Chapitre 15

535 50 13
                                    

Je m'avançais vers lui, manquant plusieurs fois de tomber avant d'atterrir dans ses bras. Je relevais la tête vers lui. Il ne me regardait pas, son regard était porté derrière moi, là où se trouvait encore la voiture rouillée de l'enfer. Le vent soufflait et je tremblais mais je m'en foutais, j'avais besoin de ses bras pour qu'il me réconforte comme il le faisait toujours. J'avais besoin de ses yeux bleus, de sa respiration calme et harmonieuse. Je m'accrochais à son manteau et il sursauta comme si il avait oublié ma présence. Ses yeux retombèrent sur moi, noirs et tristes et il me repoussa violemment. Mes réflexes étaient complètements inexistants et je n'amortissais même pas ma chute avec mes mains, mon dos s'éclatant contre le sol. 

- J'ai tout fait pour toi, je t'ai promis de t'attendre...

Il chuchotait mais je parvenais à l'entendre malgré tout alors qu'il me semblait qu'il piétinait mes dernières onces de conscience. Il ne semblait même plus me voir, les yeux rivés de l'autre côté de la rue. Je savais qui se tenait derrière adossé à sa voiture, une clope entre ses lèvres qui formaient un sourire triomphant. Le crâne et les yeux totalement explosés, je ne sais pas comment j'ai fait pour me rendre compte de la gravité de la situation. 

- Andy... 

- J'ai tout fait. Je t'ai attendu. 

Son ton montait alors qu'il me regardait, affalé sur le sol. Son visage trahissait son dégoût mais je n'arrivais pas à parler.

- Et toi la seule chose à laquelle tu pensais c'était de te faire baiser par ce connard ?

Il me hurlait et ses mots résonnaient dans mon crâne, rebondissant contre les parois de ce dernier, m'assourdissant. Il m'attrapa par le col et me secouant dans tous les sens. 

- Pourquoi est-ce que que tu fais ça ? Je t'avais promis de t'aider...

Il pleurait. Je ne sais vraiment à quel moment je m'en suis aperçu mais ses joues étaient rayées par les traces des larmes. J'ai voulu dire quelque chose mais il ne sortait de ma bouche que des marmonnements incompréhensibles. Mes pensées s'entremêlaient les unes aux autres, me perdant moi même dans un flot de sensations. Mes yeux erraient partout dans l'espace, n'arrivant pas à se concentrer sur un point fixe. J'étais perdu et incontrôlable, gisant au sol comme une vieille loque abandonnée mais j'avais pourtant réussi à entendre ces trois mots distinctement. Ces mots horribles mais pourtant criant de vérité :

- Je te déteste Oliver ! 

Il vomissait sa rage sur moi et me laissa de nouveau tomber au sol, comme tous les autres. Ils partaient tous. Je tendais désespérément ma main vers lui en vain, je ne voyais que le dos de sa veste, tâche noire dans ma vision brouillée s'éloigner de plus en plus loin.

- C'est pas ce...

J'essayais de parler mais les mots m'étranglaient, s'accrochant à ma gorge de leur griffe pointus alors que je voyais ses bottes battre le pavé. 

- On dirait que ton petit ami ne veut plus de toi, mon chou, entendis-je sa voix dire près de moi. 

Je tentais de le frapper mais mon poing ne fendait que du vent. J'étais enfantin, ridicule, pathétique.Son rire résonna encore longtemps avant qu'il ne s'en aille, me laissant seul dans la rue. Je sentis mon corps se refermer sur lui-même alors que je me remettais à pleurer. J'entendais les sirènes et les klaxons dans la rue d'à côté, les murs menaçants nous séparaient, comme une frontière entre deux mondes. 

- Á l'aide, soufflais-je. 

Mais personne ne m'entendait, parce que personne n'était là. Parce que j'étais seul et que je l'avais toujours été. Il me semblait qu'une éternité se passait alors que je restais allongé, là, sur le sol humide et sale. Tout me semblait mort près de moi, loin de la vie et de l'animation. Les effets diminuaient et je voyais les portes de mon petit paradis se refermer devant moi. Le visage d'Andy gravé dans mon cerveau, je me relevais, titubant avant de me mettre à marcher jusqu'à chez moi. 

Qu'est-ce que je faisais, le sol semblait se dérober sous mes pieds et les regards des passants accusateurs. Je poussais la porte d'entrée à l'aide de mon dos et m'écroulais sur le sol. Mes jambes ne me portaient plus et je sentais mon sang ses glaçait dans mes veines, les substances quittant peu à peu mon corps. Je sentis un tremblement prendre contrôle de mon corps, me forçant à rester clouer au sol. J'étais seul. Je me pinçais les coudes, voulant me réveiller de ce cauchemar mais je ne faisais qu'exploser les vaisseaux sanguins, augmentant davantage la douleur. Me réveiller de ce cauchemar ne servait à rien, c'était impossible. Je ne pouvais que m'y enfoncer. Je rampais misérablement sur le sol, n'essayant même pas de calmer la crise de panique qui s'emparait de moi.  

Je me relevais, rageusement, complètement en proie aux drogues. Je bandais mon poing avant de frapper le mur. J'expulsais les dernières forces qu'il me restait, écaillant la peinture du mur. Ses mots, leurs mots résonnaient dans mes oreilles. Les rires des autres  me perforaient les tympans, les cris des gosses m'éclataient le cerveaux. 

- Tais toi. Tais toi. Tais toi ! hurlais-je, frappant le mur en m'éclatant la peau des phalanges. 

La douleur engourdissait mes sens et je la remerciais, l'accueillant comme on accueille un ami d'enfance. J'avais tout ruiné, il avait tout ruiné. La loque redevenait poussière. Ma voix s'était éteinte, seul un sifflement rauque sortait d'entre mes lèvres, déchirant mes cordes vocales. Il me semblait que j'allais vomir alors que je montais les marches à genoux. J'allais dans la chambre de mon père et ouvrait son placard. Je faisais tomber ses tas de vêtements pour retrouver d'anciennes boîtes de médicaments qu'il m'avait confisqué et oublié. Je les pris, en faisant tomber la moitié avant de m'enfermer dans ma chambre. Je ne voulais pas penser, je me le refusais et allumais ma radio pour laisser le rock m'obstruait les tympans. La vie était un cercle vicieux, on naît, on meurt et entre temps on souffre. J'avalais chaque pilule comme si mon crâne n'était pas déjà assez explosé par tout ce qu'il m'avait forcé apprendre, réduisant à néant chacun de mes efforts. Je fixais cette petite pilule, la dernière, celle qui me ferait forcément passé de l'autre côté. Je le faisais rouler entre mes doigts qui était taché par la pellicule blanchâtre du médicament. Je m'allongeais sur le sol, perdu dans ma propre chambre qui me semblait complètement étrangère. Je fermais mes yeux en profitant du froid glacial qui prit part de mes membres, se rapprochant lentement de mon coeur, prêt à le figer.  

Est-ce que c'était enfin la fin ?  

Est-ce que c'était enfin la fin ?  

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Don't Help MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant