Chapitre 3

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Ce soir là, en rentrant à la maison, je suis étonnée que les lumières soient encore allumées. Ça n'arrive jamais. J'attend alors quelques minutes dans l'allée de devant, tout en essayant d'apaiser l'odeur d'alcool et de cigarette qui colle à ma peau. La musique résonne encore dans ma tête et je me dis que demain risque d'être une dure journée.

En trouvant enfin la serrure, je pénètre dans l'entrée, titubante et fatiguée. Je suis toujours étonnée quand je rentre à la maison, la nuit. Elle me parrait toujours immense, surtout maintenant que nous ne sommes plus que deux.

Papa se tient dans le salon, le tête entre les mains, et je perçois qu'il est au téléphone, mais c'est seulement quand il raccroche que je comprend qu'il est en pleurs. Je m'approche de lui pour qu'il m'explique, et sanglotant, il parvient à me dire:

-Marc est mort.

Marc, c'est le meilleur ami de papa. C'est deux là sont inséparables depuis des dizaines d'années, et pourtant je n'ai vu Marc qu'une dizaine de fois, en coup de vent. C'est papa qui allait toujours chez lui. Moi je ne l'accompagnais jamais, c'est Noé qui se chargeait d'écouter leurs vieilles histoires et souvenirs. Leurs heures de gloires.

Apres la mort de maman, je crois que Marc l'a aidé financièrement et particulièrement moralement afin qu'il puisse surmonter ça. C'était le seul ami de papa. C'était un pilier. Je prend papa dans mes bras et le serre de toutes mes forces. Il me serre un verre d'eau, sans un mot. Je sais qu'il n'a plus la force de dire quoi que ce soit. Et je ne sais pas quoi dire non plus, je ne sais jamais quoi dire. Il m'embrasse alors sur le front, sans pouvoir me regarder dans les yeux. Il se dirige dans sa chambre et je monte dans la mienne, confuse.

Marco est mort. Il est mort. Mais je crois qu'en mourant, il vient de tuer papa.

La mort. On y passe tous un jour, et pourtant ça reste sûrement le sujet le plus tabou du monde. C'est une de ces étapes qu'on ne surmonte jamais. Par pour la personne qui décède. Non évidemment, ce serait trop simple sinon. Je suis sure que "Marc" se la coule douce sur une plage avec un petit whisky coca et des magazines d'automobiles. Il se sent sûrement apaisé et malin avec ses petites ailes dans le dos, comme maman. Mais voila, ça ne peut pas être aussi simple. C'est pour les proches que cette personne laisse que c'est compliqué. Que ça laisse des traces. Je crois que finalement, c'est pour ça que je ne m'attache jamais à qui que ce soit.

Je ne connaissait pas cet homme, non, je ne l'avais vu qu'une fois où deux. Papa n'aimait pas ramener ses amis à la maison, il avait peur qu'on le trouve trop heureux pour un veuf. Je trouvais ça quelque peu stupide, mais à la fois gentil de sa part. Le voir si triste depuis hier me donne la nausée. C'est comme si je revivais l'enterrement de ma mère. C'est douloureux de le voir comme ça, comme s'il ne croyait plus en la beauté de la vie, comme s'il était comme moi. En attendant mon père devant la voiture, dans l'allée, je craque et j'allume une cigarette. C'est devenu mon seul calmant. Ma mère est morte d'un cancer alors qu'elle n'avait jamais fumé de sa vie. C'est tellement injuste. Alors j'aime fumer, tout en me foutant de toutes leurs campagnes de préventions. Parce que quitte à devoir mourir, je préfère avoir vécu sans règles.

Quand papa arrive devant la voiture, je suis déjà dedans depuis 10 minutes. J'aimerai lui en vouloir de m'avoir fait patienter, mais il porte ses lunettes de soleil.

Ça m'a toujours fait sourire les lunettes de soleil, j'ai toujours détesté les personnes qui en portaient. Je pensais qu'ils les mettaient pour se faire remarquer. C'est seulement en grandissant que j'ai compris que les lunettes servent d'avantage à se cacher qu'à se montrer. Il me sourit gentiment mais je sais que sous sa monture, ses yeux sont encore humidifié et gonflés.

En rentrant dans la voiture, je sens ses sourcils se froncer.

-Raphaëlle, tu as encore fumé.

-Oui papa, je suis désolé. Mais quand je vois toutes les merdes qui arrivent alors je me dis que c'est pas une clope de temps en temps qui me tuera.

-Chérie, je sais que c'est pas facile pour toi de remettre les pieds à un enterrement.

-Ne t'inquiète pas, je ne t'aurai pas laisser y a aller tout seul.

Normalement c'est Noë qui s'occupe de ce genre de chose, comme soutenir papa. Mais depuis qu'il est partit, j'essaye de reprendre la main. Même si ça m'oblige à retourner dans une église ou un cimetière.

Arrivée devant l'église, il coupe le moteur mais ne sort pas de la voiture. Il attend de me dire quelque chose, je le sens.

-Tu sais chérie, Marco avait un fils, Nathan, c'était un bon copain de ton frère, et une fille, Emma. Tout deux ne vivaient plus avec leur mère, je crois que Nathan ne lui adresse plus la parole depuis des années et personne n'a jamais su pourquoi.

Je ne sais pas où il veut en venir alors j'ajoute, gentiment:

-Où est ce que tu veux en venir?

-Ils n'ont maintenant nul part ou aller alors je leurs ai proposé de venir quelques semaines à la maison.

-Pardon? Papa...

-C'est seulement pour deux ou trois semaines. S'il te plaît Raph, ils viennent de perdre toute leur vie. J'ai déjà vu avec Noë, il est d'accord pour laisser sa chambre à Nathan. Et Emma dormira dans la chambre d'amis.

J'ai envie de lui crier que ce n'est pas mon problème mais je me retiens. Mon frère passerai encore pour le gentil fils bien élevé et moi pour la petite garce sans cœur. Alors je me contente de hocher la tête pour lui dire que c'est bon pour moi. À contre cœur.

SMOKEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant