Cameron's good girl. cd

TWENTY-FOUR

"Une vie sans amour paraît fade et d'une tristesse sans nom. Ne pas aimer semble être le propre des pierres (ne dit-on pas avoir un cœur de pierre ?) ou des gens aigris se privant ainsi de tout accès au bonheur. L'amour se présente alors comme un sentiment de sympathie très fort, un attachement puissant à quelqu'un ou quelque chose. Mais cet attachement est souvent vécu (et comment ne pourrait-il pas l'être) sur le mode de la dépendance. L'amour renvoie donc à la passion dans laquelle je suis entraîné malgré moi (l'expression « tomber amoureux » illustre cette emprise négative car involontaire dans laquelle se trouve l'amoureux). Le problème est donc évident : l'amour apporte-t-il le bonheur ou bien nous rend-t-il malheureux ? L'amour est-il immanquablement doté d'une double nature nous faisant osciller entre la souffrance et la félicité ou y a-t-il un moyen de se servir de l'amour afin de l'orienter vers un bonheur certain ?" 

Corneille a dit un jour "Rien n'est impossible à qui sait bien aimer".  Je suppose que ses paroles ne s'appliquaient pas à mon cas. 

Dans mon cas, seules trois choses me rattachaient à cet amour impossible : les souvenirs, le regret et mes amis.

Souvenir : quelque chose dont on se remémore, un élément de la mémoire.
Regret : réaction consciencieuse et négative concernant des actes et comportements personnels du passé.
Amitié: inclination réciproque entre deux personnes (ou plus) n'appartenant pas à la même famille.

  Le carcasse de mon cœur meurtri m'y rattachait, lui aussi, fut un temps, mais j'avais appris à enfouir mes sentiments au plus profond de moi, dans un coin sombre de mon myocarde. Je me rappelle que lorsque ma grand-mère était parti rejoindre les anges, là-haut, au Paradis, il y quatre ans de cela, j'avais refusé de sortir de ma chambre pendant une semaine entière. Je ne mangeais que très peu et passais mon temps à pleurer, et ma mère m'avait dit que si je continuais ainsi, j'allais finir par tomber en dépression. Mais elle avait tord car, à l'époque, ce n'était rien comparé à ce que je vivais à présent. Ma mamie était malade depuis ma naissance, et j'avais été préparé tout au long de ma vie à la possible éventualité qu'elle nous quitte. Alors, lorsque c'était arrivé, j'avais tenté, tant bien que mal, de suivre à la lettre ce qu'elle m'avait fait promettre quelques années auparavant. Elle m'avait demandé de ne pas me morfondre éternellement et de ressortir plus forte de cette épreuve : ce que j'avais fais. "Ce n'est pas parce que tu ne me verras plus, que je serai loin de toi, Elisabeth. Je serai toujours là, toujours." M'avait-elle dit en posant sa main au niveau de l'emplacement de mon cœur, qui s'était déchiré un peu plus à la simple pensée de perdre ma grand-mère.

Il est si difficile d'accepter la mort d'un proche, mais si on ne le fait pas, on coule, et remonter à la surface devient quasiment impossible. Et là, maintenant tout de suite, ma noyade était violente et irrémédiable, ainsi qu'incroyablement rapide. Pourtant, je n'essayais même pas de battre des pieds pour garder la tête hors de l'eau. Je me laissais faire, stoïque, les bras ballants et le regard vide. Vide, tout comme mon cœur, qu'il avait prit avec lui en s'en allant.

Le reflet que renvoyait le miroir sur pieds face à moi ne m'effraya guère lorsque je me plantais devant, lissant ma robe avec le dos de ma main. Elle était faite d'un tissu luxueux, et d'un noir sombre, aussi sombre que mes pensées à cet instant. Elle était longue, cachant mes pieds qui étaient enfermés dans une paire de talons hauts de la même couleur, et était à bretelles. Un chapeau, tout aussi noir que la robe, était vissé sur ma tête, et mes cheveux blonds, qui étaient à présent bruns d'ailleurs, encadraient mon visage. Mon visage, tiens, parlons-en un peu. Creusé, vide d'émotion, terne, presque sans vie. Comme le sien, sûrement. Je tentais un sourire, qui ressemblait plus à une grimace qu'autre chose. Tant pis, j'aurais essayé, au moins.