chapitre 1

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Je déteste les lundis matins. Comme tous les autres jours de la semaine, excluant samedi et dimanche. Non, même eux, je les déteste.

Je m'inspecte dans la glace de cette chambre beaucoup trop grande et beaucoup trop belle pour ce que je devrais mériter. C'est dans ces moments-là que ma minuscule et crasseuse chambre d'enfance me manque. Même si je la regagne assez souvent dans mes cauchemars...

Je vis depuis quelques années chez mon oncle. C'est un peu la seule famille qui me reste (ou plutôt, le dernier membre de ma famille assez fou pour vouloir de moi chez lui). Après tout, ma mère est décédée et mon père passe son temps en cure comme si c'était un Club Med sous le soleil. Je suis de la mauvaise graine, c'est le pronostic de ma famille toute entière en tout cas. J'adore quand, lorsqu'il y a des fêtes de famille, j'entends mes autres tantes murmurer à mon oncle des phrases qui me font doucement rire. ''N'as-tu pas peur qu'il ait une mauvaise influence sur ton fils ?'' ''Ne crois-tu pas que de l'envoyer dans un lycée privé est une mauvaise idée ? Il devrait retourner de là où il vient, dans les rues.'' Premièrement, mon cousin s'en fiche de moi. Je pourrais être tout aussi bien une merde de pigeon qu'il me porterait plus attention. Seokjin est comme tout le reste de mon lycée, dans une classe à part, à laquelle je n'appartiens pas. Tant mieux, car je n'ai pas envie de m'intégrer avec eux. Je viens du monde pauvre moi, le reste de ma famille sont friqués comme Bill Gates. J'abuse à peine...

Bref, tout ça pour dire qu'une fois de plus, un foutu lundi matin, je me regardais dans la glace en essayant de resserrer ce nœud de cravate. Forcément, quand tu vas dans un lycée privé, tu portes le bel uniforme qui va avec. Moi je le trouve plutôt moche, mais tout le monde sera sûrement persuadé que c'est toujours mieux que mes vêtements moisis habituels. À croire que je m'habille chez Walmart ou dans le rayon vêtements du supermarché. Il n'y a pas à s'inquiéter, mon oncle a refait ma garde-robe.

Après avoir arrangé ma cravate et lissé comme un forcené le veston rouge de mon uniforme, j'inspecte mon visage. Pourtant il n'a pas changé depuis ces dix-huit dernières années. Enfin il a évolué, mais c'est toujours la même tête. Mes cheveux bruns sont comme de la paille et je me demande comment tous les gosses du bahut font pour avoir les cheveux aussi brillants qu'une boule disco. Les miens sont ternes, comme tout le reste de ma personne. Je regarde ensuite mes dents. Au moins j'ai le mérite d'avoir un sourire Colgate, sauf que je ne souris jamais. Ça m'a valu beaucoup trop de remarque du genre ''petit poney'' pendant toute mon enfance, alors maintenant je ne dévoile plus celles-ci.

Finalement, après ce petit rituel matinal totalement inutile puisque je ne me soucie que très peu de ce que les étudiants de mon école peuvent penser de moi, je prends mon sac et pars rejoindre mon oncle et mon cousin à sa voiture. Il a l'air tellement exaspéré de me voir devant lui. Jin est le parfait stéréotype de cette école : bien trop soigné, bien trop parfait, bien trop haut pour moi. Le mépris, c'est un peu trop ma tasse de thé voyez vous... Je suppose qu'il me déteste aussi parce qu'il est forcé de se faire reconduire en cours en ma compagnie. Bien évidemment, être proche de moi c'est trop la honte.

Je ne sors que du palace (j'aime aussi appeler la maison ''hôtel'') qui me sert de refuge pour aller en cours et chez mon psychologue. J'ai peur du monde extérieur, il est trop sujet à provoquer des crises de psychoses chez moi. Alors mon oncle, tel un bon samaritain, a décidé de me reconduire au lycée tous les jours, en plus de venir m'y chercher à la fin. Je le comprends de vouloir éviter de me foutre dans un bus bondé de petits princes et petites princesses, parce que je pourrais tout aussi bien devenir un monstre en public. Il faut à tout prix éviter ce genre de catastrophe : sinon je me ferais virer et je serais obligé de fréquenter une autre école. Quel dommage...

Il s'est donc dit que ce serait le moment idéal pour que Seokjin et moi, redevenions proche, comme dans le ''bon vieux temps''. Sauf que nous n'avons rien en commun à présent. Ça doit donc être une raison de plus pour me détester moi, qui a bouleversé sa vie si parfaite... Pauvre Jin. Sa vie est si compliquée, je le plains tellement.

sounds like a phobiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant