Sullivan
J'écrase ma cigarette dans le cendrier avant de me toucher les lèvres comme un demeuré, pour la énième fois depuis hier.
Je suis désolé. C'est de loin la phrase la plus stupide que j'ai sortie de toute ma vie. Je sais bien qu'au fond, je ne le pensais pas. Sans cet appel, j'aurais fait une belle connerie.
Comment deux pauvres semaines peuvent-elles raser cinq ans avec autant de facilité ?
D'un côté, j'ai Kate et des souvenirs qui reviennent par intermittence. Je ne peux pas tirer une croix dessus, c'est au-dessus de mes forces. Et de l'autre, j'ai Max avec qui je veux partager des choses. En cinq ans, c'est la première femme que je veux connaître autant sur tous les plans : émotionnel, mental et physique. Je veux un tout.
Mais comment avoir un tout quand on a le cul entre deux chaises ?
Il me faut une deuxième clope. J'ouvre machinalement mon paquet et sors une cigarette que je coince entre mes lèvres. Je l'allume, tire une taffe et ferme les yeux en pensant à notre baiser. Inattendu, pour elle. Trop attendu, pour moi. Je savais bien que j'allais finir par l'embrasser dans la journée. Je ne faisais que loucher sur sa bouche et m'imaginer le goût qu'elle aurait. J'ai craqué, et c'était encore plus bon que ce que je croyais.
Je déteste l'avouer mais mon père avait raison. Il me disait souvent que les hommes et les femmes étaient dominés par leurs désirs et qu'ils étaient prêts à tout sacrifier pour les assouvir. J'ai toujours trouvé cette vision des choses pessimiste ; et le plus ironique dedans, c'est que, même des années après, je n'échappe pas à la règle. Ce n'est qu'une question de temps avant que j'en devienne l'un des malheureux exemples.
– Salut.
Je sursaute et rouvre les yeux. Max est entrée dans la cuisine.
– Salut, je réponds en tirant une autre taffe.
Elle ne m'évite pas, mais je sens qu'elle est distante depuis la veille. C'est compréhensible. Je l'embrasse puis je m'excuse et lui dit que je ne le ferais plus, sans lui donner une quelconque explication. Déjà que je suis imprévisible, si en plus, je me mets à agir de manière antithétique, nous sommes plutôt mal barrés.
– Eden veut te parler, déclare-t-elle en me tendant son téléphone. Il dit que tu ne lui répondais pas.
Je l'attrape en la remerciant.
– Allô ?
– Sully ! s'exclame Eden. Alors, ça y est, le vieux débris qui te permettait de nous appeler a rendu l'âme ? C'est pour ça que tu ne réponds plus ?
Un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Même en étant loin, il arrive à me donner envie de rire. C'est fou.
– Il marche toujours. Je l'ai juste laissé dans ma chambre, dis-je tout en observant Max, du coin de l'œil. Et toi, pourquoi tu m'appelles ? Il y a un problème ?
– Non, non, tout baigne. Je suis venu me renseigner au sujet de...
Je ne l'écoute plus : je regarde Max se diriger vers la sortie de la cuisine, sans pouvoir m'empêcher de détailler sa tenue. Grave erreur. Elle est vêtue, en tout et pour tout, d'une petite culotte noire et d'un débardeur. Rien de bien provocateur, me dira-t-on, d'autant plus qu'elle s'est toujours baladée ainsi, mais j'ai de plus en plus de mal à rester indifférent.
Surtout depuis hier.
Putain...
Je la suis du regard. Ses cheveux humides lui tombent sur les épaules et son dos est légèrement mouillé ; mes yeux descendent au niveau de ses fesses, où une phrase est inscrite en blanc : If you're reading this, fuck you.

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Hot-dog [Terminée]
Romansa« Un été, c'était assez pour me faire baiser. Dans tous les sens du terme » Max a décroché un nouveau job : House Sitter. Pendant deux mois, elle surveillera la propriété d'un couple riche et sera logée, nourrie, blanchi à moindre frais à Miami. À...