Chapitre 10

16.7K 1.4K 125
                                    


Chapitre 10.

Quand nous sommes sortis de la rencontre avec son père, le moral d'Elijah était plus bas que zéro. J'allais partir quand il m'attrapa par le bras et me tira dans une petite pièce ressemblant à un bureau; une bibliothèque couvrait le mur du fond. Il referma la porte derrière nous.

-Ne va pas croire que je ne suis plus énervé par ce que tu as fais, lâcha-t-il, mais... je... tu dois accepter l'entente que mon père cherche à passer.

Il voulait rire? Il voulait faire une blague? C'était certain, il ne pouvait pas être sérieux. Pourtant, quand mon regard croisa le sien, j'eus peur de comprendre qu'il pensait chaque mot qu'il disait. Je déglutis, puis couinai.

-Il n'en est pas question! Tu viens de me jeter du haut de ton trône et tu voudrais que je te fasse une faveur, maintenant? Mais ça va pas, la tête?! En plus, je n'ai rien à y gagner!

-Écoute, Dylan, je... Je peux te payer s'il le faut.

-Tu dois déjà me faire un chèque, ne vas-tu pas te ruiner?

-Ce n'est qu'une coquette somme, je peux t'offrir bien plus.

Je devais admettre que la proposition était alléchante, mais j'avais toujours quelques principes.

-Je suis désolé, mais c'est d'un mariage dont on parle : la chose la plus sacrée dans la vie d'un être humain! Je ne vais pas lier ma vie à la tienne pour l'éternité en échange d'un peu d'argent!

-Ce n'est pas si sacré que ça. On prononce quelques vœux, échangeons des anneaux et le tour est joué.

-Et que fais-tu de la nuit de noce?

-On fait ce qu'on veut de cette nuit-là, Dylan, et de toutes manières, ce n'était pas comme si faire ce genre de choses était nouveau entre toi et moi.

-Tu auras beau me sortir tous les arguments du monde : je ne me marierai pas avec toi.

Elijah s'appuya sur le bureau derrière lui et croisa les bras sur son torse, à court d'arguments. Il semblait... anxieux. Il leva ses yeux au plafond tout en mordillant sa lèvre inférieure. C'est à ce moment-là que je compris quelque chose.

-Tu as peur, énonçai-je brusquement.

-Je ne vois pas de quoi tu parles.

-Tu as peur de ce qui arrivera si ce mariage n'a pas lieu.

-Bien sûr, je ne veux pas finir ma vie avec une fille que mes parents auront choisie pour moi!

-Je ne parlais pas de ça. Tu as peur de ton père.

J'avais lâché ma bombe. Elijah se figea. Bingo, pensai-je.

-Tu ne peux pas comprendre..., murmura-t-il, ce que tu as vu hier... il y a bien pire...

Sa voix n'était plus qu'un chuchotis, mais j'entendis aussi distinctement que s'il m'avait dit cela dans le creux de l'oreille. Chaque mot semblait lui être arraché de force, il n'aimait pas parler de sa faiblesse. Je pouvais le voir dans ses yeux. Je n'imaginais pas les horreurs qu'il avait dû endurer plus jeune. Je fus envahi d'une soudaine vague de compassion à son égard. Je ne voulais pas qu'il se fasse frapper par ma faute...

Malgré le fait qu'il soit riche, je commençais tout juste à entrevoir que sa vie pouvait ne pas être toute rose.

-D'accord, finis-je par déclarer, je vais le faire.

Il releva la tête sur moi, comme s'il ne m'avait pas entendu, comme s'il n'y croyait pas.

-Quoi? Qu'as-tu dis?

-Je vais le faire, répétai-je, je vais t'épouser. Cependant, j'ai une condition.

Il ne s'attendait tout de même pas à ce que j'accepte sans rien exiger en retour, non?

-Laquelle?

-En échange, je veux que tu te rebelles contre ton père.

Elijah s'attendait sûrement à quelque chose d'autre, car la surprise s'afficha sur son visage.

-Attends, non, je...

Son évidente frayeur dès que l'on parlait de son patriarche refaisait surface : Elijah n'avait même pas l'air de croire qu'un jour il puisse être libérer de sous son joug.

-J'accepte de t'épouser pour que tu puisses accéder au rênes de la compagnie et vivre ta propre vie sans que personne ne puisse te la dicter, parce que tu as cette chance. Alors, je n'accepterai pas que tu gâches tout ça en te soumettant aux moindres désirs de ton père.

-Il fait ça pour mon bien... Il pense bien faire.

-C'est ma seule condition, n'espère pas me faire changer d'avis.

-Je ne peux pas faire ça, Dylan...

-Très bien, alors dis-moi pourquoi tu refuses systématiquement d'embrasser, le provoquai-je en haussant un sourcil.

-Très bien, soupira-t-il, je vais faire ce que tu demandes, mais seulement après le mariage. Ça risque de lui briser le cœur.

Je regrettais un peu autant que j'étais satisfait. J'aurais vraiment aimer savoir quel genre de traumatisme ou d'histoire se cachait derrière son obsession de ne pas vouloir embrasser.

-Je ne te demande pas de le renier, juste de lui faire voir que tu es un homme adulte capable de t'occuper de toi-même tout seul.

-Tout ce que mon père veut, c'est assurer l'avenir de la multinationale et l'héritage des Blackwood, mais en vérité, j'ai toujours voulu me dissocier de ce nom.

Ce fut à mon tour de le regarder avec étonnement. Il avait des tonnes de milliards de dollars à la clef et, lui, il voulait s'en détacher?

-Ne me regarde pas comme ça, dit-il avec un petit rire. Partout où je vais, il y a toujours des gens qui vont dire que tout ce que j'ai, je le possède grâce à mon père. Mon rêve, ce serait que mon succès soit réellement mien. Je voudrais pouvoir bâtir ma propre réputation sans que celle-ci ne soit basée sur ce que mon père a accompli. Néanmoins, je ne crois pas que cela soit possible un jour... J'hériterai des rênes de la compagnie et je n'aurai d'autres choix que de faire ce que l'on attend de moi.

Ce que disait Elijah m'intriguait. Je n'avais jamais pensé qu'il puisse avoir ce genre de problèmes, ce genre d'aspirations. Pour moi, il vivait une vie dorée avec un avenir prospère déjà tout assuré. Qu'il puisse ne pas vouloir de cette avenir et de cet argent facile ne m'était jamais venu à l'esprit.

-Qu'est-ce qui t'empêche de briser les règles?

-Je ne peux pas foutre en l'air ce que mon père a passé sa vie à construire, Dylan, tu ne peux pas comprendre. Toi, tu as toujours vécu libre, mais moi, j'ai des responsabilités, un poids à porter sur mes épaules et une destiné déjà toute tracée. Puis, même si je décidais de fonder ma propre compagnie, il y aurait toujours des gens pour attribuer mon succès à celui de mon père. Et en acceptant de m'épouser, tu entres toi aussi dans ce cercle vicieux : tout ce que tu entreprendras et que tu réussiras, les gens penseront que tu me le dois.

-Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle, avouai-je.

-Je sais. Peu de personnes voient les choses ainsi. La plupart des gens pensent comme toi : ils se disent de quoi je pourrais bien me plaindre, alors que j'ai une cuillère en or dans la bouche.

Il haussa les épaules et se décolla du bureau.

-Je ne t'en veux pas, rajouta-t-il. Sache que ce que tu me demandes est gros, alors assure-toi d'être un bon époux.

Il passa près de moi et pressa ses lèvres contre mon oreille :

-Et surtout que cette fameuse nuit de noce soit inoubliable. Tu ferais mieux d'être préparé. Je vais aller annoncer la bonne nouvelle à mon père, tu peux aller m'attendre dans ma chambre, j'ai quelque chose pour toi.

Même s'il n'y avait plus de contrat, il me donnait toujours des ordres et me renvoyait toujours dans cette foutue et ennuyeuse chambre. J'allai protester, mais finalement j'étais curieux de savoir ce qu'il voulait me donner, alors je pris le chemin de sa suite royale.  

Love affairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant