DIX-HUIT

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LA FIÈVRE C'EST COMME une cigarette. Presque. C'est une étincelle, bouillante, qui déclenche les maux. Elle nous donne l'impression d'être consumé de l'intérieur, de la même manière qu'une flamme réduit le tabac en cendres. On a les enfers sous la peau, l'hiver sur la chair. On a des nausées à tomber dans un coma, et la tête qui tourne comme si on était sur un taureau. Les muscles se crispent, se lâchent, se crispent, se lâchent, et on s'épuise à ne rien faire. Ce n'est pas dur de s'en débarrasser, avec trois antidouleurs, une couette épaisse, et une bonne nuit de sommeil, on est sur pied le lendemain.

Mais visiblement Jean n'avait pas le droit à tout ça. En plus, cette fièvre ne pouvait venir que d'un seul endroit : sa blessure qui s'était surement infectée. Jean se raisonnait à ne pas y jeter un coup d'œil. Qu'est-ce qu'elle aurait pu y faire de toute manière ? Absolument rien. Assise en tailleur dans la poussière devant son frère, le dos courbé, presque en train de piquer du nez, elle avait les doigts enfouis dans la terre sableuse, et tenter d'expliquer le plus clairement possible à son frère les bribes de plan qui s'élaboraient dans sa tête.

- Il faut qu'on mette le feu quelque part, pour attirer tous les gardes au même endroit. On ne va pas incendier un dortoir, ils s'en foutraient plus qu'autre chose et sont capable de laisser crever les prisonniers à l'intérieur. C'est pour ça qu'on va mettre le feu à... la chambre des officiers.

Elle marqua une pause, en relevant la tête, pour voir si son frère jumeau la suivait toujours. Elle sentit qu'il était sur le point de lui poser une question, et au moment où il inspira pour parler, elle ne le laissa même pas commencer en lui expliquant :

- Je sais que le batiment n'est pas dans notre prison, mais on a accès à un de ses murs. La façade est reliée aux barbelés, tu sais, celle dans le coin, là-bas.

Quand elle prononça ces mots, elle donna un petit coup de menton vers l'endroit duquel elle parlait.

De leur petit espace, ils l'apercevaient très bien, et George se tourna à moitié se tordant le cou pour l'apercevoir. La bâtisse était complètement collée au grillage qui faisait le tour de leur camp. Pendant les longues secondes où il était en train de contempler la façade de bois, Jean reprit :

- C'est du vieux matériel, le bois s'effrite. Il s'enflammera vite et bien. George se retourna lentement vers elle, en soufflant. Il avait du mal à affirmer tout ça, le plan de Jean était trop vague, et les risques semblaient trop nombreux.

- Tu sais où trouver ton essence, mais où est-ce que tu vas dénicher ta flamme ? Tu la sortiras d'où ? Tu vas frotter deux cailloux ensemble ?

Jean soupira. Elle savait bien que se procurer une étincelle était presque impossible, et c'était là son seul problème. Alors qu'elle réfléchissait, elle regarda ailleurs. Elle inspectait chaque barrière, chaque défaut de construction de sa vue qui fatiguait. Elle tentait en vain de se concentrer sur le paysage plein de verdure qui s'élevait au-delà des barbelés malgré son mal de tête qui semblait prendre de plus en plus d'ampleur alors que le temps s'écoulait. Avec un pincement au cœur, elle fit passer ses yeux sur les fantômes qui peuplaient le camp. Ils se blottissaient contre d'autres corps, se cramponnaient aux uns et aux autres. Un peu comme Jean et George.

Saving Private RyanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant