Trentième chapitre

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Nous sommes le 6 aout 2009. Il est 14h, la ville de Paris est en ébullition. Ses ruelles sont pleines de touristes visitant la ville de l'amour, les parisiens continuent de vivre à deux mille à l'heure, les pigeons frôlent les têtes des passants. À cette heure-ci la chaleur est étouffante et le bruit de la circulation est assourdissante. Je sens mes joues chauffaient tandis qu'une goutte coule le long de ma nuque dénudée. Je passe ma main sur celle-ci en basculant ma tête en arrière. Un soupir s'échappa de ma bouche et je suppliait intérieurement la mère nature de nous faire grâce d'au moins un léger souffle de vent. En vain. 

J'ajusta mon chignon et jeta un rapide coup d'oeil dans une vitrine. Ma mère marchait d'un pas décidé à mes côtés et l'on traversa ensemble la route pour rejoindre la ruelle d'en face. Nous marchions en silence, l'ambiance lourde. Enfin, les coeurs lourds plus précisément. On savait qu'il ne fallait pas parler. À ce moment précis, si je dis un mot, je m'enfuis, je fais demi tour, et je ne reviens plus. Alors non, je marche la tête haute, je ne ralentis pas, j'y vais, je gonfle la poitrine et j'assume. Surtout ne pas se dégonfler, jamais.

Dix minutes de marche plus tard, on s'arrêta devant un bâtiment.

-On y est, dit-elle, prête?

Elle tenait ma main dans la sienne.

-Prête, répondis-je, en serrant un peu plus sa main.

Elle poussa la porte lourde du commissariat et je la suivis. Je sentis mon coeur se balancer, mes joues et mes oreilles chauffaient, ma gorge sèche. Alors j'ouvris doucement la bouche, pris une inspiration, et souffla discrètement.

On se retrouva dans le hall. Il y a avait un accueil sur la droite avec deux agents, des sièges en face d'eux ainsi qu'à gauche de la salle. En face de l'entrée se trouvait un long couloir peu lumineux avec des bureaux, où certaines personnes entraient et sortaient. Quelques pots de fleurs étaient posés à droite et à gauche de la salle, juste à coté des sièges en guise de décoration, et vers le mur gauche, juste entre les sièges d'attentes et le couloir, se trouvait une grande étagère avec énormément de prospectus en tout genre. Contre la violence conjugale, contre les viols, contre la drogue ainsi que l'alcool, sans oublier les associations pour les aides aux victimes.

Plusieurs personnes étaient assises sur les sièges d'attente, pour la plupart avec un visage fermé et fatigué. C'était assez triste de constater que la plupart des personnes présentes étaient en majorité des femmes. Certaines accompagnées d'enfants. Au milieu de la salle se trouvait trois personnes. Un couple accompagné de leur avocat. Je ne me souviens plus de leur conversation, mais l'expression de leurs visages en disait long sur leur moral.

J'avais lâché la main de ma mère dès que nous étions rentrés et l'on se dirigea directement à l'accueil. Il y avait un homme et une femme assis au bureau. Ma mère se présenta, dit nos noms et précisa l'heure et le nom du brigadier avec qui nous avions rendez-vous. L'homme nous demanda nos cartes d'identité tandis que la femme vérifia bien que nous avions rendez-vous sur un large cahier. Elle prit alors le téléphone et prévenu le brigadier que nous étions arrivés, puis nous dit que nous pouvions patienter quelques minutes car il arrivait. On s'installa sur les sièges à droite du bureau de l'accueil, juste en face de l'ascenseur.

Deux minutes plus tard, l'ascenseur s'ouvrit une nouvelle fois et un homme en sortit. Il se dirigea vers nous.

-Mme.Fauré? dit-il en tendant la main à ma mère.

-C'est moi, répondit-elle en lui serrant la main.

-Et toi c'est Elena je présume? dit-il en se tournant vers moi et me serrant la main.

-Oui, répondis-je timidement.

Il était grand et mince, la silhouette élancée. Les cheveux courts et bruns, des yeux clairs mais quelconques, un nez long, des lèvres fines, et surtout, de grandes oreilles. Il était en tenue de civil, un tee-shirt gris et un jean bleu foncé délavé. Cependant, son visage m'inspirait confiance. Il avait cet air serein, cette expression sur le visage qui avait l'air de dire "tu peux parler, je suis là pour t'aider, quoi que tu dises ça ne m'impressionnera pas, je suis là pour ça." Cela fait beaucoup pour une expression, mais c'est cette impression que j'ai eu en le regardant.

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