chapitre 2

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Le  vendredi du départ arriva très vite et je ne m'étais toujours pas faite à l'idée que dans quelques heures j'allais devoir quitter ma maison, mes souvenirs, mes amis, mes repères... Comment accepter que mon père était prêt à tout quitter sur un coup de tête pour aller vivre loin de tout !

Ce jour là, il rentra plus tôt du travail, inquiet ne pas avoir eu de réponse à ses nombreux appels. Il monta voir dans ma chambre, frappa à ma porte et n'ayant pas eu de réponse se permit d'entrer.

-Qu'est-ce que tu fais ici ? Alors maintenant tu ne respectes même plus mon intimité ! Il n'y a que ta petite personne qui t'intéresse, tu ne te préoccupes pas des sentiments ou de ce que pensent les autres, tu...

-Mia! m'interrompit mon père d'un ton glacial. Je t'ai appelé je ne sais combien de fois sur ton portable, j'ai aussi frappé à ta porte, mais tu ne pouvais pas m'entendre avec ton casque sur les oreilles et ta musique qui va finir par te rendre sourde ! Je me suis inquiété, tu peux te mettre à ma place 5 minutes?

Il secoua la tête comme dépité, se tournant vers la sortie. Avant de fermer la porte il me glissa quelques mots.

-Le taxi ne va pas tarder, j'espère que tes valises sont prêtes, on a juste le temps de prendre une douche et un petit en-cas pour la route .

Juste le temps...de quelques heures, pour tout quitter et laisser derrière nous une partie de notre vie ! Voilà ce que ça signifiait pour moi ! Je me sentais encore plus seule, incomprise. Le trou dans ma poitrine ne cessait de grandir, quand allait-il enfin prendre congé et me laisser respirer...sourire de nouveau .

Mon père, derrière la porte, se laissa tomber sur le sol les mains au visage. Avait-il fait le bon choix ? Réussirait- il à renouer ce lien qui nous unissait, retrouver sa petite fille si heureuse de vivre ?

Les larmes montaient en moi. Une fois de plus je me sentais mal. Malgré tout ce que je pouvais lui dire, toutes mes tentatives pour le repousser...j'aimais mon père et je ne voulais pas le voir ni le faire souffrir! Notre relation s'était dégradée peu à peu sans qu'aucun de nous ne sache comment faire, comment réussir à surmonter ça.

C'était tellement dur... Une partie de moi, de ma vie, s'était envolée voilà 2 ans et bientôt les souvenirs aussi disparaîtront peut-être, en quittant "mon chez-moi" .

Au moment du départ je restai devant la maison, comme pour dire adieu aux souvenirs passés. Je pus revoir l'espace d'un instant comme un flash dans ma tête, toute une partie de ma vie avec maman. Plus le taxi s'éloignait, plus mon angoisse grandissait, la peur de ce changement, trop de choses se bousculaient dans ma tête.

Durant le trajet il n'eut aucun échange avec mon père. Lui aussi paraissait préoccupé. Pensait-il qu'il faisait une erreur de tout laisser derrière nous ? Une chose était sûre, c'est qu'aucun de nous deux ne savait ce que nous réservait ce nouveau départ, dans cette nouvelle ville.

Je dormis durant quasiment la moitié du trajet, sans adresser aucun mot à mon père.

Il trouvait que je ressemblais de plus en plus à ma mère et dans un sens, c'était vrai. J'étais têtue et bornée, mais je ne me trouvais pas forte et courageuse comme elle ...

Je restai la tête appuyée contre la fenêtre à regarder le ciel changer de couleur. Je m'évadais une nouvelle fois...

Mon père quant à lui travaillait sur ses dossiers, comme à son habitude. C'était sa manière à lui de ne penser à rien et sûrement la raison du mal qui s'était installé entre nous. On ne communiquait presque plus et quand on le faisait ça finissait souvent par des cris, des portes qui claquent, des larmes.

Au bout de quelques heures on arriva devant un de ces hôtels lugubres, mal fréquentés. Mon père y avait réservé une chambre pour finir la nuit. Je sentais de nouveau l'angoisse prendre possession de moi, je n'avais qu'une seule envie, c'était de me réfugier dans le lit.

Le lendemain matin, en ouvrant la fenêtre, je pus apercevoir cette vue magnifique. La veille, je n'y avais pas porté attention. Les montagnes surplombaient cet immense et paisible lac...le lac de Lakeside.

Que me réservait cette nouvelle vie ici ? Tout devoir recommencer, rien que cette idée me donnait des frissons, me plongeait dans un vide inconnu .

Je restai là un moment, mille et une questions se bousculant dans mon esprit confus.

Mon père s'approcha et posa sa main sur mon épaule, je sursautai et d'un geste le repoussai, regrettant aussitôt mon geste. C 'était plus fort que moi, je m'interdisais toute marque d'affection et à force j'avais réussi à m'en convaincre. Je m'étais comme emmurée, mon corps, mon esprit, était devenu ma prison, pour ne plus jamais avoir à souffrir de la perte d'un être que j'avais aimé. Non... Je ne voulais plus aimer. Comment le lui dire, comment lui expliquer ? Il ne comprendrait pas, alors comme toujours je préférais garder le silence.

Mon père baissa lentement sa main, le regard tellement triste, ça me faisait mal de le voir comme ça, et je me détestais.

-Alors... comment trouves-tu Lakeside ? Tu verras il y a une très bonne école, tu te feras vite de nouveaux amis j'en suis sûr. Ils vont rapidement t' apprécier quand ils verront que ma fille est une personne formidable qui mérite d'être connue ! dit-il en riant. Un rire forcé, certainement pour cacher son malaise.

J'avais bien compris qu'il essayait de passer à autre chose après ce qui venait de se produire... mon nouveau rejet... j' esquissai un léger sourire.

-C'est joli ! Voilà les seuls mots que je prononçai. Mon père me rendit un sourire. Un dialogue semblable à deux étrangers, c'était donc ce qu'on était devenus, deux étrangers ?


Laissez moi le temps...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant