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LORSQU'ILS ARRIVÈRENT au camp, Jean avait l'impression de ne plus sentir la moindre parcelle de son corps. Des regards étaient insistants sur les deux soldats qui venaient de faire leur entrée, et les yeux s'écarquillaient lorsqu'ils voyaient cette masse de sang qui badigeonnait l'uniforme du plus jeune. James la posa enfin à terre, et c'est avec un effort qu'elle parvint à tenir sur ses deux pieds. Elle réussit à marcher sans l'aide du sergent, bien qu'elle manquait de tomber lorsqu'elle posait le pied par terre. Chaque muscle de son corps semblait grossièrement lié à sa blessure, la faisant grimacer à chacun de ses pas. Ils aperçurent le reste de leur petite escouade, à la fois tous terrifiés et heureux de les revoir. Lorsqu'ils avaient quittés le campement, ils étaient six. À présent, ils n'étaient plus que quatre et demi, avec Jean qui ne savait pas ce qu'elle allait devenir. Et Peter qui était mort.
Même le français qui prenait tant de plaisir à traiter Jean de tous les noms semblait heureux de la voir (presque) en un seul morceau. Pourtant, le sergent ne partageait pas leur joie lorsqu'il hurla à leur attention :
- Vous, au rapport ! Le groupe des trois soldats s'exécuta, et fit demi-tour, en direction de la chambre des officiers. Jean comprit que James voulait se charger de son cas, et pendant un instant, elle eut peur. Il la poussa dans la tente qui servait d'infirmerie à leur petit camp, et l'installa sur un des matelas vide. Par chance, il n'y avait personne d'autre qu'eux, mais lorsque Jean vit l'expression sur le visage du sergent, elle n'en fut pas moins rassurée.
Il se précipita vers les boîtes de bandages et d'alcool, pour récupérer le matériel nécessaire pour soigner son soldat. Il restait silencieux, et son absence de réaction rendait Jean folle. Après de longues secondes sans mots, elle ne trouva rien d'autre à dire que :
- Je vous en prie, dites quelque chose, n'importe quoi...
À l'entente de ses mots, il releva enfin son visage vers elle, en arrêtant de manipuler cotons et désinfectants. Il secoua lentement la tête, comme un parent déçu devant l'image de son enfant ayant fait une grosse bêtise. Jean fut de nouveau secouée par des sanglots, et elle luta pour les contenir à l'intérieur de son corps. Il ouvra la bouche, mais aucun son n'en sortit.
Il semblait choisir précautionneusement ses mots, et ses yeux ne quittaient pas ceux de Jean. Elle fut tout à fait incapable de déchiffrer son regard, et ne voulait plus quittait la couleur bleu et si réconfortante de ses iris.
- Tu ne t'appelles pas Ryan, j'imagine, hein ? fini-t-il par dire, la gorge nouée. Il releva délicatement le tissu de la veste de Jean, et celle-ci l'enleva en entier. Son corps recouvert d'un simple tissu blanc tressaillait sous les spasmes de douleur qu'elle ressentait à travers sa hanche, et elle aperçut le regard indiscret du sergent s'aventurer sur sa poitrine recouvert de son épais bandage blanc.
L'homme remonta le haut de coton qu'elle portait, pour pouvoir inspecter la plaie de plus près. Il enleva le bandage de fortune qu'il lui avait fait dans la ruelle, et très vite, la blessure fut de nouveau à l'air libre. Elle n'était pas très large, ce qui l'inquiétait le plus, c'était la profondeur que l'arme avait dû atteindre. James posa ses doigts sur sa peau, et lorsqu'il rentra en contact avec la surface de sa chair, Jean tressaillit. Il aplati sa paume sur son ventre, pour tenter de percevoir l'ampleur des dégâts. Il releva les yeux vers elle pendant quelques secondes, et devant son regard embué, il lui jeta une œillade en lui disant de s'accrocher un peu plus longtemps.
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Saving Private Ryan
Historical Fiction"Tu ne survivras pas là-bas; tu veux sauver des vies ? Tu vas perdre la tienne." Angleterre, 1940. Pour la deuxième fois dans l'histoire de l'humanité, une guerre armée se déclenche. Des milliers de soldats sont alors expatriés au front pour servir...