Chapitre 4

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Quand j'étais petit et que je jouais avec les autres gamins de l'école, j'avais toujours le même rôle. Celui du grand méchant loup. Au début je voulais pas le faire puis j'avais fini par m'y habituer puisque sinon ils ne voulaient pas jouer avec moi. Ce qui fait que quand la maîtresse nous lisait des histoires avec des méchants, j'avais toujours pitié des méchants parce qu'ils étaient toujours tout seul. Pourquoi est-ce que tout le monde trouvait ça normal que le troisième petit cochon mange le loup ? Il était aussi méchant que lui alors que tout le monde trouvait que c'était bien fait pour le loup. On avait le droit de faire des choses méchantes si c'était en accord avec ce que pensait la majorité ? Quand j'ai commencé à me faire insulter et frapper dessus en arrivant au collège, j'ai fini par me dire que j'avais raison et que personne ne s'apitoierais sur le sort du pauvre loup. 

J'avais ma tête dans mes bras et regardais le nouveau, Andy, qui s'était de nouveau assit auprès de moi. Est-ce que lui aussi avait joué le méchant loup ? Je trouvais, même si je n'osais pas l'admettre, que l'on se ressemblait. 

Même si je ne trouvais pas vraiment en quoi nous l'étions. Il portait des vêtements près du corps qui mettait en valeur sa mince stature alors que je cachais mon corps sous d'immenses pulls et t-shirts trop grand pour moi. Mes anciens jeans ne me serraient même plus les jambes. Ses cheveux longs noirs lui tombaient sur les épaules alors que les miens cachaient mes yeux marrons foncés alors que les siens étaient éclatants, d'un bleu qui se confondait avec la blancheur de son iris. 

- Ça va, Oli ? me demanda-t-il en tournant la tête vers moi

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- Ça va, Oli ? me demanda-t-il en tournant la tête vers moi. 

Il me sourit alors que je grognais en remettant ma tête dans mes bras, décidant de dormir jusqu'à la fin du cours. J'entendais le crayon d'Andy grattait le papier près de moi alors que les ongles de sa main gauche battaient le bois de la table en un rythme régulier. Inconsciemment, mon pied battait la mesure, ma basket frappant discrètement le sol sous ma table. Je n'entendais même plus la voix du prof, trop concentré sur les doigts d'Andy. Les siens étaient fins et reflétaient une certaine agilité alors que les miens étaient osseux, la peau tirée autour de mes phalanges prête à craquer. 

La cloche hurla dans la salle et je sursautais en ouvrant brusquement les yeux pendant que toute la classe se levait pour partir en courant de la pièce, fermant leur sac sur la route. Je relevais la tête, les yeux fermés encore trop éblouis par la lumière et rangeais ma trousse dans mon sac. 

- On y va ? entendis-je une voix me demander. 

Andy était assis sur une table et semblait m'attendre. Je fronçais les sourcils. Il allait vraiment m'accompagner partout où j'allais. Il n'y avait pas pire forceur que lui. Je mis mon doigt sur mes lèvres alors que je branchais mes écouteurs à mon portable. Il sembla comprendre ce que je lui demandais et il sourit en mettant également ses écouteurs dans ses oreilles. Je sortis de la salle et aperçus du coin de l'oeil, le sourire de la prof à notre passage. Andy se tenait derrière moi me suivant partout où j'allais. Le prochain cours était le cours de sport. Au bout d'une dizaine de séance avec ma classe, j'avais fini par comprendre qu'il ne fallait pas que j'y aille. Des bleus à causes des ballons lancés à pleine vitesse sur mon frêle corps, mes vêtements que je retrouvais mouillés sous la douche ou brûlés, les insultes sur mon physique. Mes parents n'avaient plus la force de m'engueuler à ce propos et avaient appris à se contenter d'ignorer les messages de l'école. Pendant ces moments-là, j'allais souvent dans un bar où je savais que le patron ne regardait jamais l'âge de ses clients où parfois j'allais errer dans l'ancienne zone industrielle qui n'était maintenant plus qu'un vaste champs de ruine. Maintenant, les bouteilles brisées s'y entassaient au milieu de mégots de cigarettes et de joints. C'était là où j'avais décidé d'aller aujourd'hui, Andy sur mes talons. 

- C'est glauque comme endroit, commenta-t-il. 

- Si tu le trouves déjà glauque, je te déconseille de venir ici la nuit.

- Oh mon dieu il parle ! 

Je levais les yeux face à sa remarque puéril et ressentais un léger frisson parcourir mon corps : Et s'il était comme les autres ? J'étais vraiment con de l'emmenais ici sans savoir s'il comptait me blesser ou pas. 

- Je n'aime pas parler pour ne rien dire, apprends à vivre avec ça. 

- Pourquoi ? T'as une jolie voix. 

Je secouais la tête à sa remarque. Ma voix devait sans doute être belle avant mais maintenant je l'avais abîmé avec trop de cigarette et cris parmi les pleurs. Elle était rauque et oscillait entre des sons grave et médiums comme une guitare mal accordée. Je rentrais dans un des rares bâtiments qui possédait encore un toit et montais les escaliers qui menaient à une esplanade poussiéreuse sans barrière. Je me suis demandé des centaines de fois combien de temps on mettrait à trouver mon cadavre si je sautais d'ici. Il y avait une quinzaine de mètres de chute. En bas je serais accueilli par le sol en béton crasseux rempli de tessons de verres. 

- Qu'est-ce que tu fais ? me demanda Andy

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- Qu'est-ce que tu fais ? me demanda Andy. 

- Ferme là. Je pense, répondis-je en murmurant. 

Il s'assit par terre sans se préoccuper de la saleté de l'endroit. Combien de fois devrais-je l'envoyer bouler avant qu'il me laisse tranquille ?

- Pourquoi t'es venu ? 

- Je sais pas, j'avais pas envie de venir en sport.

- Alors pourquoi pas aller de ton côté ? 

- Je ne connais pas la ville et j'avais envie de venir avec toi. 

Mes poings se serrèrent alors que je sifflais, toujours dos à lui. 

- "J'avais pas envie", "j'avais envie". On ne fait jamais ce que l'on veut dans sa vie. Faudrait bien que tu l'assimiles bien un jour. 

Je m'approchais un peu plus du banc, l'adrénaline courant dans mes veines, la sueur grattant les paumes de mes mains, les fourmis envahissants mes pieds. Je me sentais vivant alors que je m'apprêtais à faire le saut de l'ange. 

- Moi j'ai envie de faire ce que je veux parce que j'emmerde ceux qui veulent me dicter des règles. Je te le promet, on peut faire ce que l'on veut si on y croit vraiment. 

- "Promettre", "croire", tout ça c'est un vocabulaire de faible ! T'es trop crédule et trop abruti pour te rendre compte qu'on est seul. Pourquoi tu veux pas me lâcher ? Tu vois pas que je veux être seul ? Tu veux que je fasse ce que je veux ? Alors casse toi et laisse moi seul ! hurlais-je.

 Pourquoi tu veux pas me lâcher ? Tu vois pas que je veux être seul ? Tu veux que je fasse ce que je veux ? Alors casse toi et laisse moi seul ! hurlais-je

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Je sentis sa main attraper la mienne et la serrer, me faisant tomber par terre et il s'assit sur mon corps. 

- Tu n'as pas envie d'être seul. Je ne te laisserais pas seul. T'es pas comme les autres, tu as un truc en plus qui te rend unique. Alors oui, j'aime avoir envie. J'ai envie de te connaître un peu plus. J'ai envie de te faire sourire. J'ai envie de dire qu'on est ami. J'ai envie de te faire croire et je vais y arriver. De toute façon, tu n'as pas le choix. 

Don't Help MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant