VINGT

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DES BRIBES DE CIEL bleu décoraient le plafond forestier sous lequel les deux jumeaux continuaient de se précipiter. Jean se retournait à plusieurs reprises en vérifiant qu'ils n'étaient pas suivis, et qu'ils avaient encore le soleil dans le dos, pour continuer de bouger vers l'ouest. Leur cadence avait clairement ralentie depuis qu'ils avaient tous les deux quitté le camp. Les souvenirs de ce bref instant demeuraient flous dans la mémoire de Jean, comme si il ne s'agissait plus que d'un rêve. Elle se rappelait avoir vu d'autres prisonniers essayer de s'enfuir, saisissant une opportunité qui ne se reproduirait pas. Qu'étaient-ils devenus ? Est-ce qu'ils étaient en vie, est-ce qu'ils s'étaient sorti de ce trou à rats ? Jean espérait de tout cœur que oui. Elle ne pouvait s'empêcher de s'imaginer les corps tomber alors qu'ils se prenaient des balles dans la tête ou dans les côtes. Elle ne pouvait penser à autre chose que les vertèbres qui se déchiraient quand ils s'écroulaient par terre, et laissaient échapper leur dernier souffle, trop faibles pour crier à l'aide. Quand ces images lui traversèrent l'esprit, elle frissonna, et avec un gémissement, elle s'étala sur le sol de feuilles mortes.

- Jean ? s'exclama George, visiblement inquiet par l'état de sa sœur. Il s'agenouilla devant elle, et posa ses mains sur ses genoux, pour la forcer à relever le menton. Les deux soldats se faisaient face, et l'une était secouée par des spasmes qui lui traversaient le corps.

- Jean, Jean... répéta son frère, et il la pris par les épaules, pour l'obliger à se ressaisir. Avec un effort, elle déplia ses jambes, et releva sa tête. Leur cavale dans les bois l'avait presque achevée. Blanche comme une feuille de papier vierge, des cernes violacés lu barraient le visage. Ses lèvres étaient devenues bleues, et la jeune femme semblait avoir pris trente ans de plus.

Les épaules voûtées, peinant pour garder sa tête en place sur son cou, la fièvre lui battait aux tempes. Elle avait l'horrible impression qu'un rat lui lacérait sa hanche de coup de griffes, encore et encore, et quand George effleura sa plaie qu'elle tenait avec ses doigts aplatis dessus, il s'exclama :

- Jean, tu saignes ! Il ouvrit de grands yeux, et compris que sa blessure avait dû se rouvrir quand elle avait déclenché l'incendie. Jean avala, et adressa un petit sourire à son frère, avant que sa douleur ne l'efface presque immédiatement. Elle croisa ses bras contre sa poitrine, et ses jambes n'arrêtaient plus de trembler. George la tira vers lui, pour la forcer à avancer. Il refusait tout simplement qu'elle se laisse aller, et Jean le suivit, les membres flageolants.

- Tu restes avec moi Jean ! On est si près du but ! Jean souri une deuxième fois. Elle ouvrit la bouche comme pour répondre, mais elle se rendit vite compte qu'elle en était tout simplement incapable. Les mots refusaient de sortir de sa gorge, et elle n'avait même plus la force d'articuler des syllabes.

En plus de ça, elle n'avait aucune idée d'où ils se trouvaient. Ils pouvaient être à un millier de kilomètres de la frontière, de l'autre côté du pays allemand. Ils étaient en territoire ennemi, et elle savait bien que si jamais ils faisaient la mauvaise rencontre de tout habitant allemand, ils étaient morts. Elle était tellement fatiguée... Sa tête pesait lourd, et elle avait l'impression que chaque pas était une chute. George n'abandonnait pas, lui. Il avait le regard levé droit vers la cime des grands chênes, et dès qu'il sentait sa sœur s'abandonner un peu trop, il la secouait gentiment, pour la ramener à lui. Sous leurs pieds maladroits, le sol commençait à se faire de plus en plus pentu. Les deux soldats manquèrent de glisser à plusieurs reprises, et George grimaça quand plusieurs brindilles lui rentrèrent dans la paume de ses pieds.

Saving Private RyanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant