Chapitre 1, 8 ans plus tôt

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J'ai 17 ans. Je suis crois ce qu'on appelle une « fille normale ». Je ne suis pas plus intelligente qu'une autre, pas plus belle et surement pas plus gentille. Je m'appelle Raphaëlle. Papa dis que c'était le nom du restaurant ou il a rencontré ma mère. Dès qu'il l'avait vu, il était tombé amoureux. Je trouve ça cliché, mais je n'oserai jamais contredire son histoire d'amour.

Aujourd'hui c'est le pire jour de l'année, la rentrée. Je n'ai jamais compris toute l'excitation qu'ont les élèves de retourner au lycée. Je n'ai jamais compris ceux qui se préparait pendant des heures pour faire bonne figure en ce jour. Et encore moins ceux qui avait une boule au ventre, un stress permanent de démarrer une nouvelle année. J'ai jamais étais vraiment passionnée par les cours et pourtant j'ai toujours eu de bonnes notes. Je peux pas dire que le lycée de Montréal a été la meilleure période de ma vie, loin de là. A vrai dire, je ne sais pas à quand remonte le jour où je me suis sentie vraiment heureuse. Tout ce que je sais, c'est que rien n'a jamais vraiment d'importance pour moi, et particulièrement pas cette dernière rentrée.

-Il est presque huit heures, crie mon père en rentrant dans ma chambre.

-Je sais, je sais, mais je crois que je ne vais pas y aller.

-Mais bien sur Raphaëlle! J'allais t'en parler. Bouges tes fesses et sors de chez moi!

Le problème avec mon père c'est qu'il n'a rien sans rien. Je suis libre comme l'air, je passe ma vie à faire la fête mais quand il s'agit de l'école, plus question de rigoler. Il a toujours l'air parfait, toujours propre sur lui, organisé et souriant. Depuis que ma mère est morte, il a décidé de combler son absence en apprenant à avoir toutes situations en main. Il dit qu'il aime sa solitude et sa vie, mais je n'en crois pas un traitre mot. Il dit qu'il est heureux, mais je sais qu'il a une boule au cœur à chaque fois qu'il voit des couples dans la rue. A moi, ces amoureux me donnent la gerbe. Ils donnent une image de l'amour qui met l'eau à la bouche des célibataires mais ils ne montrent jamais le négatif. Il est rare de les voir se disputer, se frapper ou même se balancer les pires insultes du monde à la figure. Et pourtant dieu sait que dans la vraie vie, c'est pourtant ce qu'il se passe le plus fréquemment.

En passant la porte, je regarde papa se battre avec la machine à café. Il enlève de son front une mèche de ses cheveux bruns et joliment bouclés. Je dois avouer que je suis heureuse, reconnaissante de l'avoir, premièrement parce que il me tartine mon pain tous les matins depuis 17 ans, mais aussi parce qu'il a bien voulu sacrifier sa vie entière pour moi et mon frère, Noé.

Arrivé devant le lycée, sur ma nouvelle Vespa d'occasion, j'ai une très grosse envie de vomir, et ce n'est même pas parce que j'ai peur, mais juste parce que mon frère n'est plus au lycée, et à vrai dire, il y a de grandes chances pour que je me retrouve seule plus souvent que j'en avais l'habitude. Je n'oserai jamais lui avouer en face, mais il va me manquer. Il va manquer à toute l'école. Il avait tout du roi du lycée. Beau, sportif, intelligent et très très gentil. C'est grâce à lui que j'ai réussi à me faire une place dans ce lycée.

Les couloirs sont toujours les mêmes, rien a changé. Le beige des murs commence pourtant à se faire plutôt vieux, tout comme le bleu des casiers. On m'annonce que mon casier est dans la rangée du bas et je ne sais pas ce qui me retient de casser la gueule à cette directrice. Avant la sonnerie des cours, je passe aux toilettes me remaquiller. J'ai pas grand-chose d'une fille, mais je m'accroche comme je peux, je crois qu'au fond de moi j'aimerai bien paraitre comme les autres cette année, même si ça me tuerai de l'avouer. Je regarde mes yeux verts émeraude une dernière fois et mes cheveux châtain. Je porte un short en jean et une jolie marinière rouge dessous une veste, en jean elle aussi. J'entends alors la porte s'ouvrir et Tahlia me saute dans les bras. Tahlia c'est la fille qui craint le moins dans ce lycée. On n'est pas ce genre de grandes copines qui s'appellent tous les soirs mais je l'aime bien, elle n'a jamais été méchante avec moi et elle m'aide toujours à réviser quand un contrôle approche.

-Ca va Raph ? Prête pour la rentrée ? dit-elle, de bonne humeur.

-Mouais...J'ai vu que l'on était dans la même classe, c'est déjà ça.

-Allez grincheuse c'est notre dernière rentrée ! Ça va être une année de folie !

Sa bonne humeur me fait toujours sourire. Elle voit tout le temps la vie du bon côté, c'est impressionnant. Elle fait partie de ces personnes que l'on ne verra jamais se plaindre, qui ne baissent jamais les bras face aux obstacles. Elle est de celle qui sont aimées, jalousées et regardées en permanence.

J'entends la sonnerie retentir et je la suis dans le couloir jusqu'à notre salle, et la matinée passe d'une lenteur inexprimable, comme le reste de la journée. Un nombre indéfinissable de personnes me saluent durant toute la journée et je ne connais même pas le prénom de certains. On pourrait se dire que je suis une fille populaire, et ça ne me déplairait même pas, mais pour être honnête, je dois absolument tout à mon frère. Je suis invitée à des fêtes grâce à lui, je n'ai jamais mangé seule grâce à lui et j'ai jamais eu d'histoire avec des personne parce qu'ils avaient peur de lui. Mais en même temps je ne lui dois rien, après tout, tout ce que j'ai gagné, ce sont des amis en carton.

On est déjà samedi soir. Et j'ai déjà deux SMS pour me prévenir que la fête de début d'année se passe chez Camille Grady. Je commence à me préparer pour sortir, je lisse mes cheveux et me maquille comme je peux. Pourquoi faut-il toujours que je sorte? Je n'ai même pas envie de voir du monde. Tous ses gens ne me connaissent pas vraiment et je n'ai pas envie de les connaître. Mais voilà, j'ai besoin de faire la fête, de faire comme tout le monde, de me changer les idées pendant quelques heures.

En mettant mes converses blanche, j'envoie un bisou à papa, comme d'habitude, et il me dit de faire attention, comme d'habitude. Papa, si seulement tu savais. Si tu savais que je ne veux pas faire attention, je veux juste être insouciante, oublier à quel point la vie est pourrie. Je veux danser, boire et faire semblant d'aimer tout le monde. C'est ce que je fais le mieux maintenant. C'est comme ça que je suis devenue.

Arrivée à la soirée, je vois que la fête bat déjà son plein. J'essaye de tirer sur mon jean pour éviter les plis et je remets ma veste en cuir. En passant la porte d'entrée, des filles de ma classe me saluent, des gens sourient, me font des accolades. Il y a tellement de gens et je me sens pourtant si seule. Je perçois Tahlia qui rigole dans un coin du salon. C'est la plus jolie, il n'y a aucun doute. Ses traits espagnols la rendent si pétillante et si pleine de vie. Pourtant j'ai parfois l'impression que tout ça c'est une image qu'elle se donne, comme tout le monde le fait. Je pense qu'elle a en réalité peur de montrer qui elle est, et qu'elle ne le sait pas forcément elle même. On me tire de mes pensées en me caressant l'épaule.

Il pose sa tête dans le creux de mon cou et murmure:

-Ça va la plus belle?

C'est Alex. Alex c'est mon copain. Enfin je crois. Il est là quand j'en ai envie. Ou peut-être que c'est moi qui est là quand il en a envie. C'est ce genre de garçon que tout le monde aime, ou plutôt dont tout le monde a peur parce qu'il est plus populaire ici que Tom Cruise. Et depuis six mois, nous avons passé le stade de connaissance à amis, ou petits amis. Je l'aime bien, vraiment, même s'il n'est pas toujours gentil avec tout le monde. Il faut dire que je ne suis pas meilleure à ce petit jeu. Tahlia aimerai que nous soyons un de ces petit couples mignons et amoureux, mais je ne suis même pas sure de savoir ce que c'est que l'amour.

Je lui souris quand il me regarde et il m'embrasse tendrement. Quand il m'embrasse, c'est comme si je me sentais un peu moins seule que d'habitude. J'ai toujours voulu, quand maman était encore là, savoir ce que ça faisait d'embrasser quelqu'un. Je voulais connaître les papillons, les arcs en ciel et tout ce blabla qu'on voit à la télévision. Je n'ai pas mis longtemps à comprendre que tout cela n'était que des conneries. Embrasser, c'est juste oublier de penser pendant 5 secondes. Rien de plus.

-Bébé, je vais fumer, tu viens?

-Non merci Alex. À toute à l'heure!

Le reste de la soirée s'écoule comme à son habitude, je bois, assez pour me donner le courage de danser avec Tahlia au milieu du salon. Je joue à des jeux aussi cretins les uns que les autres. Voilà le résumé de ma vie. Je passe mon temps à éviter les réalités de la vie. Parce que si j'y pensait vraiment, je crois que je pourrai peut être pleurer. Bien que je ne pleure presque jamais.

SMOKEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant