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L'ODEUR DES EMBRUNS emplissait les narines des enfants qui se serraient l'un contre l'autre, les pieds dans le sable. Les genoux remontés contre leur poitrine, ils regardaient les nuages sombres qui recouvraient peu à peu le ciel. Le vent venait claquer contre leur peau nue, rendait les vagues plus fougueuses, plus violentes lorsqu'elles venaient se briser contre la plage. C'était un lieu où ils avaient pris l'habitude de venir passer le temps, reculé des autres endroits où la présence humaine était trop importante. Le soleil restait absent, mais c'est ce que les deux jumeaux qui étaient assis sur le sable préféraient. Lorsque l'astre était sorti, il pesait sur les crânes, alourdissaient les chevelures, et rendait tout contact plus dur. Les brises, aux contraires, apportaient cette sensation de légèreté et de liberté, dont les gamins raffolaient.

- Maman a dit que ce soir, elle ferait une tarte à la confiture de Mme. Chester.

Le garçon avait parlé, obligé d'hausser la voix pour couvrir le raffut de la mer. À ses côtés, une fille du même âge jouait avec du sable.

Elle attrapait les grains humides dans ses mains, puis les laissait couler sur le sol. On dirait de la pluie, pensa-t-elle. Elle écrasa sa main dans le sable, puis tourna sa tête vers son jumeau en fronçant les sourcils, avant de répliquer :

- N'importe quoi ! Pour le dîner, on mange le poisson de Papa. C'est lui qui a dit.

- On peut manger les deux.

- Ah, dans ce cas, c'est mieux.

Elle sourit, en pensant au souper du soir. Même si le poisson était un plat qu'ils voyaient souvent dans leur assiette, ils étaient convaincus que leur père pêchait le meilleur, et la saveur de la chair tendre de l'animal une fois cuisiné par leur mère n'égalait aucune autre. Avec l'aide de ses petites jambes, la fille se redressa, et frotta ses mains pleines de sable sur sa salopette. Elle laissa une traînée de grains fins sur son tissu sombre, et garda la tête baissée pendant quelques secondes, pour admirer son habit trop grand qui battait contre sa peau pâle. Le vent dans les cheveux, elle regardait son frère qui se mit debout, lui aussi.

- Le premier qui arrive à la maison aura la plus grosse part de tarte !

Sans attendre, elle décampa sur la plage. Son frère grogna et lui cria que ce n'était pas juste, mais lui courut après, le sourire aux lèvres. Les orteils s'enfonçaient dans la matière tendre à chacun de leur pas, et ils prenaient les plus grosses bouffées d'air dont ils étaient capables, en dansant au son la pluie naissante. Pieds nus, les deux gosses faisaient la course en remontant la petite plage de Plymouth, et se dirigeaient vers la maisonnette d'où sortait déjà la fumée du feu de bois de la soirée.

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Le sifflet strident du train la tira de sa rêverie et elle dû cligner plusieurs fois des yeux pour se rappeler pourquoi elle était là. Les cheveux tirés en arrière, habillée d'une robe grise et une petite valise à la main, une jeune femme attendait sur les quais. Le monde autour d'elle fut d'abord flou et confus, et au fur et à mesure que ses sens reprenaient leur rôle, ses yeux distinguèrent mieux les choses de son entourage. Les gens grouillaient autour d'elle, et même si ils n'étaient pas si nombreux que ça, elle eut l'impression d'étouffer dans cette faible marée humaine. Ses souvenirs d'enfances avaient choisis le pire moment pour refaire surface, et elle s'était laissée glisser dans l'océan de sa mémoire, en oubliant complètement son environnement extérieur. Lentement, elle se remise à marcher vers l'endroit où elle souhaitait se rendre. Une œillade à sa gauche lui permit de connaitre l'heure, et pendant une fraction de seconde, elle se demanda comment une horloge si grande pouvait tenir à la verticale sur le mur de la gare. Neuf heures et cinquante-six minutes, affichait-elle, la jeune femme était pile à l'heure pour son train. Lorsqu'elle atteint l'entrée de la voiture dans laquelle elle voulut grimper, elle se retourna une dernière fois pour admirer la petite gare de sa contrée, comme si elle la quittait pour toujours. Sur la marche de la voiture dans laquelle embarquaient les voyageurs, un contrôleur se tenait tout droit, dans son habit bleu et bien repassé. La jeune femme sortit son ticket, et le lui tendit. À l'aide de son petit instrument, il perfora le bout de papier avant de lui adresser :

Saving Private RyanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant