SEIZE

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AUX PREMIÈRES LUEURS du soleil, Jean avait les yeux ouverts. Elle observa la planche de bois qui surplombait son visage, et leva la main pour la frôler de ses ongles. Des particules de poussières flottaient en suspension dans l'air matinal, et lorsqu'elles passaient devant un rayon de l'astre ardent, elles n'étaient plus invisibles. De maigres soupirs émanèrent des lits voisins, au fur et à mesure que leurs occupants se réveillaient. Jean tapota sur la surface du lit au-dessous, et d'une voix rauque, elle appela :

- George ?

- Oui.

Jean devina que lui aussi, avait dû passé une nuit difficile. L'atmosphère était étouffante, et les lits dans quoi ils dormaient étaient aussi crasseux que la boue du dehors. Jean s'était réveillé plusieurs fois de suite pendant la nuit, en sentant une bête sur sa jambe, pour réaliser avec horreur qu'il s'agissait d'araignées où de cafards qui traçaient leur chemin en courant à ses pieds. Le froid l'avait vite dérangé, et n'ayant aucune couverture pour se réchauffer, elle s'était recroquevillée, comme un enfant dans le ventre de sa mère. Elle avait entendu d'autres personnes trembler elles aussi, incapables de fermer l'œil.

L'estomac vide lui tenaillait le ventre. La faim lui serrait les côtés, une douleur naissante commençait à lui ronger l'abdomen. En plus de cela, sa hanche avait recommencé à lui faire mal, lui faisant vivre un supplice.

Elle soupira, en se hissant au dehors de son lit. Elle manqua de trébucher, et fit attention lorsqu'elle posa son pied chaussé sur le sol sale de la baraque. Elle n'avait même pas osé enlever ses chaussures pour s'endormir, les jugeant trop précieuses pour prendre le risque de se les faire voler.

- Faut qu'on parte d'ici, George, lui dit-elle, et il leva les yeux vers sa silhouette.

- Je sais.

Une fois sur ses deux pieds, elle se frotta les bras et le corps avec la paume de ses mains, essayant désespérément de se débarrasser de la saleté qui la recouvrait entièrement. Comparée à d'autres détenus, elle aurait pu être jugée comme propre. Certains avaient la figure noire de suie et tâchée de minuscules débris. À en juger par l'allure des prisonniers et leurs habits, les douches étaient quelque chose de beaucoup trop luxueux pour qu'on puisse leur en accorder. Les silhouettes se dressaient petit à petit dans le dortoir, et George vint rejoindre sa sœur, en se collant contre elle.

- Qu'est-ce qu'on attend ?

- Qu'ils viennent nous chercher, lui dit-il, les yeux fixés sur la porte qui menait dehors. L'heure était absente, et il était impossible de savoir à quel moment de la journée nous étions. Seul le soleil qui était encore enfoui sous l'horizon envoyait ses premiers rayons, et laissait deviner qu'il était encore très tôt.

Derrière la paroi qui les séparait de l'extérieur, Jean entendit le pas lourd d'un S.S. qui s'approchait. Elle se rendit compte que plusieurs bottes claquaient, et avant qu'elle puisse demander à George pourquoi ils ne pouvaient pas sortir par eux même, la porte s'ouvrit en grand, sur la silhouette robuste d'un garde qui cria des mots en allemand, et leur faisant de grands signes pour sortir. Comme un troupeau de moutons, ils se pressaient les uns contre les autres, avec pour seul guide la faible lueur encore pâle qui inondait le bas de la porte. Jean tendit le cou pour apercevoir ce qui se situait au dehors : on se dépêchait de sortir, comme attiré par quelque chose de nécessaire.

Saving Private RyanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant