DEUX

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JEAN S'ENGAGEA DANS la clinique, les chaussures claquant sur le pavé du trottoir de Londres. Malgré son ciel sombre et gris, la ville bouillonnait de vie. En cette fin de matinée, le peuple anglais était dans les rues, à marcher, courir, parler, se précipiter d'allée en allée, pour choper un sandwich ou un taxi. La jeune femme avait toujours sa petite mallette à la main, et commençait à se sentir bien ridicule. Il n'y avait trois fois rien dans cette vulgaire valise : qu'est-ce qu'on était censé emmener dans un voyage où le but était de laisser son identité derrière soi ?

Jean suivit les petites pancartes placées sur les murs et les couloirs du centre médical. Dans des endroits pareils, il y avait toujours cette odeur abominable, d'alcool médicinal et de maladie. Cette senteur lui rappela la fois où elle s'était ouverte le bas du crâne en faisant de la bicyclette, et elle dut passer trois jours entier à l'hôpital de sa petite ville. George passait tout le temps qu'il pouvait avec elle en lui faisant des dessins par millier, et lorsque sa mère insistait pour qu'il aille à l'école, il lui faisait de grands discours en essayent de lui faisant comprendre que Jean avait besoin de lui ici. Tout ce qu'il arrivait à faire, c'était de prendre le chemin du bahut avec la trace d'une claque rouge sur le visage.

Les couloirs étaient étroits, et Jean gardait à l'œil les bout de papiers qui étaient tous accrochés sur les murs et où il étaient inscrit à la va-vite "TESTS MÉDICAUX POUR L'ENRÔLEMENT DANS L'ARMÉE". Elle se contentait de les suivre, comme une souris dans un labyrinthe, guidée par une odeur de fromage, puis elle poussa une ultime porte... et se retrouva devant une bonne vingtaine d'hommes aux torses nus qui braquèrent leurs yeux sur elle. Elle s'immobilisa, devant toute cette chair masculine et magnifique. Devant elle s'étendait deux dizaines de soldats anglais qui passaient leurs tests médicaux afin de rejoindre l'armée. Ceux-ci, peu étonnés de la présence de Jean, replongèrent dans leurs journaux et leur activité précédente. La jeune femme ne put se retenir de les admirer de la tête au pieds, et le sang ne tarda pas à remonter jusque dans ses joues. Elle trépigna sur place, embarrassée, et se mit en marche maladroitement.

Jean se dirigeait vers le centre de la pièce, avant de se faire attraper la fesse droite par une main indiscrète. La surprise lui déforma d'abord le visage, puis le dégoût, et enfin la colère. Folle de rage, la jeune femme se retourna violemment vers l'homme qui croyait que cette situation était à mourir de rire. Lorsqu'il vu son expression, il lui dit simplement :

- T'as un joli cul princesse, et j'pense que sa place est dans mes mains.

- Excuse-toi tout de suite.

Jean haussa le ton. Si il y avait bien quelque chose qu'elle n'aimait pas du tout, c'était les personnes qui se pensait être d'une race supérieure par rapport aux femmes. Toute son enfance, Jean s'emportait lorsqu'on parlait d'elle comme étant "le jumeau faible" parce qu'elle était une fille. Ce n'était pas quelque chose qu'on entendait de la bouche des grandes personnes, mais les gosses de la cours de récréation étaient méchants, et rien de plus que des crétins, et faire honte aux autres étaient un de leur passe-temps préféré. Même si elle ne couraient pas aussi vite que son frère, ou qu'elle ne finissait pas aussi costaud, elle avait toujours son mot à dire lorsque quelqu'un parlait désagréablement du sujet. Plusieurs soldats se retournèrent, et regardèrent la scène, amusés. Le soldat qui était gentiment assis sur sa chaise haussa les sourcils, surpris par le comportement de la jeune femme.

Saving Private RyanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant