chapitre 9

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Mes mains me démangent affreusement. Depuis plusieurs jours je n'arrive pas à dormir ; et aujourd'hui la date fatidique vient de tomber. Je ressens trop d'excitation dans mon corps, mélangé à ma nervosité, cela forme un cocktail assez explosif. Non pas que j'appréhende de découvrir l'identité de ce foutu harceleur, mais surtout parce que cela fait au moins quatre jours que je me retiens de taper dans quelqu'un ou dans quelque chose. Je garde en réserve toute cette haine et cette rancune accumulée depuis une semaine, rien que pour pouvoir décharger cette énergie en pleine gueule de cet idiot.

Je suis en colère. Contre mon père. Parce que sans lui, j'aurais pu m'en tirer bien mieux et les flics n'auraient pas débarqué au domicile de mes tuteurs avec un cadeau empoisonné. Je suis en colère contre ce garçon qui se trouve marrant en faisant souffrir Yoongi. C'est sûr qu'on se sent tellement plus puissant quand on est derrière l'écran et qu'on est intouchable. Je suis en colère contre Jimin. Ça a été beaucoup trop facile pour lui d'entrer dans ma vie, et c'en est d'autant plus d'en ressortir. On ne se parle plus depuis la dernière fois, quand la police nous a amené au poste. En même temps, qui blâmer à part ma propre personne ? J'avais merdé sur ce coup, et c'était peu dire. Mais j'étais surtout en colère contre moi. D'avoir voulu naïvement aider mon géniteur, en ignorant les conséquences et les répercutions que ça allait avoir. En colère contre moi d'être aussi facilement embarqué dans le jeu de Jimin. C'est trop cruel de tenir à quelqu'un. Je le sais par deux fois, mais on dit bien jamais deux sans trois n'est-ce pas ? Mais je suis surtout en colère contre moi pour une raison bien précise : je suis en colère d'exister. Tout serait plus facile si ma mère avait compris le concept de la contraception ou de l'avortement.

Tout ça pour dire que j'étais sur les lieux de la rencontre et j'étais nerveux. Nerveux dans mon excitation. Enfin j'allais pouvoir tout évacuer. Au diable les conséquences, s'il y en avait. Je doute qu'une bataille entre étudiants en dehors des heures de cours ait beaucoup de répercutions. J'étais adossé contre un gros arbre, en retrait. Yoongi était assied fébrilement sur un banc du parc, endroit qui d'ailleurs, était étrangement désert. Tant mieux. Je voyais bien que mon ami était beaucoup plus anxieux que moi à l'idée de cette confrontation. Après tout, c'était mon idée. Ses mains étaient agrippées au rebord du banc, dévoilant ses jointures pâles et noueuses. Je m'en voulais de l'avoir embarqué dans mon plan idiot, mais comme ça, plus personne n'oserait s'attaquer à lui. Et j'avais bon espoir que Yoongi puisse apprendre à aimer la vie, une fois cette histoire réglée. Ironique de dire ça, comme tout ce que je souhaiterais, c'est n'être que poussière, mais lui, il méritait tellement mieux. Tellement mieux qu'une vie de tristesse et de malheur.

Je ne pouvais pas me permettre de perdre une troisième personne par le biais du suicide. Ça commençait à faire un peu trop. Maman, puis Misa et maintenant, Yoongi ? Non merci, je refuse.

Ah, ce bon vieux Hoseok qui se fichait du sort des autres, il me manque ! Mais si je m'en tiens aux mots de Maeda, il faut que j'apprenne à vivre, moi aussi. À vivre avec les gens qui m'entourent. Il faut que je prenne conscience que je vaux autant que quiconque, et surtout il faut que j'apprenne à m'aimer moi-même, a-t-il dit. J'ai ris à l'intérieur. On m'a plutôt appris à faire le contraire depuis le moment où j'ai vu le jour. Maeda dit aussi que c'est les personnes les plus brisées, comme moi, qui cherchent à réparer les autres. Je suppose que c'est notre façon de se sentir plus entier.

Je regarde ma montre. C'est l'heure. Je garde ma capuche sur ma tête, en observant mon ami à quelques mètres de moi. Pile à l'heure. Un groupe de garçons s'approche, leurs visages étant dissimulés. Ils s'arrêtent devant Yoongi qui relève vivement la tête vers eux. Je ne vais pas rester en retrait bien longtemps, car je peux sentir son malaise d'où je suis. Et puis mon but n'était pas de le jeter dans la gueule du loup. Je m'approche lentement du groupe. Et plus je m'approche, plus je discerne le visage livide de mon ami.

sounds like a phobiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant