Chapitre 57

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« Nous savions que le monde ne serait plus jamais le même. Quelques personnes ont ri, d'autres ont pleuré. La plupart sont restées silencieuses. » -Robert Openheimer

Evangeline

« On s'assoit à côté ? me demanda Claire. »

Je hochai la tête en forçant un sourire, puis reposai toute mon attention sur le bus jaune avant de suivre mon amie à l'intérieur. Je tentais de calmer ma respiration en prenant de longues inspirations. Nous traversâmes l'allée centrale et prîmes place vers le fond du bus, devant Sébastien et Roy, à côté de Tammy et une de ses amies du cheerleading. Je m'installai côté fenêtre et sortis l'un de mes écouteurs pour mettre la musique à fond tandis que Claire se retournait pour parler avec je ne savais qui. Je fermai les yeux jusqu'à ce que je me convainc moi-même que personne ne risquait rien. Je parvins même à suivre un peu la conversation. Lorsque le véhicule démarra, j'agrippai le bord de mon siège tout en rivant mon regard sur l'extérieur. Je ne pouvais plus craquer maintenant que j'étais coincée dans le bus.

« Eh ! s'exclama Seb en se levant pour se pencher sur nos sièges, après plus de quarante-cinq minutes de trajet. J'ai une super blague ! Monsieur et Madame Shelton ont trois filles. Comment s'appellent-elles ?

- Pitié... soupira Roy derrière Claire.

- Eve, Ange et Line ! Eve, Ange et Line Shelton !

- C'était absolument merdique, lâchai-je d'une voix faible et tremblante. »

Je jetai un coup d'œil par la fenêtre. Je reconnaissais ce paysage. Il me hantait depuis des mois. En relevant les yeux sur Sébastien, sans sa ceinture afin de pouvoir nous parler, j'eus l'impression de revoir Charlie, en janvier dernier, alors qu'il essayait de récupérer le téléphone de Chloé.

« Rassis-toi et attache-toi, ordonnai-je plus fort et plus durement que je l'aurai voulu. »

Le rouquin resta perplexe quelques secondes, jusqu'à ce que Roy le tire par le bas de son t-shirt pour qu'il se rassoit. Je m'enfonçai dans mon siège, fermai les yeux et tentai de contrôler ma respiration.

« Ça va ? s'inquiéta Claire. »

Je hochai la tête.

« Tu mens très mal. »

Je commençai à trembler en m'imaginant la route, le pont, le goudron, toutes ces voitures si proches les unes des autres qui risquaient de s'emboutir à cause d'un simple mauvais coup de volant. J'avais pris du temps pour oser retourner dans une voiture, mais cette route là... Elle représentait l'enfer à mes yeux, un endroit maudit par lequel j'aurai dû éviter de passer. Je fermai les yeux et les gestes exacts que j'avais fait à l'époque se rejouèrent dans ma tête. Chloé prenant le téléphone de Charlie, ce dernier se détachant pour tenter de reprendre son smartphone. Cette décision lui avait été fatale... Milo avait ce jour-là gardé le regard rivé vers l'horizon. J'avais pour unique réconfort de savoir que s'il ne s'en sortait pas, il aurait eu une belle dernière vision avant sa mort. Mais rien ne se passait. Tous les élèves continuaient leur vie dans le véhicule. L'air commençait à me manquer et mes mains tremblaient.

« Evangeline ! me rappela Claire en posant sa main sur la mienne. Qu'est-ce qui t'arrive ? »

J'étais incapable de répondre, tentant de me concentrer sur ma respiration.

« Tu es retournée sur cette route depuis l'année dernière ? »

Je fronçai les sourcils et ouvris les yeux.

« Tammy m'a dit, bien sûr que je sais. Est-ce que tu es retournée sur cette route ? »

J'aurai dû me douter que Tammy et Claire n'avaient pas de secrets l'une pour l'autre. Je hochai négativement la tête.

L'Équilibre d'EvangelineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant