Chapitre 8

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Minuit, déjà minuit. Mes yeux, pourtant si gonflés ne veulent pas se fermer. Ma vie, ces derniers mois repassent et repassent dans ma tête.

Minuit cinq, déjà cinq minutes de plus. La douleur est toujours la.

Minuit quinze, le temps file. La vie vas vite, mais qu'est ce qu'on attend? Nous sommes à la recherche de moments de bonheur. Mais tous le monde sait que les plaisirs de la vie mènent au malheur. Notre cœur est en péril lorsque l'on commence à avoir des choses à perdre.

Minuit trente, mon téléphone vibre. "Tu dors?", "C'est qui?", "Nathan".

La porte de ma chambre s'entrouvre. Il est là. Tee shirt blanc, jogging gris. Il me fais un signe pour me dire de ne pas faire de bruit, me tend ma veste et me tire doucement du lit.

-Nathan, ou est ce que l'on va?

-Ne dis rien. Fais moi confiance.

-Je ne pourrai plus jamais faire confiance.

-Je sais. Mais qu'as-tu à perdre?

Il a raison. Je n'arrive pas à dormir. Je n'ai personne à qui parler. Je le regarde quelques secondes et lui fais signe que c'est bon, je viens.

A peine dans le jardin, il me fais signe de prendre mon scooter, je monte, il grimpe devant moi. Je lui chuchote que nous n'avons pas de casque, il répond qu'il s'en fou. Et je démarre. On roule, on roule, on roule encore. Dans la pénombre de cette nuit automnale, on ne s'arrête plus. Les larmes coulent mais je ne pense plus à rien. Au bout d'une vingtaine de minutes de routes, il me préviens que l'on va s'arrêter sur la droite de la route. Il y a un parking vide avec une sorte de vieux entrepôt. Je remarque alors qu'il a un sac à dos avec lui.

-Raphaëlle, toi et moi on est rien, même pas amis, comme tu l'as dis. Je ne vais pas te parler, je ne te connais pas et je ne te conseillerai pas. Mais je sais ce que c'est d'être en colère.  Je sais ce que c'est de vouloir tout foutre en l'air. De se sentir seul, d'avoir cette boule dans la poitrine qui refuse de s'en aller. De se dire que rien ne sera jamais comme avant. De ne plus savoir qui l'on a été, qui l'on est et de se poser des questions sur qui l'on sera...

-Je ne veux pas de tout ça Nathan. Je n'aime pas la vie. Elle est décevante.

-Je sais. Mais je crois de toute mes forces qu'un jour, quelque chose nous tombera dessus comme ça, et que d'un coup on saura.

-On saura quoi?

-Pourquoi on est ici. Pourquoi ça valait le coup de se prendre toutes ces claques dans la gueule. Pourquoi il fallait qu'on se relève plus fort à chaque désillusion, à chaque chocs. C'est là que je venais quand ça n'allait pas. Quand maman est parti. Quand papa est mort. Prends ces bombes dans le sac à dos, et laisse toute ta colère sur les murs. Laisse toute ta colère ici. Laches toi.

En temps normal, j'aurai été cynique avec lui et stressée de vandaliser des murs en les taguant. Mais il était une heure quarante cinq du matin, il n'y avait pas un chat. Et j'en avais envie. J'en mourrai d'envie.

Lorsque je suis rentrée à la maison cette nuit là, il était quatre heure du matin. Ni vu, ni connu, nous sommes rentré dans la maison. Arrivés devant nos chambres, il m'a lancé un dernier regard et il a pu lire sur mes lèvres: MER-CI.

La douleur était encore là, mais je reprenais espoir de la voir disparaitre un jour.

Évidemment, le pire dans un chagrin, c'est le lendemain. Perdu dans notre sommeil, notre cerveau essaye de discerner la réalité des rêves. On espère que ce n'est qu'un cauchemar. Puis les faits nous reviennent en pleins visage. Tout remonte à la surface.

Pendant quelques secondes, j'hésite à aller au lycée. Je n'ai presque pas dormi, je suis épuisée physiquement comme moralement. Mais je me rappelle qui je suis. Je suis forte. Je suis résistante. Je suis courageuse. J'ai connu pire et j'ai bien peur qu'il me reste beaucoup de peines à connaitre. Je ne me laisserai pas abattre. Raphaëlle Sanders sera bien au lycée ce matin, plus prête que jamais à affronter les regards des autres.

Au petit déjeuner, je croise à peine, les autres, et l'ignorance avec Nathan reprend son cours normalement. Rien a bougé. Tout est normal.

Arrivée devant le lycée, après avoir garée ma Vespa, je croise quelques regards insistants mais pas autant que je l'aurai cru. Après tout, ce qui intéresse particulièrement les gens, c'est le fait que Tahlia sortait avec mon frère plus qu'autre chose.

Je l'évite en cours toute la matinée et force à ne pas montrer mon mal être. Ne jamais montrer ses faiblesses. Elle essaye de m'appeler à la fin des cours, mais je ne me retourne pas.

Le midi, je croise Alex qui m'embrasse tendrement avant de me proposer de manger avec lui. Je sais que ce n'est pas vraiment mon petit copain, mais c'est mieux que d'être seule à table. Il me raconte comment s'est passé son match de basketball, comment il va surement avoir une bourse pour l'année prochaine et comment son anniversaire dans deux semaines va être grandiose. Comme d'habitude, il ne parle effectivement que de lui. Mais pour une fois, tant mieux. J'ai juste à hocher la tête et à faire semblant de sourire. Je n'ai pas besoin de parler.

SMOKEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant