L'Équilibre d'Evangeline

Chapitre 37

« Il y a des gens qui aimeraient avoir tes mauvais jours. » Anthony Trucks

Evangeline

Dimanche, en fin d'après-midi, Evan avait débarqué à la maison et avait directement filé dans la chambre de Carter qui semblait l'attendre. Il était resté jusqu'à vingt et une heure trente, Carter affirmant que c'était pour un devoir à rendre le lendemain qu'ils avaient oublié. Mais personne n'était dupe dans la maison et la voix d'Evan s'élevant parfois au-dessus de celle de Carter, sans que l'on puisse comprendre ce qu'il voulait dire, résonnait dans la maison comme l'annonce d'une situation de crise entre les deux meilleurs amis. Lors de son départ, j'avais entrouvert la porte de ma chambre pour voir l'ainé Atkins quitter les lieux. J'aurais juré le voir essuyer ses yeux de sa manche. Je respectais les secrets de Carter et Evan, ils ne concernaient qu'eux, mais par peur que ce ne soit vraiment grave j'étais allé timidement toquer à la porte de mon frère dès que la porte d'entrée avait été claquée. Il rangeait quelques objets ayant changé de place, comme si on les avait balancés au travers de la pièce. Je lui avais simplement demandé si c'était grave et il m'avait répondu avec peine qu'Evan avait des problèmes avec « Nat », que c'était l'affaire de quelques semaines et qu'il ne pouvait pas m'en dire plus pour l'instant. Son air préoccupé m'avait poussé à ne pas demander plus, mais je l'avais entendu appeler Lindsey le soir même, seulement il avait rapidement quitté la maison pour aller téléphoner dans le jardin et je n'avais pas eu la fin de la conversation. Je m'étais forgé des dizaines de différents scénarios dans ma tête cette nuit-là et Roy ne répondait à aucun de mes messages. Je n'avais pas voulu insister, mais je n'étais déjà pas habituée à faire le premier pas, je ne me voyais pas le harceler de messages. J'avais tenté de repousser l'idée selon laquelle Natacha, la fille la plus proche d'Evan d'après moi, était enceinte, puisque ça annonçait clairement des aboutissements apocalyptiques dans la famille Atkins, surtout en repensant aux révélations de Roy sur les efforts déployés par sa mère pour que ses fils ne commettent pas les mêmes erreurs de jeunesse. Je m'attendais à en savoir plus le lendemain lors du trajet en voiture jusqu'au lycée, seulement à ma grande surprise, c'était Roy qui conduisait, seul.

« Evan n'est pas là ? m'étonnai-je en montant à l'arrière du véhicule, maintenant propre.

- Non, il est malade, s'empressa de répondre Roy en redémarrant. »

Lui non plus ne semblait pas décider à m'en dire plus. Je ne m'attendais pas à ce qu'il se livre entièrement à moi sur ses problèmes familiaux, mais je détestais l'idée qu'ils aient des secrets entre eux. L'idée de Natacha enceinte me revint et je dus lutter pour ne pas oublier que je n'en étais pas sûre à cent pour cent. Le trajet jusqu'au lycée se fit dans un silence complet. Carter restait sur son téléphone, Roy s'appliquait à conduire correctement et je regardais par la fenêtre. Tout ce qui nous entourait était identique aux autres jours : les mêmes joggeurs, les mêmes promeneurs, les mêmes voitures, le même train-train quotidien. Pourtant, dans l'habitacle, rien n'était comme les autres jours. Il nous manquait Evan et la tension était palpable. Une fois au lycée, je m'empressai de descendre et cherchai automatiquement Natacha du regard. Je n'eus aucun mal à la repérer, callée sous le bras d'un terminale que je ne connaissais pas, tout sourire, fidèle à elle-même. Rien ne laissait penser que sa vie risquait d'être chamboulée d'une quelconque façon. Je me tournai alors vers Roy.

« Comment tu te sens aujourd'hui ? »

Il posa les yeux sur moi et il dût comprendre ma référence à l'après-midi à Shorttail Gutch.

« Je suis triste, angoissé, nerveux et un peu en colère, avoua-t-il. Et malheureusement aujourd'hui tu n'y peux rien. »

Ce n'était pas un reproche, mais plutôt une plainte. Au moins il avait l'honnêteté de me dire que ça n'allait pas.