Chapitre 22

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Chapitre 22.

Elijah s'écroula sur son fauteuil à roulettes. Il se prit la tête entre les mains, l'air désespéré, complètement anéanti. Rob était parti voilà à peine quelque secondes, allant régler d'autres dossiers de la compagnie. J'en profitai maintenant que nous étions seuls pour m'approcher de lui. Je murmurai doucement son nom. Il releva alors la tête et son regard s'ancra dans le mien. Je me figeai; je n'avais jamais vu une telle expression parcourir son visage : à la fois de tristesse et de profond désespoir.

-Dylan...

Sa voix n'était qu'un murmure que j'eus peine à entendre, presque inaudible.

-S'il te plaît, fais-le, j'en ai besoin : embrasse-moi.

Oh mon Dieu! Je clignai des yeux plusieurs fois, ne pouvant pas y croire.

-Quoi? Bégayai-je à voix basse.

J'avais sûrement mal compris ou alors mon cerveau me jouait de bien vilains tours.

-Non, non, je ne peux pas, finis-je par dire en secouant la tête, aussitôt que tu auras repris tes esprits, tu voudras me frapper et m'engueuler!

-Je te jure que non... S'il te plaît... Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour toi.

Eh, merde! Il venait tout juste d'anéantir mes dernières défenses. Comment résister à un tel regard, alors qu'il me suppliait presque? J'avais atteints mes limites. Je fondis sur place comme une glace au soleil. J'appuyai les paumes de mes mains sur les appuis-bras de son fauteuil et me penchai sur lui. Prudemment, comme si j'avais peur qu'il change subitement d'envie, je nouai mes lèvres aux siennes. J'en avais envie depuis tellement longtemps!

Je m'étais attendu à ce que ce soit un long baiser passionné et langoureux, mais Elijah bougea sous moi et prit rapidement le contrôle. Il m'embrassa comme si c'était le dernier jour de sa vie, comme s'il cherchait son air avec la force d'un désespéré. Ce fut brutal, puissant, vif, ce fut le meilleur baiser de toute ma vie, nos langues se livrant un duel acharné duquel il ne sortirait aucun vainqueur.

Au bout d'un moment, je dus reprendre mon souffle, mais sitôt fait, il m'attira de nouveau à lui, me forçant pratiquement à m'asseoir en califourchon sur lui. Le baiser reprit de plus bel, sa langue s'enfonçant encore plus profondément dans ma bouche.

-Ça suffit, réussis-je à dire contre ses lèvres. Je n'ai plus l'endurance d'un jeune de 22 ans!

-Tu n'as que quelques années de plus que moi...

-Ne me fais pas me sentir vieux!

J'accotai mon front contre son épaule, tandis qu'il posait ses mains sur mes cuisses.

-Qu'est-ce que tu vas faire... pour ton père? Finis-je par demander après un moment de silence.

-Ne gâche pas ça, ne gâche pas le moment. Nous en parlerons plus tard.

Je me laissai facilement convaincre.

-Alors, dis-moi pourquoi tu ne voulais pas m'embrasser jusqu'à maintenant.

Il se pinça les lèvres. Je vis qu'il hésitait, que j'avais créé une brèche dans l'armure.

-Je suis désolé, je ne peux pas te dire ça, pas maintenant.

J'étais déçu qu'il ne me fasse pas suffisamment confiance pour me le dire, mais je camouflai du mieux que je pu ma déception.

-Très bien, concédai-je. Une autre fois...

Je savais que je n'obtiendrais probablement rien de plus de lui aujourd'hui. Je débarquai donc de ses cuisses et me relevai tout en remettant de l'ordre dans mes habits.

-Rentrons à la maison, proposai-je, j'ai faim et j'ai envie de cuisiner un truc.

-Pas la peine de te fatiguer avec ça, le cuistot doit déjà être passé livrer quelque chose.

-C'est ridicule cette histoire de chef cuisiner à domicile! Ça coûte cher pour rien! Je ne peux pas croire qu'avec tout l'argent que tu as dépensé pour cette bâtisse que tu en aies encore pour un cuisiner personnelle! Je pourrais très bien cuisinier pour nous deux chaque soir pour beaucoup moins cher...

-Sans que ce soit brûlé? Demanda Elijah avec un sourire moqueur.

Il souriait. Avec un peu de chance, il ne penserait plus au conflit avec la compagnie de son père ce soir.

-Sans que ce soit brûlé! Affirmai-je en croisant les bras sur mon torse, fier.

-Très bien, alors, je renverrai le cuistot et ça te donnera quelque chose à faire de tes journées. De toute façon, tu es homme au foyer, non?

Je grognai pour toute réponse. Je détestais qu'il me rappelle à quel point peu de diplômes ornaient les murs de ma chambre et mon CV en parallèle. Je me sentais... inutile. La seule façon que j'avais trouvé pour me faire de l'argent facilement, ça avait été de vendre mon cul. Je n'en étais pas fier du tout.

-J'aimerais reprendre les étude, lâchai-je soudainement de but en blanc.

Je ne voulais pas continuer à ne rien faire de ma vie comme ça.

-Je pourrais t'aider, proposa Elijah, te payer tes cours.

Je fronçai les sourcils.

-Absolument pas!

Elijah cligna des yeux, visiblement surpris par ma réponse vive. Voyant qu'il était bouche-bée par ma réaction, je décidai de m'expliquer :

-Je veux dire, je veux faire ça tout seul, moi-même. Je ne veux pas que mon futur soit dépendant de toi, mon présent l'est déjà assez comme ça.

Pour le moment, j'étais complètement dépendant de Elijah. Si demain il décidait de divorcer, j'allais forcément me retrouver dehors de notre condo qui était sûrement au nom seul de mon compagnon, à la rue. Où irais-je me réfugier? Chez Rob, à tous les coups. Si Elijah me jetait, Rob cesserait peut-être sa collaboration avec lui, il se retrouverait sans emploi avec une petite fille en garde partagée à élever. Il finirait, lui aussi, par me mettre à la rue. Il y serait forcé.

Voilà pourquoi je voulais que ma vie m'appartienne pour ne plus être dépendant de personne, pour pouvoir être libre. Et faire en sorte que si je devais chuter, je n'entraîne personne avec moi.

-Je comprends, finit par dire Elijah, me laissant surpris de sa réaction parce que je ne m'étais pas attendu à autant de compréhension de sa part, mais j'aurais dû m'y attendre, car lui-même voulait son propre succès sans y impliquer le nom des Blackwood, après tout.

-Merci. On rentre à la maison, maintenant?

Il hocha lentement la tête et se leva à son tour.

-Oui, allons-y.

Je le suivis jusqu'à l'extérieur de son bureau où nous prîmes l'ascenseur. Quand le petit cabinet métallique s'arrêta au rez-de-chaussée, nous en sortîmes et c'est alors que Rob fonça directement sur nous avec un dossier en main.

-Elijah! Appela-t-il.

L'interpellé s'arrêta dans son élan pour le regarder et me stoppai près de lui.

-J'ai des informations concernant la transaction, commença Rob. Je sais qui sera le négociateur de ton père.

-Ne l'appelle pas ainsi.

-Nous savons qui sera le négociateur de Blackwood International, se corrigea l'avocat.

-Et de qui s'agit-il?

-De ton oncle.

Avant même que j'ai pu demander quoique ce soit, je vis du coin de l'œil que Elijah était devenu plus blême qu'un fantôme et qu'il ne bougeait plus. Il semblait absolument terrorisé, comme si de vieux souvenirs remontaient le hanter... 

Love affairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant