de bras pour que l'on me voit riant aux éclats, avec à ma gauche Milo, louchant, mon cornet cette fois sur le front, puis Chloé semblant crier et rire en même temps, les yeux fermés, et enfin Charlie, penché en avant pour être à la même hauteur que nous souriant de manière exemplaire, quoi que les cheveux remplis de sables à force de trébucher et de rouler sur la plage. A une époque, cette photo était accrochée à mon mur et représentait comme un graal pour moi, elle était parfaite. Maintenant je m'autorisais seulement à la regarder de temps à autres. Sentant les larmes me monter aux yeux, je rangeai les photographies dans le tiroir que je refermai brutalement puis me levai, ouvris la fenêtre et me penchai rapidement par celle-ci en reprenant mon souffle. Non, c'était bon, je n'allais pas faire de crise. Pourtant, la douleur était toujours là.

L'Équilibre d'EvangelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant